Le 23 février, les Allemands se rendront aux urnes pour élire un nouveau Parlament. Entre Olaf Scholz, Friedrich Merz, Alice Weidel et Sahra Wagenknecht, la course s’annonce serrée. Quels sont leurs espoirs de victoire? Quels candidats pourraient créer la surprise? Tour d’horizon des forces en présence et des dynamiques à l’approche du scrutin.
Lorsque des politiques ou des journalistes ont le mot «historique» à la bouche, cela invite en général à la prudence. La plupart du temps, la tendance est à l'exagération. Mais les sociaux-démocrates du chancelier allemand Olaf Scholz pourraient effectivement enregistrer un résultat historique: le plus mauvais du SPD dans l'histoire de la République fédérale et le plus mauvais score pour le parti à la tête du pays.
Un nouveau sondage crédite la formation de 14% des voix, une chute de plus de dix points de pourcentage par rapport aux dernières élections. Les sociaux-démocrates devraient ainsi selon toute vraisemblance, passer en troisième position derrière l'AfD, mais une quatrième place - derrière les Verts - semble également possible.
Difficile de croire à un rattrapage sur le gong: contrairement à 2021, lorsque Scholz avait mené son parti au sommet dans le sprint final, les électeurs connaissent désormais le dirigeant. Et ce qu'ils ont vu pendant son mandat ne leur a pas plu: crise migratoire, crise économique, disputes au sein de la coalition. Même s'il s'affiche toujours confiant, Olaf Scholz n'a pas convaincu.
Avec des intentions de vote avoisinant les 30%, les chrétiens-démocrates et les chrétiens-sociaux obtiennent des résultats, dont Konrad Adenauer, Helmut Kohl et même Angela Merkel n'auraient guère été fiers. Actuel candidat, Friedrich Merz peut se consoler avec l'idée qu'il obtiendrait un score tout de même deux fois plus élevé que le SPD.
En outre, la popularité de la CDU/CSU a légèrement augmenté depuis que Merz a déposé au Bundestag deux motions sur la politique migratoire, approuvées également par l'AfD. De nombreux électeurs croient apparemment Merz, qui dit vouloir empoigner sérieusement la question migratoire. Le fait de s'être cantonné à son rôle d'homme d'affaires sous l'ère Merkel - sans avoir donc à soutenir la politique de la chancelière - l'aide aujourd'hui: on ne peut pas reprocher à Friedrich Merz les erreurs et les manquements d'alors de son parti.
Si l'on considère que les rapports de force politiques sont devenus volatils en Allemagne également, les 30% constitueraient un chiffre respectable. On pourrait ainsi qualifier avec une certaine bienveillance la CDU/CSU de dernier parti populaire. C'est donc à juste titre que Merz peut convoiter la plus haute marche du podium, et par là même, la chancellerie.
Le cas des Verts a de quoi étonner: contrairement aux sociaux-démocrates et aux libéraux, la «coalition tricolore» (réd: «Ampel-Koalition» en allemand) ne semble pas leur avoir fait le moindre mal. Avec 14%, ils décrocheraient pratiquement le même score que lors du précédent scrutin.
Le succès de la formation s'explique sans doute par la stabilité de sa base: des idéalistes qui considèrent le changement climatique comme le problème le plus urgent de notre époque. L'électorat des Verts rassemble de nombreux diplômés universitaires aisés, qui ont des emplois stables dans le secteur public. Ils ne ressentent guère la crise économique - et peuvent donc se permettre de mettre de côté leurs propres intérêts matériels au moment de glisser un bulletin dans l'urne.
Le candidat écologiste, Robert Habeck, a toutefois une revanche à prendre: en 2021, on a cru à un moment donné que son parti se hisserait à la première ou à la deuxième place. Mais le soutien s'est effrité dans les derniers instants de la campagne, notamment en raison des erreurs commises par Annalena Baerbock, alors en course pour la chancellerie. Qui sait comment les choses se seraient déroulées avec Habeck – nettement plus doué – à la tête du parti?
