Dans le monde de Donald Trump, on dit souvent que se voir affubler d'un nouveau surnom est un signe annonciateur de troubles. La preuve que vous vous trouvez dans le viseur de l'ancien président. Et qu'il ne ménagera pas ses efforts pour saper votre crédibilité. Vous détruire.
Il y a un an, c'était un certain Ron DeSantis, populaire gouverneur de Floride, qui écopait, jour après jour, de nouveaux noms aussi imaginatifs que ridicules. De «boulette de viande» à «DeSaster», celui qu'on osait encore présenter à l'époque comme le «rival de Trump» s'est depuis embourbé dans une campagne qui ne décolle pas. Ses derniers soutiens se comptent sur les doigts d'une main. Donald Trump, lui, ne prend plus la peine de lui inventer des surnoms.
A une semaine du «vrai» lancement de la course, le caucus de l'Iowa, c'est une autre candidate qui catalyse l'attention et les moyens financiers de la campagne Trump: Nikki Haley. Après «cervelle d’oiseau», la voilà devenue «Haley High Tax» («Haley aux impôts élevés»). Ajoutez à cela le lancement d'une campagne de pub «anti-Haley», diffusée fin décembre sur les chaînes de télé pour un montant de 3,4 millions de dollars. Ainsi que, pour faire bonne mesure, 370 000 dollars en courriers postaux et SMS. Vous obtenez une ennemie toute désignée.
Derrière ces attaques, un aveu à peine voilé: Nikki Haley est devenue une candidate qui compte. Une épine dans le pied de la campagne Trump. Une ombre planant sur une victoire qui semblait courue d'avance. Belle revanche pour l'ancienne gouverneure de Caroline du Sud, restée coincée pendant des semaines dans son statut d'«outsider merdique» quasi invisible.
Onze mois de campagne, de travail acharné, d'Etats sillonnés, de meetings enchaînés, de trésors de séduction déployés auprès des électeurs et de becs cloués pendant les débats télévisés plus tard, Nikki Haley est devenue le nouvel espoir de nombreux républicains désespérés de trouver une alternative crédible à Donald Trump.
Pour séduire la base traditionnelle du Grand Old Party, l'ancienne ambassadrice à l'ONU cochait toutes les cases. Classique, conservatrice, sérieuse, expérimentée. Un pur produit de l'establishment. Un archétype pour Américains conservateurs, instruits et modérés. Le problème? Ce vivier d'électeurs constitue son plus gros handicap. Les républicains «old school» sont désormais une espèce en voie de disparition. Une minorité.
Le cœur du parti bat ailleurs, notamment chez des électeurs de la classe ouvrière. Des millions d'adhérents «Make America Great Again» purs et durs, pour qui les accusations de «chaos», «vendettas» ou «procès» sonnent comme des compliments plutôt que des repoussoirs.
«Sa campagne est un rappel de ce qu'aurait pu être la campagne d'un candidat républicain compétent si on était en 2015», juge Gunner Ramer, directeur d'un super-pac anti-Trump, au Guardian.
La sage Nikki Haley souffre de la comparaison avec un ancien président pétaradant, en perpétuelle roue libre. «Elle n'est pas prête pour les heures de grande écoute. Et cela se voit à chaque fois qu’elle s’écarte de ses propos scénarisés», souligne une source proche de la campagne Trump au Daily Beast.
Désespérément prudent, à la limite de l'inconsistance, son discours se cantonne à des thèmes génériques, économie et sécurité nationale. Exit les sujets qui fâchent, de l'avortement à Donald Trump lui même, Nikki l'équilibriste marche constamment sur des œufs. Quand elle ne parvient pas à esquiver les questions sur son ancien patron, les critiques de l'ex-ambassadrice à l'ONU sont mâchouillées. Prononcées du bout des lèvres.
Si la «principale rivale de Trump» a le mérite de s'être taillée un nom et un positionnement à la seconde place, elle reste encore à des milliers de kilomètres du favori incontesté. 50 points de pourcentage dans les sondages nationaux, pour être exact. Dans l'Iowa, où se tiendra le premier caucus de la présidentielle le 15 janvier, le milliardaire maintient une avance de plus de 30 points sur le reste du peloton. Un retard a priori impossible à rattraper.
Il reste toutefois une voie, aussi infime soit-elle, vers la nomination de Nikki Haley. Selon certains stratèges, une bonne performance dans les premiers Etats de la primaire, l'Iowa, le New Hampshire et la Caroline du Sud, pourrait être un tremplin. Encore faudrait-il ensuite que la quasi-unanimité des élus républicains, donateurs et pontes du parti les plus modérés se rallie derrière elle. Sans oublier un afflux d’électeurs anti-Trump, suffisamment important pour faire pencher les primaires. C'est loin d'être gagné.
A défaut de remporter la nomination du parti, Nikki Haley pourra toujours se consoler avec la médaille d'argent - et le mérite d'avoir insufflé un léger suspens dans cette campagne. Pour une «outsider merdique», c'est déjà une victoire.