Parfois, les sondages mentent. Certains l'espèrent. Parfois, ils ne font qu'annoncer le tsunami qui finit par tout ravager sur son passage. Beaucoup le redoutent. Et cette vague, vertigineuse, implacable, s'appelle Donald Trump. Cette nuit, le magnat de l'immobilier, que tous les coups de sonde hissaient au sommet de la primaire républicaine, s'est emparé de l'Iowa. Son score? 51%. C'est énorme, inédit, historique, inquiétant. Désarmant, même. Au point que ses inoffensifs adversaires conservateurs et le président des Etats-Unis sont contraints de prendre acte, en serrant le poing dans la poche. Trump, c'est un fait, est officiellement à quelques marches de la Maison-Blanche.
Biden a rajouté un détail qui ne trompe (plus) personne. Non seulement le candidat démocrate a peur, mais il se considère toujours comme l'unique rempart au fascisme qui menace le pays: «Voilà le problème. Cette élection allait toujours être vous et moi contre les républicains extrémistes du MAGA. C'était vrai hier et ce sera vrai demain. Donc, si vous êtes avec nous, faites un don.» Entre les lignes, on perçoit également le profond désarroi d'un président fatigué, conscient d'affronter une secte solidement arrimée à son gourou et de se débattre dans un océan d'irréalité(s).
Cette nuit, 56 260 électeurs républicains de cet Etat du Midwest n'ont pas hésité une seconde avant d'adouber un homme qui pourrait bien croupir le reste de sa vie en prison. C'est plus que tous ses concurrents réunis et même bien pire que cela. Comme les sondages le prédisaient, son marathon judiciaire renforce la loyauté de son clan, à chacun de ses passages au tribunal. Une véritable sidération s'est installée, comme un nuage dense qui menace la démocratie américaine.
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Un peu partout, on se rassure donc comme on peut. «L'Iowa allait de toute manière revenir à Donald Trump», entend-on. C'est vrai, mais jamais un républicain n'avait raflé 51% des voix. Les grands déçus ne se concentrent que sur le 23 janvier et l'étape du New Hampshire. Plus modéré, cet Etat en pince grave pour Nikki Haley. Troisième dans l'Iowa, l'ancienne ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU y jouera la solidité de sa candidature.
Hélas, une défaite de Trump à l'Est du pays serait une immense surprise et s'il remporte le New Hampshire, le milliardaire deviendrait le premier républicain (non sortant) à repartir avec les deux premiers États du calendrier électoral, depuis que les caucus sont pris au sérieux. C'est-à-dire depuis 1972. En d'autres termes, il n'y a qu'un pas pour affirmer que les primaires sont d'ores et déjà terminées. A moins que?
A moins que les républicains ne se réveillent de ce cauchemar éveillé, parce que le risque est colossal pour le Grand Old Party de tout miser sur Trump. A moins, aussi, que la justice ne décide de lui tendre des croche-pattes au bon moment. En acceptant la menace d'une guerre civile, commandée par le condamné et servie par ses groupies belliqueuses.
Autant dire que ces deux stratégies sont branlantes. Depuis quelques heures, les apôtres du groupuscule MAGA sont en apoplexie et la planète Trump tourne littéralement sur elle-même. A les entendre, le hold-up de l'Iowa n'est qu'un aperçu en titane de la tempête qui va s'abattre le 5 novembre. Et leur joie dépasse évidemment la simple victoire de la nuit passée. Pour beaucoup d'ultraconservateurs, c'est l'âme des démocrates qui vient d'être atomisée.
L'heure est à la célébration d'un triomphe idéologique, quitte à dépasser les bornes et raconter n'importe quoi. Car sur les réseaux sociaux, un autre événement majeur a permis aux républicains d'appuyer leur thèse: l'élection de la plus belle femme des Etats-Unis, en Floride, le fief de Donald Trump.
Pauvre Madison Marsh. A peine la couronne sur sa tête que cette belle blonde de 22 ans, établie au Colorado, se voit méchamment récupérée par l'extrême droite de son propre pays. Il faut non seulement rappeler que les conservateurs adorent l'armée, mais préciser que Miss America 2024 est la première lieutenante de l'armée de l'air en exercice de l'histoire de ce concours de beauté. Vous l'aurez certainement compris, le pénis de Madison, ou plutôt son absence, devient l'emblème des républicains en guerre contre les idées progressistes, les mouvements LGBT et, surtout, le «militantisme trans».
L'élection présidentielle ne sera pas uniquement concentrée sur le nouveau destin d'un Donald Trump ayant le cul entre la justice et la Maison-Blanche. Elle est le miroir d'une société américaine qui doit véritablement commencer à craindre pour ses fesses.