Les choses bougent-elles dans la guerre en Ukraine? Il y a encore peu de temps, les deux belligérants semblaient être à des kilomètres de toute négociation. L'Ukraine était en train de se préparer intensivement à son offensive de printemps annoncée, tandis que l'armée russe passait déjà à une attaque de grande envergure.
Plusieurs rapports indiquent que les gouvernements européens semblent vouloir trouver une solution négociée avant la fin de l'année. Le gouvernement ukrainien envoie lui aussi des signaux qui laissent entendre qu'il est prêt à discuter.
De quoi s'agit-il exactement? Quelle est la probabilité d'une négociation prochaine? Et de qui s'agit-il? Le point sur la question.
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Une enquête du magazine américain Wall Street Journal (WSJ) est à l'origine des spéculations sur les négociations de paix. Selon ce journal, le chancelier allemand Olaf Scholz et le président français Emmanuel Macron auraient fait comprendre à leur homologue ukrainien Volodymyr Zelensky que celui-ci devrait se montrer ouvert à des négociations avec la Russie cette année encore.
Ces propos pourraient être interprétés comme une sorte d'«ultimatum de guerre». Concrètement, selon l'article, Macron aurait dit à Zelensky que les anciens ennemis jurés, la France et l'Allemagne, avaient eux aussi dû faire la paix après la Seconde Guerre mondiale.
Selon le WSJ, cette annonce à Zelensky est motivée par le fait que, malgré les manifestations publiques de solidarité de l'Occident en cas de victoire ukrainienne, personne au sein de l'OTAN ne s'attend à ce que Kiev puisse libérer tous les territoires occupés par la Russie. Un représentant du gouvernement français a affirmé:
Le WSJ se réfère à des sources au sein des gouvernements allemand, français et britannique.
Les dernières livraisons de chars et d'armes en provenance de l'Ouest devraient permettre à l'Ukraine de libérer d'autres territoires, poursuit le journal. Mais il faudrait ensuite négocier.
Un «pacte de défense», élaboré par le Premier ministre britannique Rishi Sunak et convenu avec la France et l'Allemagne, doit donner à l'Ukraine une incitation supplémentaire à négocier avec la Russie. Le pacte prévoit des garanties de sécurité et une aide supplémentaire en matière d'armement après la guerre, en contrepartie d'un cessez-le-feu et probablement de la cession de territoires ukrainiens.
Le journal Bild rapporte également, en se référant à des cercles gouvernementaux allemands et américains, que la pression sur Zelensky pour qu'il négocie avec Moscou pourrait augmenter si l'offensive ukrainienne de printemps échoue. Le journal parle également d'un «ultimatum de guerre» pour Zelensky.
Le degré de sérieux de ces tentatives de médiation n'est pas clair. Le gouvernement allemand a partiellement démenti les informations du WSJ. Lors de la réunion tripartite à Paris, les garanties de sécurité n'auraient «absolument pas joué un rôle», a déclaré dimanche un porte-parole du gouvernement. Ce serait pourtant un point central du point de vue ukrainien: car sans garanties de sécurité crédibles de la part de l'Occident, Kiev ne s'engagera probablement pas dans des négociations.
La position officielle de l'Ukraine est la suivante: nous sommes prêts à négocier, mais uniquement sur la base du plan de paix de Zelensky. Le vice-ministre ukrainien des Affaires étrangères Andrij Melnyk et l'ambassadeur ukrainien Oleksii Makeiev l'ont tous deux confirmé. Le plan prévoit entre autres le retrait de toutes les troupes russes et la punition des crimes de guerre.
Le premier point en particulier semble rendre les discussions presque impossibles: Poutine a entre-temps déclaré plusieurs régions ukrainiennes comme territoire russe, il est irréaliste qu'il abandonne ces territoires de son plein gré.
