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Ron DeSantis vs Donald Trump: la guerre sera très sale

DeSantis et Trump? Oui, ça va saigner.
DeSantis et Trump? Oui, ça va saigner.images: getty, keystone, shutterstock. montage: fred valet
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DeSantis vs Trump: la guerre sera sale

Les Américains qui penchent à droite n'auront pas vraiment le choix. Sauf invité surprise aussi riche, solide et populaire, ils devront soutenir en nombre Ron DeSantis, s'ils refusent de revoir Donald Trump à la Maison-Blanche. Le duel est inégal, mais déjà sans pitié.
28.05.2023, 07:5828.05.2023, 11:11
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Du fric, des tronches, des algorithmes et du sang. C'est décidément très hollywoodien. Mercredi, la primaire républicaine a été inaugurée sur la plateforme de l'homme le plus riche du monde, perturbée par les couacs et les coups sous la ceinture. Appuyé sur l'épaule d'un Elon Musk qui cache de moins en moins ses crushs politiques, Ron DeSantis a (enfin) dévoilé sa volonté d'écraser Donald Trump. Et d'installer sa fausse dégaine de gendre idéal dans l'esprit des citoyens qui penchent à droite.

En termes plus barbares, la guerre est déclarée et aucun des deux purs-sangs archi-conservateurs n'a l’intention d’épargner son adversaire. Le petit nouveau a beau être considéré comme «une fusée, une machine à vapeur», il sait très bien qu'une fois les siennes retroussées, les manches se gagneront au corps à corps. Loin devant dans les derniers sondages, Trump a, lui, tout intérêt à ce que le gamin le provoque d'un peu trop près.

«Il faut que ce soit bas et sale. Chaque coup doit être rendu double parce que Trump est un gorille. Dans cette course, être gentil sera interprété comme être faible»
Larry Sabato, directeur du Center for politics de l'Université de Virginie, cité par le Telegraph.

L'aile droite d'internet

Le fiasco technique de mardi dernier a beau avoir éclipsé le coming-out national du gouverneur de Floride, ce fut malgré tout le premier épisode stratégique de cette primaire, voire même de la présidentielle. Ce que la plupart des observateurs ont considéré comme un plantage prouve au contraire que le temps passe et que les pions se déplacent: Ron DeSantis a annoncé sa candidature aux côtés du PDG d'un réseau social qui fut, jadis, l'arme fatale de Donald Trump. Vous voyez le topo? Elon Musk a pris de galon et, même s'il s'en défend (difficilement), ce n'est pour l'heure que pour les beaux yeux des républicains qu'il astique ses algorithmes.

DeSantis rencontre Musk pour la première en 2021. C'est son lobbyiste le plus féroce, Nick Iarossi, qui s'était alors chargé des présentations. Deux ans plus tard, le patron de Twitter a réhabilité les comptes de bon nombre de perturbateurs d'extrême droite, ôté le bâillon à Donald Trump et s'apprête manifestement à accueillir sur sa plateforme les outrances de l'ex-marionnette licenciée de Fox news, Tucker Carlson.

En déroulant le tapis rouge, mardi, à la candidature nationale du gouverneur de Floride, qu'on sait désormais «plus extrême» encore que le 45e président, sur les thèmes les plus culturels, l'homme d'affaires sud-africain professionnalise sa passion pour le free speech et sa haine contre le «wokisme». Qu'Elon Musk devienne alors pour DeSantis ce que Rupert Murdoch a représenté dans la victoire de Trump en 2016 ne surprendrait personne. Il flotte d'ailleurs une ambiance digne de la série Succession sur cette nouvelle amourette conservatrice.

Nous sommes en 2023. L'hégémonie de Fox news s'étiole au même rythme que les podcasts d'extrême droite gagnent en muscles. Les provocateurs et les masculinistes de tout poil rassemblent quotidiennement des millions d'auditeurs que les chaînes de télévision traditionnelles (et les démocrates, au passage) font semblant d'ignorer. Et connaissant l'aversion de Ron DeSantis pour les interactions sociales, il a tout intérêt à ce que les algorithmes le préfèrent à Mister Maga.

Sans compter que Trump pourrait bien revenir tout soudain pousser de gras gazouillis sur Twitter. Ironie du calendrier, le contrat d'exclusivité qui le lie avec sa propre plateforme Truth social expire... début juin et il vient tout juste de récupérer sa petite coche bleue. Enfin, Elon Musk, lorsqu'il s'est senti obligé d'ouvrir les invitations à «tous les candidats à la présidentielle», nous force à penser qu'il s'adressait avant tout à l'ex-président.

