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Loi immigration en France: qui est le patron des lois?

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Le peuple doit-il avoir le dernier mot? Le match France-Suisse

La récente censure de la loi immigration, par le Conseil constitutionnel en France, met en lumière le gouffre qui sépare les systèmes français et suisse. Et vous, à quoi va votre préférence? Dites-le dans notre sondage.
05.02.2024, 18:4506.02.2024, 10:42
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«C’est un hold-up démocratique.» Eric Ciotti, le président du parti Les Républicains, n’a pas digéré la censure de la loi immigration par le Conseil constitutionnel (CC). Cette instance suprême, qui veille à la constitutionnalité des lois votées par le parlement français, a retoqué un bon tiers des articles du texte législatif portant sur l’immigration. Dans leur avis rendu le 25 janvier, les neufs membres qui composent le CC ont estimé que la plupart des amendements ajoutés, en l’occurrence par la droite, différaient du projet de loi initial réglant les renvois d’étrangers.

Ils ont mis en cause la présence de «cavaliers législatifs», des intrus dérogeant à ce qu’on appellerait en Suisse l’unité de la matière. Ils ont ainsi considéré que le durcissement du regroupement familial introduit par Les Républicains (LR) était un cavalier législatif. Vraiment? Peut-on dire que le regroupement familial, quoi que l'on pense de la mesure qui était proposée à ce sujet, n'avait pas sa place dans un texte sur l'immigration?

«Un coup d'Etat de droit»

Chez les LR, d'autres ont vu rouge. Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez a dénoncé «un coup d'Etat de droit».

«La volonté des Français est écartée d'un trait de plume»
Le député Olivier Marleix

Il faut dire que le projet de loi durci par la droite avec le soutien de l’extrême droite était plébiscité par environ 70% des Français, d’après plusieurs sondages.

Le Conseil constitutionnel, actuellement dirigé par l’ancien premier ministre socialiste Laurent Fabius et dont les membres sont nommés par les pouvoirs exécutif et législatif, a-t-il outrepassé ses pouvoirs? Les partisans de la loi immigration dans sa version censurée l’affirment. Ils estiment que l’avis rendu par les «neuf sages» relève de l'interprétation politique. A l’inverse et plutôt à gauche, on soutient que l’analyse effectuée par le CC repose sur des bases factuelles.

Reste une vérité: en France, le peuple n’a pas le dernier mot en matière de lois. Contrairement à la Suisse, où il exerce son plein contrôle de la production législative et constitutionnelle, à sa demande ou de façon obligatoire. Qui a raison? Mais surtout, pourquoi les systèmes sont-ils différents?

L'éclairage de Paul Cébille, spécialiste des études d’opinion et fin connaisseur des droits populaires suisses:

«En France, le Conseil constitutionnel a été créé par l’actuelle Constitution, adoptée en 1958 dans une période de grande instabilité parlementaire et dans le contexte de la guerre d’Algérie. Avant cela, il n'y en avait pas. Depuis, le rôle du Conseil constitutionnel n’a cessé de gagner en importance. Il limite de facto la souveraineté populaire. C’est pareil en Allemagne et aux Etats-Unis, où les juges suprêmes exercent un pouvoir plus fort encore. En France, les membres du CC ne sont pas des juges de métier.»
Paul Cébille

Pour dire les choses trivialement, le Conseil constitutionnel a été pensé pour empêcher le parlement, émanation du peuple, de «faire n’importe quoi» qui puisse fragiliser les institutions.

«Le peuple peut décider de rétablir la peine de mort»

Est-ce à dire qu’en Suisse le peuple peut faire n’importe quoi? «Il peut décider ce qu’il veut, oui», nuance l’historien de la politique suisse Olivier Meuwly, de sensibilité radicale et ferme partisan de cette liberté intégrale. «Le peuple peut, si tel est son souhait, décider au moyen d'une initiative populaire de rétablir la peine de mort», dit-il, prenant un cas extrême – l’actuelle Constitution suisse interdit la peine capitale. En 2012, une initiative populaire visant à punir de mort tout individu commettant un assassinat à caractère sexuel avait échoué au stade de la récolte des signatures.

«En Suisse, les droits populaires comptent plus que le reste. C’est un acquis. La question s’est posée il y a 150 ans et elle a été tranchée à l’époque»
Olivier Meuwly

Que s’est-il passé? Le rappel historique d'Olivier Meuwly:

«En 1874, lors de la révision complète de la Constitution de 1848, révision dont nous commémorons cette année les 150 ans, la question de la création d’une cour spéciale examinant la constitutionnalité des lois s’est posée. Mais ce n’est pas cette idée qui l’a emporté. A la place furent introduits les référendums facultatif et obligatoire. On a considéré que cela tiendrait lieu de cour spéciale. Les libéraux comme Alfred Escher, le père du Gothard, étaient contre l’introduction des droits référendaires, car partisans d'une démocratie représentative intégrale. Ils ont perdu la bataille face aux radicaux. Dans le cas contraire, c’est le Tribunal fédéral qui aurait été juge de la constitutionnalité des lois. Aujourd’hui, celui-ci remplit bien ce rôle, mais seulement pour les lois cantonales.»
Olivier Meuwly

L’histoire de la Suisse moderne est marquée par un renforcement continu des droits populaires. «Ils font le ciment de la Suisse», affirme Olivier Meuwly. «Après les droits référendaires en 1874, le droit d’initiative populaire voyait le jour en 1891, suivi 30 ans plus tard du référendum obligatoire pour la ratification des traités internationaux», énumère l'historien de la politique suisse.

Tout n’est pas permis pour autant: les initiatives populaires doivent respecter l’unité de la matière. C’est aux Chambres fédérales de se prononcer sur ce point. Et alors?

«Les Chambres fédérales sont assez coulantes. Très peu d’initiatives sont invalidées pour non-respect de l’unité de la matière»
Olivier Meuwly

Ce fut le cas dans les années 1990, lorsque le parlement rejeta pour cette raison une initiative du Groupe pour une Suisse sans armée qui souhaitait faire basculer les dépenses consacrées à l’armée vers le social.

Alors, qu’est-ce qui vaut mieux? Un système avec un contrôle de la constitutionnalité des lois échappant au peuple? Ou le système suisse, quitte à voter des textes qui pourraient être contraires aux droits de l’homme?

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