En Russie, contredire Vladimir Poutine n'est pas sans conséquences. L'un de ses plus proches conseillers en a fait l'amère expérience. Après avoir occupé pendant plusieurs décennies des postes clés aux côtés du maître du Kremlin, Dmitri N. Kozak a été progressivement écarté de ses fonctions ces dernières années.
L'explication la plus vraisemblable? Son opposition à l'invasion russe de l'Ukraine lui a coûté cher. S'il n'a jamais affiché publiquement sa position, un article du New York Times indique qu'en privé, il avait exprimé des critiques à l'égard du projet de Vladimir Poutine.
Selon des sources internes au Kremlin et un contact occidental qui a rencontré Dmitri Kozak à plusieurs reprises depuis le début de la guerre, ce dernier serait le seul haut responsable proche de Vladimir Poutine à avoir exprimé ouvertement son opposition au conflit. Il aurait, dès le départ, mis en garde contre les conséquences d'une invasion à grande échelle, notamment la perspective d'une résistance acharnée de l'Ukraine.
Lors d'une réunion du Conseil de sécurité, il aurait voté contre le démarrage des hostilités. Peu après le début de l'invasion, il aurait également négocié un accord de paix avec Kiev, que Vladimir Poutine aurait toutefois refusé.
Selon un intermédiaire occidental qui aurait rencontré Dmitri Kozak à plusieurs reprises en 2022, celui-ci avait également laissé entrevoir sa position en dehors du Kremlin, mais toujours à huis clos. Il aurait souvent sollicité des arguments susceptibles de convaincre Poutine de changer de cap.
En façade, il continuait pourtant à se présenter comme un fervent défenseur de la ligne de Vladimir Poutine et un partisan de la guerre en Ukraine. En 2021, il avait même tenté de persuader des journalistes américains de la «nocivité» du gouvernement ukrainien, alors que Poutine massait déjà ses troupes à la frontière.
Selon les mémoires de l'ancien ambassadeur américain John J. Sullivan, Dmitri Kozak aurait encore, fin 2021, tenu de longs discours à l'ancienne secrétaire d'Etat adjointe Karen Donfried sur le «régime malveillant et perfide» de Kiev.
Jusqu'alors, Dmitri Kozak avait connu une ascension fulgurante aux côtés de Vladimir Poutine, après que tous deux eurent travaillé ensemble à la mairie de Saint-Pétersbourg dans les années 1990.
Il fut d'abord nommé, en 1999, chef de cabinet du nouveau Premier ministre Poutine, puis chargé de superviser les préparatifs des Jeux olympiques d'hiver de Sotchi en 2014. Plus récemment, il occupait le poste de chef adjoint de l'administration présidentielle russe.
Pendant toute cette période, Dmitri Kozak fut, selon le New York Times, le plus proche conseiller de Vladimir Poutine. Il était notamment chargé des relations avec certaines parties de l'ex-URSS, comme la Moldavie et les régions séparatistes de Géorgie. Il aurait également servi d'intermédiaire auprès de contacts occidentaux non officiels. Jusqu'à l'invasion, il dirigeait aussi les négociations sur l'Ukraine et préparait les sommets qui y étaient liés.
Depuis qu'il a osé contredire Vladimir Poutine, Dmitri Kozak semble avoir nettement perdu les faveurs du maître du Kremlin. Il a été privé de la quasi-totalité de ses fonctions et responsabilités, dont beaucoup ont été confiées à Sergueï V. Kirienko, qui l'aurait remplacé dans la hiérarchie interne.
Même si son influence décline, Dmitri Kozak conserve un accès direct au président russe. Sa position, en revanche, ne semble pas avoir évolué. Tout récemment, il aurait soumis à Vladimir Poutine des propositions visant à mettre fin aux combats et à entamer des négociations de paix. Il aurait aussi formulé certaines revendications en matière de politique intérieure.
Sans surprise, Vladimir Poutine n'y aurait toutefois pas donné suite.
Traduit et adapté par Noëline Flippe