Quatre mois se sont écoulés depuis que les terroristes du Hamas ont commis le pire massacre de juifs depuis la Shoah. Le 7 octobre 2023, quelque 1300 personnes avaient été tuées, et plus de 200 otages avaient été emmenés à Gaza. Peu de temps après, la «campagne de vengeance» israélienne a commencé avec pour objectif d'anéantir le Hamas une fois pour toutes.
Le bilan provisoire est sombre. Certes, pendant un cessez-le-feu en novembre, 105 otages ont été échangés contre 240 Palestiniens emprisonnés. Mais depuis, la guerre se poursuit avec la même intensité, surtout dans le sud de la bande de Gaza. Une grande partie des combattants du Hamas ont été tués, mais l'armée israélienne déplore également de lourdes pertes.
L'infrastructure terroriste du Hamas a été endommagée, mais pas complètement détruite. Des roquettes continuent de voler en direction d'Israël. Et tandis que l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) est discrédité, la situation des quelque deux millions de personnes qui ont fui le pays devient de plus en plus désespérée. La bande de Gaza est un champ de ruines et aucune fin n'est en vue.
Mais ce n'est pas tout: le conflit menace toujours de se transformer en un incendie généralisé. Au nord, Israël et le Hezbollah libanais se livrent à des escarmouches. Au Yémen, la milice des Houthis continue d'attaquer les cargos et de perturber le commerce mondial. Et en Jordanie, trois soldats américains ont été tués par une attaque des milices irakiennes.
En représailles, Washington a mené des frappes en Irak et Syrie, mais il existe un risque de conflit majeur avec l'Iran. Car le Hamas, le Hezbollah, les Houthi et les milices en Irak sont soutenus par Téhéran. Le régime des mollahs ne semble pas intéressé par une escalade, mais il suffirait d'une étincelle pour que la région s'embrase.
Même si cela ne se produit pas, la question se pose de savoir ce qu'il adviendra du conflit israélo-palestinien après l'écrasement du Hamas. Les Etats-Unis, l'Europe et les Etats arabes prônent avec insistance la mise en œuvre d'une solution à deux Etats, mais les réticences en Israël sont considérables après le 7 octobre.
La solution à deux Etats est la meilleure option pour les territoires palestiniens, reconnaît par exemple la NZZ. C'est la seule façon d'imaginer une paix durable: «Mais sa réalisation restera un joli rêve pendant longtemps», ajoute le quotidien. Dans le meilleur des cas, une sorte de retour à la situation d'avant le 7 octobre 2023 serait possible.
Mais tous ne veulent pas se résigner à cette triste perspective. Des recherches menées par le journal britannique The Economist montrent que des activités visant à trouver une solution viable à long terme sont en cours. Le risque d'un échec est élevé, mais il existe une chance de «créer une nouvelle architecture économique et sécuritaire» au Proche-Orient.
Il faut se représenter le problème comme des boîtes emboîtées les unes dans les autres, explique The Economist. La clé pour mettre fin au conflit israélo-palestinien est donc la solution à deux Etats. La clé serait une normalisation des relations avec l'Arabie saoudite. Pour cela, il faut mettre fin à la guerre de Gaza, et la solution serait un accord sur les otages.
Ce dernier point ferait l'objet de négociations intensives. Le directeur de la CIA, William Burns, s'est entretenu en janvier à Paris avec des représentants de l'Egypte, du Qatar et d'Israël. Le plan prévoit donc un cessez-le-feu pouvant durer jusqu'à deux mois. Le Hamas libérerait la majeure partie de la centaine d'otages israéliens, probablement encore en vie.
Ils seraient à nouveau échangés contre des détenus palestiniens. Les réticences en Israël sont aussi grandes que la pression exercée pour faire rentrer les otages chez eux. Les Israéliens qui ont été libérés en novembre font état d'expériences traumatisantes. Le premier ministre Benjamin Netanyahou joue une fois de plus un rôle ambigu dans cette affaire.
Le premier ministre israélien a souligné dans un message vidéo qu'il n'accepterait «pas à n'importe quel prix» un accord sur les otages.
Pourtant, lors d'une rencontre avec des proches, Netanyahou avait affirmé que tout était mis en œuvre pour libérer les otages.
La cote de popularité de Netanyahou est en chute libre. Une grande partie des Israéliens lui attribue une part de responsabilité dans la terreur du 7 octobre. En cas de nouvelles élections, sa coalition avec les partisans d'extrême droite, qui prônent une «émigration volontaire» (c'est-à-dire une expulsion) des Palestiniens, perdrait sa majorité. Il s'accroche donc au pouvoir.
Netanyahou pourrait profiter à court terme d'une libération des otages, mais un cessez-le-feu prolongé «ouvrirait également de nouvelles possibilités» à ses rivaux, selon The Economist. C'est notamment le cas de l'ex-chef d'état-major Benny Gantz, l'homme politique le plus populaire actuellement en Israël.
Pour Benny Gantz, la libération des otages encore détenus est une priorité absolue, tout comme pour Gadi Eizenkot, un autre ancien chef de l'armée qui fait également partie du cabinet de guerre. L'ennemi peut être «tué par la suite», a-t-il affirmé. La parole d'Eizenkot a du poids, car il a perdu un fils et un neveu dans la guerre.
Avec un remaniement dans la politique israélienne et un cessez-le-feu à Gaza, l'Arabie saoudite pourrait en outre être intégrée aux discussions, selon le concept esquissé par The Economist. Le prince héritier Mohammed ben Salmane, autocrate et modernisateur du royaume, était apparemment sur le point de conclure la paix avec Israël à l'automne dernier.
C'était un motif possible pour l'attaque terroriste du Hamas. La porte ne semble pas totalement fermée. Les observateurs remarquent qu'en Arabie saoudite, contrairement à d'autres pays de la région, les manifestations pro-Hamas ne sont guère tolérées. Une «normalisation» avec Israël pourrait également faire reculer l'influence néfaste de l'Iran.
Toutefois, les Saoudiens ont souligné que sans solution à deux Etats, cela ne se produirait pas. C'est la dernière pièce de ce «puzzle», et la plus difficile. Une nouvelle direction palestinienne est nécessaire, sans le Hamas et sans l'Autorité palestinienne. Et Israël voudra imposer ses intérêts en matière de sécurité sans faire de compromis.
Les Etats-Unis ont un rôle clé à jouer dans ce scénario de paix. Sa mise en oeuvre ressemble à un marathon, combiné à l'ascension d'un sommet de 8000 mètres. Même The Economist admet que trois conditions doivent être remplies: un nouveau gouvernement israélien, une nouvelle direction palestinienne et un deuxième mandat de Joe Biden. Ce n'est pas gagné.
Traduit et adapté par Chiara Lecca