Il y a une époque qui semble désormais très lointaine, dans sa maison de retraite clinquante de Mar-a-Lago, un Donald Trump revanchard clamait son intention de briguer un second mandat présidentiel, après une première tentative ratée contre Joe Biden. Pour tout réponse, le monde entier lui a ricané gentiment au visage. N'avait-il pas compris, ce clown orange à la tignasse peroxydée, qu'il était définitivement était fini? Terminé? Foutu? Toasted?
Un coup d'Etat manqué, une pluie de poursuites judiciaires, autant de procès imminents, la fin annoncée de son empire immobilier et le moment, enfin, d'être rattrapé par des années de magouille financières, de dérapages et d'abus divers et variés. En novembre 2022, il est alors facile de reléguer l'ancien président au rang de looser et de vieux radoteur déchu. Tout juste bon à enfermer dans son manoir de Palm Beach ou dans un pénitencier doré. Pour mieux l'oublier. Pour de bon, cette fois.
Un réflexe trop familier. C'était oublier que Trump, dont on a prédit la chute plus souvent qu'à son tour, au long d'une carrière de près de cinq décennies, est devenu maître dans l'art du come-back.
Ne jamais s'avouer vaincu. Ne jamais faire acte de faiblesse. La recette secrète du milliardaire. Une maxime héritée de son père, Fred Trump. L'homme d'affaires dur, impitoyable, volontiers cruel, qui traitait la faiblesse avec un crachat et s'en sortait par une pirouette et un soupçon de malhonnêteté. Dans les années 70, alors qu'il n'est encore qu'un jeune loup affamé prêt à se lancer avec appétit à l'assaut de l'immobilier de Manhattan, Donald J. n'a qu'à puiser chez cet exemple paternel au style belliqueux.
Roy Cohn, futur avocat et surtout mentor du jeune Trump, achèvera d'implanter les graines de la discorde dans le cerveau de son «projet blond». Ce personnage qu'on traite volontiers de «scélérat» dans le New York de l'époque et qui s'est en toujours sorti. Extorsion, chantage, corruption, complot, fraude ou entrave à la justice, Roy Cohn sera acquitté à chaque fois. Fort de son sentiment d'être au-dessus de tout. Shooté à un sentiment de surpuissance qu'il insuffle à son élève.
Tous ceux qui ont connu le duo terrible dans les années 70 et 80 vous le diront: le style de Trump a été durablement façonné par la personnalité publique de Roy Cohn. Un personnage qui a érigé l'immoralité, la contre-attaque systématique, le mépris des conventions et le goût pour la publicité (même la plus mauvaise) comme principes fondateurs.
Donald Trump a bien assimilé la leçon. Au fil des décennies et des faillites de casinos, des business foireux, des compagnies aériennes aux lignes de parfums, des contrats bafoués et des clauses non-respectées, le promoteur s'en tire toujours - renforçant sa confiance dans son manuel de jeu.
Et lorsque survient l'échec, comme en novembre 2020 lors de la course présidentielle qui l'oppose à Joe Biden, l'ancien président préféra nier. Répéter que cela n'a jamais existé. Préserver son ego blessé vaut bien de mettre en péril la Constitution.
Gare à quiconque se placerait entre le milliardaire et sa prochaine ambition. Nourri par une généreuse dose de «pensée magique» (l’idée populaire mais déconcertante selon laquelle nous pouvons façonner le monde selon nos désirs, en faisant fi de la réalité), l'homme d'affaires aura survolé ces deux dernières années de campagne présidentielle avec la même insolente assurance que ces 70 dernières années.
Deux années ponctuées par les scandales, les inculpations pénales, les mandats d'arrêt, les tentatives d'assassinat. Rien qui ne puisse ralentir le bulldozer Trump sur sa route vers sa prochaine aspiration.