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Campd'entraînement

Mais internet ne suffira pas. Sur le terrain, dans la vraie vie, face aux Américains, au moment de serrer des mains et regarder dans le blanc des yeux, Donald Trump reste redoutable, alors que Ron DeSantis fait peine à voir. Sa garde rapprochée en a tellement conscience, qu'elle s'apprête à dégainer l'artillerie lourde.

«Personne n'avait encore jamais envisagé une opération de cette ampleur»
Chris Jankowski, directeur général du super PAC en faveur de la campagne de DeSantis, baptisée «Never back down».

Pas question de dépenser sans compter pour des campagnes virtuelles à rallonges. L'objectif est de préparer le candidat floridien comme Mickey Goldmill entraînait Rocky Balboa. Le fric en plus. Beaucoup de fric. Et c'est l'un des grands atouts de Ron DeSantis. L'écurie chargée de tisser sa toile aux quatre coins du pays dit pouvoir compter, à terme, sur plus de 200 millions de dollars d'argent de poche. L'annonce de sa candidature a d'ailleurs fait entrer huit millions, en 24 petites heures.

Pour peindre le pays à ses couleurs, c'est donc une véritable armée qui s'apprête à toquer à toutes les portes. Au sens littéral, en mode «Bonjour chers électeurs, voici pourquoi Ron DeSantis est plus sympa qu’il en a l’air». Et en premier lieu dans les Etats qui seront déterminants, à savoir l'Iowa et le New Hampshire.

«S'il gagne l'Iowa, Ron DeSantis a une chance raisonnable de renverser Trump. Gagner à la fois l'Iowa et le New Hampshire serait un tremblement de terre»
Larry Sabato, directeur du Center for politics de l'Université de Virginie.

Le groupe va embaucher plus de 2600 chefs d'équipe «d'ici la fête du Travail», précise le New York times. Mais ce n'est pas tout, puisqu'un camp d'entraînement, nom de code «Fort Benning», a été ouvert pour former et motiver les troupes. D’autres suivront. Objectif, ratisser large, mais au sol, fédérer les communautés les plus sensibles aux arguments du jeune républicain (armes à feu, avortement, agriculture) et constituer les foules qui feront bloc dans les premiers meetings sérieux de leur poulain. Comme s'il fallait mouiller la nuque de cet indécrottable introverti, avant de le jeter d'un coup sec dans le bain.

Suffisant? A voir. En tout cas, celui que l'on surnommait le «Donald Trump avec un cerveau» semble avoir enfin compris que la base républicaine, du moins pour ce qui est de la primaire, vote avec ses tripes. C'est bien beau de montrer qu'il bosse, aligne les lois qui choquent et défie le très symbolique empire Disney dans sa Floride natale. Mais ce sont les estomacs des Trumpistes qui ont permis à l'ancien président de ne pas s'écrouler dans les sondages, malgré ses nombreux ennuis judiciaires.

Donald Trump n'a d'ailleurs pas attendu le couac de son ennemi sur Twitter pour le saigner à blanc. Ses armées ont déjà dépensé plusieurs millions de dollars en publicités anti-DeSantis. Ecraser l'autre, sans ménagement. Sans beaucoup réfléchir non plus. Un classique. C'est non seulement très frontal, mais que le début.

Sauf invité surprise aussi solide, riche et populaire, la droite qui sursaute à l'idée de renvoyer Donald à Washington n'aura d'autres choix que de tout miser sur l'ennemi de Mickey. Seulement voilà, un danger plus sournois que le grand méchant blond guette notre outsider: plus le GOP verra de candidats plus modestes se profiler ces prochaines semaines, moins le gouverneur de Floride aura de chances de fédérer suffisamment de soldats. Et ils sont déjà une petite dizaine à s'être déclarés en route pour la primaire.

Pour espérer parler aux tripes, y compris à celles des anti et des pro-Trump, le cérébral de service devra gagner en charisme. Prouver, aussi, qu'il n'a pas vocation de remplacer bêtement son ancien père spirituel à la tête du mouvement Maga, mais d'être le véritable patron du Grand Old Party. Celui que Trump n'a jamais su (voulu?) incarner. Celui, pourtant, qu'une majorité de républicains semblent attendre aujourd'hui, pour déraciner les démocrates du Bureau ovale.

Des milkshakes absurdement lourds made in USA, hell yeah!
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Des milkshakes absurdement lourds made in USA, hell yeah!
source: sodajerkco.com / sodajerkco.com
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Cet imitateur est venu troller Donald Trump
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