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L'autoritarisme revient en force: tour d'horizon

L'autoritarisme revient en force: tour d'horizon
La Première Guerre mondiale a été une guerre entre le libéralisme et l'autoritarisme.
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Poutine et Xi ont des armes qui auraient fait rêver Hitler et Staline

Les autocraties ont le vent en poupe. Et menacent directement le reste du monde: les démocraties leur sont un ennemi mortel. Analyse
14.11.2023, 18:4215.11.2023, 12:30
Niklaus Vontobel / ch media
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L’histoire a montré à maintes reprises comment les autocraties ont combattu les démocraties libérales – et pourquoi elles le font à nouveau aujourd’hui. Robert Kagan, historien américain, avait abordé le sujet il y a plusieurs années dans le Washington Post:

«L'autoritarisme est devenu une fois de plus la plus grande menace pour le monde libéral-démocrate»

Tout a commencé au XIXe siècle. Les Etats-Unis étaient alors la première et la seule puissance démocratique sur la scène mondiale. Les autocrates considéraient le pays «avec la plus grande haine», comme l'a rapporté plus tard un président américain. Pour les empereurs et les rois, les princes et les prêtres, pour toute l’élite de ces Etats alors autocratiques, les Etats-Unis constituaient une «nation dangereuse.»

Robert Kagan s'accorde sur ce point. Les Etats-Unis ont été construits sur les principes libéraux du philosophe des Lumières John Locke: tout le monde a des «droits naturels»; les gouvernements sont là pour protéger ces droits. S’ils ne le font pas, le peuple a le droit de les renverser. Ce n'est pas le genre de discours qui plait aux dictateurs.

Les régimes autoritaires les plus puissants du XIXe siècle étaient la Russie, l’Autriche et la Prusse. Ils se sont battus et ont tué au nom de la loi divine, pour l’autorité de l’Eglise et pour une hiérarchie «naturelle» de la société. Leurs dirigeants étaient tout sauf de doux monarques qui laissaient leurs habitants vivre en paix.

A cette époque, l’Autriche et la Russie étaient des prototypes d’Etats policiers modernes. La censure était étendue; les espions surveillaient les sujets, explique Robert Kagan dans son essai, ainsi qu'il ajoute qu':

«Ils ont emprisonné, torturé et tué ceux soupçonnés d’inciter à une révolution libérale»

Tout comme le font aujourd’hui les autocraties, l’Autriche et la Russie ne se sont pas arrêtées à leurs frontières nationales. Ces deux pays sont intervenus sur d'autres territoires en employant la manière forte, en réprimant les mouvements libéraux. Ils l'ont fait notamment en Espagne et en Italie, en Pologne et dans les principautés allemandes.

La menace des autocrates a été oubliée

En même temps, les autocrates avaient une contre-idéologie, écrit Robert Kagan. Ses penseurs condamnaient la prétendue glorification de l’individu libre et appelaient à la «soumission individuelle» à une société ordonnée, hiérarchique et autoritaire. Cette idéologie était tout aussi puissante et globale que le libéralisme.

La Première Guerre mondiale a été une guerre entre le libéralisme et l'autoritarisme des deux côtés, estime l'historien, citant un premier ministre britannique qui disait à l'époque: «Les Britanniques, les Français et plus tard les Américains ont défendu les libertés de l'Europe contre le militarisme et le prussianisme.»

D’un autre côté, les Allemands se voyaient eux aussi engagés dans une guerre de visions du monde. Pour eux, leurs adversaires étaient des «matérialistes sans âme» auxquels ils opposaient des valeurs telles que l’Etat, la communauté, le peuple et la culture.

Pendant les guerres mondiales, les dictatures sont tombées les unes après les autres: la Russie tsariste, l’empire des Habsbourg, l’Empire ottoman, l’empire prussien et, lors de la Seconde Guerre mondiale, les empires allemand et japonais.

La menace de l’autoritarisme était alors oubliée. La Guerre froide avec l’Union soviétique et le communisme ont tout obscurci. L’Occident s’est retrouvé confronté à la seule idéologie concurrente. Lorsque l’Union soviétique s’est effondrée, le libéralisme semblait avoir enfin triomphé.

Dans cette brève période d’hégémonie libérale, les démocraties ont été trop négligentes.