Le fait que Poutine ne soit actuellement pas intéressé par des négociations est une certitude. Toutefois, des informations récentes indiquent que l'Ukraine négocie avec la Russie sans passer par le chef du Kremlin. C'est en tout cas ce que laisse entendre Andriy Chernyak, un représentant du service de renseignement militaire ukrainien. Dans une interview accordée au journal grec lefimerida il y a quelques jours, il déclare:
Cela signifie-t-il vraiment des négociations de paix? Interrogé lundi, Chernyak a fait marche arrière: «Les négociations avec les représentants de l'Etat terroriste ne peuvent être menées que légalement et convenues avec la plus haute direction de l'Etat». En clair, il semble qu'il n'y ait pas grand-chose à retenir de cette interprétation de ses propos.
Du point de vue russe, le timing plaide également contre de telles négociations et d'autres possibilités. Actuellement, la machine de guerre russe tourne à plein régime: sur de nombreuses parties du front, les troupes russes et les mercenaires du groupe Wagner mènent des opérations offensives. C'est surtout à Vouhledar et à Bakhmout dans le Donbass que l'armée du Kremlin a concentré des forces pour ordonner toujours plus d'attaques.
L'offensive russe est le résultat de plusieurs mois de planification. Depuis l'automne dernier, des centaines de milliers de nouveaux soldats ont été recrutés, équipés et envoyés sur le front. Selon les renseignements des services secrets occidentaux, la mobilisation n'est toujours pas terminée et d'autres soldats sont encore attendus. Parallèlement, la Russie envoie de plus en plus de matériel et d'armes sur le front afin de progresser plus en profondeur en territoire ukrainien.
Même si les troupes du Kremlin n'avancent que lentement et au prix de lourdes pertes, tout indique que les dirigeants russes ne misent pas actuellement sur des solutions politiques, mais sur des gains militaires sur le champ de bataille. Lors de ses récentes apparitions publiques, Vladimir Poutine n'a guère montré de volonté de négocier, répétant au contraire ses mensonges de guerre sur les prétendus nazis au sein du gouvernement ukrainien et l'Occident comme véritable agresseur.
Selon les experts russes, un seul homme a de l'influence sur Poutine: Xi Jinping. Le chef d'Etat chinois a surpris beaucoup de monde en Occident la semaine dernière lorsqu'il a envoyé son chef de la diplomatie en mission pour présenter un «plan de paix» en douze points.
Dans ce document, la Chine exige notamment le respect de l'intégrité territoriale des Etats, le renoncement aux armes nucléaires, mais aussi la fin de la «mentalité de guerre froide» (un reproche adressé à l'OTAN). Jusqu'à présent, la Chine s'est tenue à l'écart du conflit sur le plan extérieur, mais elle souhaite désormais manifestement prendre davantage position.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'est montré étonnamment favorable au plan chinois ce week-end: il partage plusieurs points, même s'il ne les a pas tous évoqués. Il s'est félicité que la Chine parle désormais publiquement de l'Ukraine et a plaidé pour une rencontre avec Xi Jinping. Jusqu'à présent, il n'y a pas eu de discussions intergouvernementales au plus haut niveau entre Pékin et Kiev.
Mais la question de savoir si la Chine veut vraiment faire bouger les choses doit être abordée avec scepticisme. De plus en plus d'indices laissent penser que la Chine pourrait fournir des armes à la Russie.
Le spécialiste de la Chine Klaus Mühlhahn estime en outre que le plan de paix de Pékin est plutôt une tentative de rester neutre. La Chine ne veut pas condamner clairement la Russie pour sa guerre d'agression, mais ne veut pas non plus la soutenir totalement, a déclaré Mühlhahn à t-online. L'objectif de la Chine est de maintenir des pays comme le Brésil et l'Inde en dehors de l'alliance occidentale et d'affaiblir ainsi l'Occident.
Pour l'instant, il est donc peu probable que des négociations aient lieu. L'Ukraine et la Russie misent toutes deux sur des solutions militaires. Même s'il y a des initiatives diplomatiques, comme celle de la Chine, ou des négociations concrètes, comme l'échange de prisonniers ou l'exportation de céréales, les deux Etats s'en tiennent à leurs exigences maximales.
Traduit de l'allemand (nva)