«Renforcement de la souveraineté économique», «plus d'opportunités»: pendant un an, Vladimir Poutine n'a cessé de répéter que les sanctions internationales étaient inefficaces et qu'elles pénalisaient plus les Occidentaux que la Russie.
Pourtant, le président russe a brusquement changé de ton, fin mars, mettant en garde contre les conséquences «négatives» des sanctions «à moyen terme», une première depuis le début de l'offensive en Ukraine.
«Le retour à une trajectoire de croissance ne doit pas nous conduire à nous relâcher», a-t-il martelé, admettant qu'il restait «des problèmes à résoudre». Alors les experts s'interrogent: signe d'une situation économique qui se dégrade ou simple avertissement destiné aux entreprises qu'il avait exhortées mi-mars à «ne pas manquer les nouvelles perspectives de développement»? Pour Arnaud Dubien, directeur de l'Observatoire franco-russe à Moscou:
L'expert poursuit: «C'est un message de mobilisation à destination des entreprises et des ministères concernés, qui indique que la situation est meilleure que prévu, mais qu'il ne faut pas relâcher, qu'il faut continuer à trouver des solutions alternatives».
Alexandra Prokopenko, une chercheuse qui travaillait auparavant à la Banque centrale de Russie (BCR), renchérit:
Les ennuis actuels de l'économie russe sont connus: exportations de gaz en forte baisse, contraction de la force de travail, pénuries dans certaines chaînes de production, récent affaiblissement du rouble, tourisme à l'arrêt, notamment. «Les secteurs les plus frappés par les sanctions, comme l'automobile, sont ceux qui étaient les plus ouverts aux investissements et aux coopérations internationales», rappelle Arnaud Dubien, directeur de l'Observatoire franco-russe à Moscou.
Dernier exemple en date, le constructeur automobile Avtovaz a signalé la cessation des approvisionnements par certains fournisseurs étrangers, ce qui rendra «impossible la production ininterrompue de véhicules complets à partir de la deuxième quinzaine du mois de mai». Dans les faits, la Russie est désormais privée d'accès aux technologies occidentales et doit se tourner vers l'Asie, avec le délai supplémentaire que cela implique.
Les entreprises liées au complexe militaro-industriel «s'en sortent mieux», relève la chercheuse Alexandra Prokopenko. Elle cite notamment l'optique, la pharmaceutique, les équipements métallurgiques. Un déséquilibre assumé par le gouvernement qui entend renforcer les échanges avec les pays asiatiques - la Chine et l'Inde en tête - pour compenser la perte du marché européen.
Mais «la situation reste difficile», juge Sergueï Tsyplakov, professeur d'économie à l'École supérieure d'économie de Moscou. Mercredi 5 avril en effet, la deuxième banque de Russie, VTB, exclue du système de paiements international Swift, a annoncé une perte de sept milliards d'euros l'an passé.
Dans ce contexte, de nombreux observateurs estiment que le vrai défi de l'économie russe va se présenter dans les prochains mois.
Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), les revenus pétroliers russes ont même dégringolé de 42% sur un an en février. Et le marché gazier, pour des raisons logistiques, tarde à se réorienter vers l'Asie. Or Moscou a un besoin vital de garder ses revenus issus des hydrocarbures à un niveau élevé pour continuer à financer son offensive en Ukraine, au moment où environ un tiers du budget fédéral annuel est destiné aux dépenses militaires et sécuritaires, d'après des chiffres officiels.
Mardi 4 avril, Vladimir Poutine a prévenu:
Ce à quoi Alexandra Prokopenko répond: «Il faut du temps pour s'ajuster, trouver de nouveaux partenaires et établir de nouvelles relations».
«Les sanctions ne sont pas indolores, mais les équilibres macro-économiques ne sont pas menacés à ce stade», tempère de son côté Arnaud Dubien, directeur de l'Observatoire franco-russe à Moscou. Et de conclure:
(ats)