La Russie vacille, mais a «tiré les leçons de la guerre»
Les entreprises Rosneft et Lukoil représentent environ la moitié de la production pétrolière russe. En imposant des sanctions sévères contre ces deux géants en fin de semaine dernière, Donald Trump a fait plus qu'un geste symbolique.
Cette fois, il peut réellement faire mal à Vladimir Poutine, car la machine de guerre russe est alimentée par les revenus tirés de l’exportation de pétrole et de gaz.
Le conditionnel reste toutefois de rigueur. La plupart des experts ont depuis longtemps cessé de compter les volte-face du président américain, et savent pertinemment que, dès demain, tout pourrait à nouveau changer.
Il existe toutefois plusieurs raisons de penser que Donald Trump pourrait, cette fois, être réellement sérieux:
- Le président américain semble avoir enfin compris qu’il s’était laissé mener par le bout du nez par Vladimir Poutine. Dernier exemple en date, l’annonce embarrassante de pourparlers entre les deux hommes à Budapest. Ceux-ci ont aussitôt été annulés lorsqu'il a été constaté que le président russe refusait toujours de céder sur ses exigences.
- Ce revirement de Donald Trump s’expliquerait en partie par un changement dans son entourage. Au sein du Bureau ovale, ce n'est plus le pseudo-diplomate Steve Witkoff qui se fait entendre, mais le secrétaire d’Etat Marco Rubio. Conservateur affirmé, Rubio se montre bien plus méfiant à l’égard de la Russie, et nettement moins naïf que le magnat new-yorkais de l’immobilier.
- Porté par ses récents succès au Moyen-Orient, Trump pousse désormais pour un cessez-le-feu en Ukraine. Il aurait en revanche renoncé à son idée initiale de s’impliquer directement dans des négociations de paix.
Poutine nuance
Les Européens ont, eux aussi, adopté de nouvelles sanctions contre la Russie. Ils entendent en outre se détacher totalement des importations d’énergie fossile russes.
 Vladimir Poutine tente toutefois de minimiser la portée de ces mesures. Il a affirmé:
Selon lui, «les nouvelles sanctions occidentales n’auront aucun impact significatif sur l’économie russe».
Pourtant, les effets de l’économie de guerre deviennent de plus en plus visibles. Les dépenses militaires sont passées de 22% du budget de l’Etat en 2022 à 40% aujourd’hui, soit environ 8% du produit intérieur brut.
Ce keynésianisme de guerre a certes provoqué une brève flambée de la croissance, mais ses effets à long terme sont loin d’être positifs. Les armes et les munitions produites sont rapidement détruites sur le champ de bataille, et ne contribuent en rien à accroître la productivité de l’économie.
La guerre a également provoqué une pénurie de main-d’œuvre. En 2024, 2,2 millions de postes sont restés vacants, et 70% des entreprises du pays ont signalé un manque de personnel. L’économie russe s’est ainsi engagée dans une impasse. Dans Foreign Affairs, Alexandra Prokopenko explique:
La spécialiste a travaillé jusqu’en 2022 pour la Banque Nationale de Russie.
L’économie russe ralentit
Dopée par le boom de la guerre des dernières années, l’économie russe montre désormais des signes évidents de ralentissement. Elle est aujourd’hui confrontée à une inflation élevée et à des caisses de l’Etat presque vides.
Pour renflouer le budget, les autorités prévoient d’augmenter la TVA de deux points, et de faire davantage contribuer les petites et moyennes entreprises. Alexandra Prokopenko avertit:
Elle ajoute:
Toujours plus de morts
Malgré tout, Vladimir Poutine reste persuadé qu’il finira par remporter la guerre. Pourtant, sur le champ de bataille, les choses ne se déroulent pas comme prévu. La brutalité de la stratégie militaire russe provoque des pertes considérables. The Economist le souligne dans une récente analyse:
Les pertes ukrainiennes sont également importantes, mais, selon The Economist, le nombre de soldats russes tués serait 5 fois supérieur.
Les lourdes pertes russes sont le résultat d’une doctrine militaire héritée de l’époque soviétique et dépassée. Mais cela commence à changer. L’experte militaire Dara Massicot souligne, elle aussi, dans Foreign Affairs que cette méthodologie laisse peu à peu place à une approche plus moderne de la guerre. Elle explique:
Selon Dara Massicot, l’armée russe se montre capable d’apprendre. Il existe donc un risque qu’à l’issue de son «opération militaire spéciale», Vladimir Poutine dispose d’une machine de guerre moderne, aguerrie et déjà familière des technologies de drones et d’intelligence artificielle. Elle conclut:
Traduit de l'allemand par Joel Espi


