Donald Trump en est persuadé: il mérite le prix Nobel de la paix. Et pas qu’un peu – selon lui, plus que n’importe qui dans l’histoire. C’est dans cet état d’esprit qu’il s’est lancé dans la course à la Maison-Blanche l’an dernier. Il claironnait que s’il était élu, il mettrait fin à la guerre en Ukraine «en 24 heures».
Même son de cloche pour Gaza: «Je vais régler ça rapidement», avait-il promis à la communauté arabo-américaine du Michigan, un Etat clé pour sa victoire. Beaucoup l’ont cru et lui ont permis de remporter ce swing state crucial en novembre. Mardi, la réalité est tombée: ses grandes déclarations ne valaient… pas grand-chose.
D’abord, Benjamin Netanyahou a unilatéralement mis fin au cessez-le-feu avec le Hamas et a relancé l’offensive sur Gaza avec une violence inouïe. Bilan: plus de 400 morts, en majorité des civils. D’après CNN, c’est le jour le plus meurtrier depuis 15 mois. Et Netanyahou a prévenu:
Dans la foulée, Trump a eu un appel avec Vladimir Poutine. Les attentes étaient faibles… mais le résultat a été encore pire: le président russe a refusé une trêve de 30 jours pourtant acceptée par l’Ukraine. Tout ce qu’il a concédé, c’est une suspension temporaire des attaques contre les infrastructures énergétiques ukrainiennes.
En contrepartie, il a exigé l’arrêt total des livraisons d’armes et du partage de renseignements avec Kiev – des conditions inacceptables. Pour de nombreux observateurs, c’était limpide: Poutine a à peine évité à Trump une humiliation totale. Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a résumé la situation sur ZDF:
«Avec cette proposition, Poutine épargne l’infrastructure la mieux protégée d’Ukraine», a répondu Boris Pistorius. En échange, il espère que l’Ukraine suspendra ses attaques de drones contre les raffineries russes. Mais une paix réelle? Un vrai cessez-le-feu? Ce n’est pas à l’ordre du jour pour l’autocrate du Kremlin.
«Il se moque de nous», a commenté l’ex-Premier ministre britannique Boris Johnson sur X. Mais Trump, lui, n’y voit aucun problème. Sur Fox News, il a qualifié son entretien avec Poutine de «formidable». Et d’ajouter dans le Washington Examiner, média conservateur:
En réalité, Trump s’est fait manipuler. Un détail de la discussion en dit long: le hockey sur glace. L’exclusion de la Russie des grandes compétitions est l’une des rares sanctions qui fait vraiment mal à Moscou. Or, Trump a laissé entendre qu’un retour progressif aux tournois internationaux était envisageable, notamment via des matchs avec des stars de la NHL américaine.
Même scénario à Gaza: selon le Wall Street Journal, Trump aurait donné son feu vert à Israël pour intensifier ses frappes contre le Hamas, alors même que des négociations se poursuivaient au Qatar pour un nouvel accord sur le cessez-le-feu et le sort des 59 otages restants – dont 24 seraient encore en vie.
«Beaucoup d’observateurs américains soupçonnaient Netanyahou de ne jamais vouloir aller au-delà de la première phase du cessez-le-feu», analyse CNN. Son objectif? Maintenir une guerre permanente pour rester au pouvoir. Car plus la guerre s’éternise, moins la pression pour libérer les otages est forte.
Preuve supplémentaire: le retour du ministre ultranationaliste Itamar Ben-Gvir au gouvernement. Avec lui, Netanyahou peut espérer faire voter son budget d’ici la fin du mois. Sans cela, la Knesset se dissoudrait automatiquement, entraînant des élections anticipées – un scénario que Netanyahou veut absolument éviter.
De plus en plus d’indices montrent que Netanyahou tente de transformer la démocratie israélienne en régime autoritaire. Il veut limoger Ronen Bar, le chef du Shin Bet (service de renseignement intérieur). La procureure générale, Gali Baharav-Miara, est également dans son viseur. Quitte à fragiliser la sécurité nationale.
Du côté de Trump, aucune opposition à attendre. Il reste focalisé sur l’Iran et bombarde depuis plusieurs jours la milice houthie au Yémen, alliée de Téhéran. Un paradoxe, quand on se prétend artisan de la paix. D’autant que l’Arabie saoudite a déjà tenté d’anéantir ces mêmes Houthis par les airs – avec un succès très limité.
Cette contradiction résume bien la politique étrangère de Trump. Il peut encore rejeter la responsabilité des guerres en Ukraine et à Gaza sur son prédécesseur Joe Biden. Mais cette excuse commence à s’effriter. Plus le bain de sang continue, plus son image de pacificateur s’effondre. Comme l’explique CNN:
En clair: il finira peut-être par réaliser que Poutine et Netanyahou le mènent par le bout du nez depuis le début.
Traduit de l'allemand