Il est difficile de ne pas faire des parallèles avec Donald Trump. Terry Gou est milliardaire, s'habille de la même manière que l'ancien président américain, et il aspire au pouvoir politique. A 72 ans, le fondateur de Foxconn (1,2 million d'employés), géant de la technologie et fournisseur d'Apple, souhaite devenir président de Taïwan l'année prochaine. Cependant, il y a une grande différence avec Donald Trump: jusqu'à présent, Gou a toujours perdu les élections politiques, malgré sa fortune.
Cette fois encore, les conditions ne sont pas très favorables pour Gou. Pourtant, il tente d'exploiter la peur de la population taïwanaise face à une invasion chinoise. En effet, l'entrepreneur se prononce en faveur d'une politique pro-Chine — ce qui inquiète une partie de l'Occident.
«Il y a un risque qu'une guerre éclate à tout moment», a déclaré Gou à des journalistes début avril. La paix ne va pas de soi, a-t-il ajouté.
Le Parti démocrate progressiste (DPP) est le parti de la présidente en exercice Tsai Ing-wen. Terry Gou, en revanche, a annoncé en avril qu'il souhaitait briguer l'investiture du principal parti d'opposition du pays, le Kuomintang (KMT), lors des élections législatives. Il s'est présenté comme le candidat le plus apte à éviter une guerre avec la Chine, en se rapprochant du pays de Xi Jinping. Une perspective qui ne plaît pas du tout aux Etats-Unis et à leurs alliés.
Mais ce récit fait mouche à Taïwan. Les relations entre la Chine et la république insulaire se sont dégradées ces derniers temps. La marine chinoise a effectué des manœuvres au large des côtes et des avions de combat chinois tonnent régulièrement en direction de l'île. Et Gou utilise la situation à des fins politiques.
Pour autant, Terry Gou est-il un bon médiateur? Ce qui est certain, c'est que le milliardaire a de bonnes relations personnelles et économiques avec la République populaire — et il agit également pour son propre intérêt. Le géant technologique Foxconn, fondé en 1974, est le plus grand fournisseur d'Apple et dispose de grandes usines en Chine, qui représentent la majeure partie de sa production. Surtout, l'entreprise emploie plus d'un million d'ouvriers chinois.
C'est peut-être aussi pour cette raison que Terry Gou part du principe que des relations amicales avec Pékin constituent la meilleure protection contre une éventuelle invasion militaire. Il ne tient pas compte du fait que la base idéologique de Xi Jinping prévoit la réunification de la Chine avec Taïwan, par la force si nécessaire. Les militaires américains prennent également très au sérieux le risque d'une éventuelle invasion chinoise de Taïwan.
Kharis Templeman, chercheur associé à la Hoover institution de l'Université de Stanford, explique au magazine américain Foreign policy:
Cette tendance est effectivement en train de jouer en faveur de Gou. «C'est un riche milliardaire qui suppose savoir mieux que quiconque comment résoudre les problèmes qui se posent à lui parce qu'il a gagné beaucoup d'argent et connu le succès au fil des ans», a déclaré Templeman.
C'est en partie en raison de cette conviction qu'il est considéré par les experts comme la version taïwanaise de Donald Trump. Mais malgré sa fortune estimée à sept milliards de dollars, les experts estiment que cette fois encore, cela ne suffira pas pour Terry Gou et sa campagne — le KMT ne le présentera probablement pas.
La présidente actuelle, Tsai Ing-wen, ne peut pas se représenter en raison de la limitation des mandats et le DPP se lancera dans la course avec l'actuel vice-président Lai Ching-te, considéré comme un partisan encore plus féroce de l'indépendance. Mais quelles sont les chances de Terry Gou?
Selon elle, Gou est trop facilement critiquable par son adversaire politique, «à cause de Foxconn et de ses relations avec la Chine».
En 2019, Gou avait déjà démissionné de son poste de président de Foxconn. Cependant, lorsqu'il s'est présenté pour la première fois au plus haut poste de Taïwan, il a perdu les primaires du KMT et a ensuite quitté le parti. Il n'est pas exclu que cela se reproduise. Le KMT ne veut apparemment prendre aucun risque pour ne pas compromettre ses chances lors des élections législatives de 2024. Le parti décidera donc de son candidat en coulisses et ne le fera pas élire. Il est probable que le Trump taïwanais devra accepter une prochaine défaite.
(Traduit et adapté par Pauline Langel)