Contrairement aux électeurs des Verts, ceux du FDP veulent du concret en échange de leur vote, qu'il s'agisse d'une baisse d'impôts ou d'un allègement de la bureaucratie pour leur entreprise. Si les libéraux ne le font pas, les électeurs ne répondront pas présent. C'est ce qui s'est produit en 2013, lorsque le parti est demeuré absent du Bundestag pour la première fois de son histoire. Et le scénario pourrait se répéter aujourd'hui: dans les sondages, le FDP ne parvient pas à dépasser la barre des 5% depuis des mois; il risque par conséquent de perdre ses représentants au Parlement.
Dans la coalition qu'ils forment avec deux partenaires plutôt de gauche, les libéraux ont tout au plus pu éviter le pire de leur point de vue. Ils n'ont en revanche pas pu acter des allègements sérieux, que beaucoup espéraient en Allemagne, pays à forte fiscalité.
Le FDP aura de la peine à faire pencher la balance en sa faveur d'ici dimanche. Le chef de la CDU semblait appeler de ses voeux une coalition entre les deux formations. Mais il semble avoir entre-temps abandonné le projet: Friedrich Merz a déclaré la semaine dernière que celui qui votait FDP perdait sa voix. Au vu des résultats des derniers sondages, de nombreux électeurs potentiels du FDP devraient suivre son raisonnement.
Les sondages attribuent 20% des suffrages à l'AfD, ce qui lui permettrait de doubler sa part électorale par rapport aux dernières élections et de devenir la deuxième force au Bundestag. Le parti surfe sur le succès de sa cheffe de file, Alice Weidel. Elle est parvenue à professionnaliser et unifier davantage l'AfD que par le passé. Le parti peut aussi miser sur une conjoncture de ses thèmes gagnants: après les attentats de Solingen, Magdebourg, Aschaffenburg et Munich, l'immigration occupe une place dominante dans la campagne.
Pour l'instant, la CDU/CSU de Friedrich Merz semble toutefois avoir réussi à endiguer la croissance de l'AfD en adoptant un ton plus ferme en matière de politique d'asile. Si Merz, en tant que chancelier, échoue à apporter rapidement des améliorations tangibles dans ce domaine, cela risque d'accentuer la déception du peuple. Au profit de l'AfD et de sa popularité - le verdict ne tombera cependant vraisemblablement qu'après l'élection.
A première vue, la renaissance de «la gauche» est l'un des rebondissements les plus improbables de cette campagne. Pendant longtemps, il semblait évident qu'elle raterait son entrée au Bundestag; désormais, elle dépasse presque systématiquement les 5% des intentions de vote.
À y regarder de plus près, on comprend mieux ce succès: la prise de distance avec la grande critique de l'immigration, Sahra Wagenknecht, a permis de clarifier les choses. Désormais, Die Linke peut aller chercher le camp proasile. À une époque où le SPD adopte lui aussi une ligne plus dure en matière de politique migratoire, elle dispose ainsi d'une caractéristique unique.
À cela s'ajoute le fait que la question sociale se pose avec une nouvelle acuité au sein de la jeunesse: dans les grandes villes du pays, il est difficile de trouver des logements abordables pour ceux qui quittent la maison. Là-dessus, Die Linke jouit, en tant que parti d'opposition, d'une plus grande crédibilité que le SPD et les Verts, au pouvoir depuis des années.
Le déclin de l'Alliance Sahra Wagenknecht (réd: Bündnis Sahra Wagenknecht, BSW en allemand) s'avère tout aussi surprenant (ou pas) que l'envolée de Die Linke. BSW a démarré particulièrement fort dans les sondages, mais la formation doit désormais craindre de rater son entrée au Bundestag. Le succès de Wagenknecht est toujours demeuré fragile, car lié à un seul thème fort: la guerre en Ukraine. Maintenant que l'exigence du BSW d'une solution négociée pourrait se réaliser, le parti semble avoir perdu sa raison d'être.
Traduit de l'allemand par Valentine Zenker