«L’Occident n’a pas remarqué à quel point l’autoritarisme a progressivement retrouvé son pouvoir et sa voix en tant que défi le plus durable et le plus important au libéralisme.»
Robert Kagan

Poutine, précurseur des anti-démocratiques mondiaux

En Russie, Vladimir Poutine a rétabli l’ancien Etat policier qui régnait au temps des communistes et des tsars. Et il a remis le nationalisme et le traditionalisme russes en avant pour justifier son «règne». Jusqu’à présent, il a réussi, dans le sens que l'actuel président russe a régné plus longtemps que la plupart des tsars.

Poutine

A l’étranger, Poutine tente de réduire la démocratie ukrainienne au silence, notamment par la guerre. En Afrique, il offre ses mercenaires aux despotes qui contribuent à réprimer les mouvements démocratiques. Avec ses espions, ses canaux de propagande et via les réseaux sociaux, il sape la confiance dans les élections libres dans le monde entier.

Suivant l’exemple de Poutine, les autocrates ont commencé à faire reculer leur société civile nationale, leur liberté d’expression et leurs médias indépendants à partir de la fin des années 2000. Un mouvement autoritaire a émergé à l’échelle mondiale, par exemple dans des pays comme l’Egypte, la Turquie, la Hongrie et le Venezuela.

Les dictateurs réussissent parce que leurs Etats sont à nouveau plus forts économiquement. Mais selon Robert Kagan, leurs critiques antilibérales sont puissantes et constituent plus qu’une excuse pour justifier leur régime, même si c’est bien ce qu’elles sont. Il s’agit d’une critique virulente de ce que beaucoup considèrent comme l’échec des sociétés libérales.

Le libéralisme a une vision incomplète de l'humanité: les gens luttent pour la liberté individuelle et sa protection contre l'Etat, l'Eglise et la société. En vérité, beaucoup rechercheraient seulement la sécurité que peut offrir une famille, une tribu ou une culture. Ils accueilleraient souvent un dirigeant fort qui promet cette sécurité, surtout en période de changement.

La Chine est aujourd’hui considérée comme le plus grand défi pour l’Occident. Xi Jinping s’est imposé de facto comme un leader à vie. Dans les organisations internationales comme l’ONU, il souhaite réinterpréter les valeurs centrales occidentales telles que la «démocratie» et les «droits de l’homme». Il fournit aux autocrates du monde entier une technologie de surveillance dont des dictateurs comme Adolf Hitler et Joseph Staline ne pouvaient que rêver.

L'espionnage sans précédent de la Chine

Xi Jinping

Les chefs des services secrets des Etats-Unis, du Royaume-Uni, d'Australie, du Canada et de Nouvelle-Zélande ont dénoncé les agissements de la Chine dans une interview accordée à la chaîne d'information CBS. Le pays représente la plus grande menace d’espionnage à laquelle les démocraties aient jamais été confrontées.

Selon CBS, la Chine qualifie ces allégations de «calomnieuses». Le chef du FBI affirme que la Chine gère de loin le plus vaste programme de piratage informatique au monde, plus important que tous les grands pays réunis.

Le chef du MI-5 britannique a adressé un message à toute entreprise qui ne s'intéresse pas à la géopolitique:

«Si vous êtes à la pointe de la technologie, la géopolitique s'intéressera certainement à vous»

La lutte de l’Occident contre les autocraties a depuis longtemps des conséquences économiques qui s’étendent à la vie quotidienne – et continueront d’en avoir.

C'est notamment le cas dernièrement avec la Russie. Victime de chantage, l'Europe a dû réduire ses importations et ses exportations en un temps record et a subi un véritable choc énergétique. L’inflation annuelle, déjà augmentée par la pandémie de Covid-19, a temporairement atteint 10% dans la zone euro. Le Fonds monétaire international met en garde contre les «coûts énormes» qu’entraînerait une «fragmentation» de l’économie mondiale.

En Occident, le prix de nombreux produits prendrait l'ascenseur, alimentant ainsi l’inflation. Les marchés des matières premières connaîtraient de fréquentes turbulences, qui entraîneraient d'importantes fluctuations de prix. Les produits agricoles et minéraux importants, très demandés dans le cadre de la transition énergétique, sont particulièrement à risque. A long terme, les coûts pourraient correspondre à la performance économique globale de la France ou de l'Allemagne.

Mais il sera difficile d’empêcher une telle «fragmentation», comme l’explique l’historien Robert Kagan. Les démocraties libérales sont intrinsèquement dangereuses pour les autocraties, puisqu'elles rappellent qu'une vie différente est possible, avec plus de liberté. Le cauchemar de tout bon dictateur qui se respecte.

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source: sda / petros giannakouris
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