Comment qualifieriez-vous la situation humanitaire dans la bande de Gaza?
Chris Hanger: Nous entrons dans l'année 2024 en étant confrontés à une situation humanitaire dévastatrice. Depuis près de trois mois, nous avons vu d'innombrables familles, individus et communautés déchirés par ce conflit. De l'impact des attaques en Israël le 7 octobre à la détérioration de la situation humanitaire actuellement observée à Gaza, il n'y a eu que des souffrances humaines incessantes.
Les hostilités qui se déroulent dans des zones urbaines très peuplées, y compris autour des hôpitaux, mettent en danger la vie des personnes les plus vulnérables, que sont le personnel médical, les patients, les blessés, les prématurés, les personnes handicapées et les personnes âgées.
Dans quelles conditions le CICR évolue-t-il?
Nos équipes ne disposent pas des conditions de sécurité de base pour se déplacer en toute sécurité et apporter une aide humanitaire. Or nous avons besoin de ces conditions pour pouvoir opérer et assister la population.
Dans quelle structure hospitalière intervenez-vous?
Il faut d'abord préciser que l'humanitaire est limité dans la bande de Gaza. L'équipe de chirurgie de guerre du CICR soigne les blessés à l'Hôpital européen de Gaza. Les témoignages qu'ils partagent avec nous chaque jour sont déchirants et terrifiants. Notre équipe traite des patients souffrant de blessures graves, souvent des brûlures ou des plaies ouvertes, qui nécessitent des interventions médicales complexes et intensives. Les fournitures essentielles, comme le matériel de pansement, s'épuisent dangereusement.
Y a-t-il un risque d'épidémies?
Oui. L'insécurité alimentaire et le manque d'eau potable exacerbent les besoins de la population en matière de soins de santé. Des cas d'écoulement d'eaux usées dans les rues ont été observés, les stations de pompage ayant cessé de fonctionner. Les risques pour la santé publique ont considérablement augmenté et il faut s'attendre à des épidémies qui ne peuvent qu'entraîner un taux de mortalité élevé, car le système de santé n'est pas en mesure de réagir. Le risque que les maladies infectieuses entraînent un plus grand nombre de décès qui auraient pu être évités continue d'augmenter.
Quelles sont les personnes particulièrement vulnérables?
La situation est particulièrement dangereuse pour les enfants, les personnes immunodéprimées, les femmes enceintes, les personnes âgées et les personnes handicapées.
Des centaines de cadavres ont été signalés dans les hôpitaux, et ceux qui fonctionnent encore dans le nord ne peuvent offrir que des services de stabilisation de base. La capacité des hôpitaux du nord à offrir des services fluctue continuellement. Les gens affluent vers les hôpitaux pour s'y réfugier.
Qu'en est-il de l'accès à l'alimentation?
Les infrastructures ont été fortement touchées par les combats, y compris la capacité des marchés locaux à fournir de la nourriture et d'autres produits essentiels à la population de Gaza. Les gens cherchent de la nourriture et de l'eau en fuyant les combats. Depuis le 7 novembre, aucune boulangerie ne fonctionne, en raison du manque de carburant, d'eau et de farine de blé, ainsi que des dégâts considérables causés par les hostilités. De nombreuses boulangeries ont été détruites et les moulins ne peuvent fonctionner faute d'électricité.
L'aide parvient-elle à entrer dans Gaza?
L'aide humanitaire entrant dans la bande de Gaza est insuffisante, ce qui rend la situation de la population extrêmement difficile. Nous sommes extrêmement préoccupés par ce qui nous attend si la situation sur le terrain ne change pas. Des infrastructures détruites, des millions de personnes déplacées, presque aucun centre de santé en état de fonctionner, et pas assez de fournitures médicales ou de nourriture.
Où les gens trouvent-ils à s'abriter?
Dans le sud de la bande de Gaza, des dizaines de milliers de personnes se sont déplacées encore plus au sud ces derniers jours, près de Rafah. Lors de leurs déplacements, nos équipes peuvent voir de petites communautés temporaires créées dans l'espace disponible. À un endroit il n'y avait que quelques dizaines de tentes. Une semaine plus tard, il y en a des centaines, et d'autres continuent d'arriver. Beaucoup des personnes viennent de Khan Yunès, mais d'autres viennent de plus au nord. L'espace est restreint. Certains installent même des abris entre deux voies de circulation.
De quels effets disposent les personnes qui ont dû fuir?
Elles sont arrivées avec le peu qu'elles pouvaient emporter, et ce n'était souvent pas la première fois qu'elles fuyaient les combats de ces dernières semaines. Beaucoup de familles n'ont presque rien: une feuille de plastique, une bâche, quelques articles ménagers, une couverture, un matelas, une maigre réserve de nourriture. Dans de telles conditions, les choses les plus élémentaires deviennent rares et extrêmement importantes.
En dehors de l'action médicale, que fait le CICR pour venir en aide aux personnes déplacées?
Le CICR fait de son mieux dans cette situation pour aider les personnes déplacées à Gaza, tout en sachant que les besoins humanitaires dépassent de loin notre capacité de réponse. Nous apportons en particulier une aide en espèces pour que les gens puissent acheter des produits de première nécessité.
Cela est loin d'être suffisant et nous avons besoin d'un flux soutenu de biens humanitaires à Gaza ainsi que de garanties de sécurité pour que nos équipes puissent intervenir à plus grande échelle.