Lundi soir, Elon Musk a balancé une bombe. Certes, rien de nucléaire, mais son souffle a tout de même décoiffé la planète en une poignée de minutes. De quoi parle-t-on? D'une stratégie de paix avancée par le milliardaire, entre la Russie et l'Ukraine. A chaud, ça ressemble à un plan sur la comète. A une poire qu'on tranche grossièrement en deux. Comme des parents rabibocheraient les deux cadets de la famille, avant de les renvoyer à leurs devoirs en chambre.
Dans sa boule de cristal? L'Ukraine abandonne la Crimée et l'idée de fricoter avec l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan), alors que la Russie relance les votes sur les quatre territoires fraîchement annexés, mais sous la supervision de l'Organisation des nations unies (ONU), et retire ses troupes si les citoyens le décident ainsi.
Tout le monde est content? Ouh là, non.
Evidemment, ça n'est qu'un bête tweet. Un tweet posté par un milliardaire qui nous a habitués à truffer de mines provocatrices le nid de ce petit oiseau bleu qu'il a failli racheter, à deux ou trois emmerdes près. En imaginant Poutine et Zelensky penchés sur un accord de cessez-le-feu, le papa de Tesla a créé une véritable guerre virtuelle, dont le champ de bataille est en Ukraine, majoritairement.
Which @elonmusk do you like more?
— Володимир Зеленський (@ZelenskyyUa) October 3, 2022
Depuis sa proposition en 140 caractères, Volodymyr Zelensky, ses députés et ses officiels se sont violemment retournés contre Elon Musk, avec plus ou moins de sérieux et de diplomatie. Alors que certains lui ont offert un cours accéléré d'histoire sur le destin de la Crimée, un ambassadeur basé en Allemagne lui a sobrement conseillé d'aller «se faire foutre».
De son côté, et sautant sur l'occasion, le Kremlin salue la proposition: «Il est très positif que quelqu'un comme Elon Musk cherche une issue pacifique à cette situation», a déclaré le porte-parole, Dmitri Peskov, mardi.
Pour Julien Grand, si les pistes d'Elon Musk ne sont pas totalement à côté de la plaque, elles surviennent surtout un peu tard. «En ce qui concerne la Crimée, c'est en 2014 que les négociations auraient dû atterrir sur la table. Aujourd'hui, après sept mois de guerre, Poutine cherche manifestement une voie de sortie sans perdre la face, alors que Zelensky est en phase d'attaque, bien décidé à aller jusqu'au bout.»
Il faut dire que les vents tournent depuis quelques jours. Avec eux, pas mal de poudre aux yeux et des volte-face plus ou moins honnêtes. Vendredi dernier, dans un tour de magie juridico-militaire, c'est Poutine l'agresseur qui demandait à l'Ukraine agressée de baisser les armes.
Un drapeau blanc couvert de sang, alors que le patron du Kremlin ratifiait en mondovision, et en bombant le torse, l’annexion des quatre régions ukrainiennes de Louhansk, Donetsk, Zaporijia et Kherson. Zelensky, lui, redoublait de messages politiques et militaires conquérants, en déposant dans la foulée une demande «d’adhésion rapide» à l’Otan.
D'autant qu'Elon Musk n'est pas tout seul à imaginer un traité de paix, certes assis entre deux chaises, mais dans le but avoué de limiter les morts dans les deux camps. L'idée que la Russie ou l'Ukraine puisse rafler toute la mise semble de moins en moins probable.
Au bout du fil, notre expert Julien Grand nous confirme que la voix de Musk ne se balade pas que dans sa tête de milliardaire fantasque. «En Occident, certains pensaient, peut-être naïvement, qu'en livrant quelques armes et du soutien à l'Ukraine, le conflit allait se régler durant l'été.»
Si la stratégie de paix publiée par Elon Musk mardi soir a reçu près de trois millions de votes, la plupart, encore aujourd'hui, s'affirment par la négative. Le milliardaire accuse d'ailleurs les trolls d'internet d'avoir pourri son sondage:
Julien Grand considère que la balle est peut-être désormais dans le camp de Volodymyr Zelensky. «On le sait, le président ukrainien voudrait reconquérir l’entier du territoire ukrainien. En résistant à Poutine, il a déjà gagné un titre de champion du monde, mais il en veut d'autres. En récupérant tout son pays, il sait qu'il sera considéré comme un héros de la nation.»
Publié quelques heures après le premier, un second sondage d'Elon Musk a d'ailleurs reçu un accueil plus positif. «Essayons ceci alors: la volonté des habitants du Donbass et de la Crimée devrait décider s'ils font partie de la Russie ou de l'Ukraine.»
Alors que les deux armées vont bientôt devoir affronter la rudesse de l'hiver et les champs de bataille impraticables, la bombe d'Elon Musk a au moins le mérite de suggérer une issue, parmi d'autres. «D'autant qu'il n'y a pas que les négociations qui soient stratégiques. Choisir le bon moment pour s'y mettre l'est tout autant.»