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Mélenchon est dangereux

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image: keystone, montage: fred valet
Analyse

Mélenchon est dangereux

Avec Mélenchon en pilier de bar, la Nupes (ou ce qui l'en reste) fait irruption sur les réseaux sociaux comme on déboulerait dans un vague PMU à l'heure de l'apéro. Risible, mais surtout dangereux: un tweet du patron de LFI a poussé le ministre de l'Intérieur à placer une journaliste sous protection policière.
04.12.2023, 18:49
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«Si on n'injurie pas les musulmans, cette fanatique s'indigne». Une publication, parmi d'autres. Beaucoup d'autres. Tous les jours. Jusqu'à plus soif. Or, cette fois, la roue du hamster, ivre de ses propres vociférations, a fait pire que de ridiculiser une alliance de gauche française en éternels soins intensifs. «Cette fanatique», selon Jean-Luc Mélenchon, c'est Ruth Elkrief, la journaliste star de la chaîne LCI, qui aurait eu l'outrecuidance de poser des questions non désirées à son poulain Manuel Bompard. Critiquer l'attitude d'une journaliste est un droit. L'accuser à tort de fanatisme anti-musulmans en est une autre.

Depuis lundi matin, la journaliste est placée sous protection policière, tant les menaces à son encontre explosent.

Comparant cette fronde à «une cible sur le dos de madame Elkrief», Gérald Darmanin a rappelé que ce n'est pas la première fois que la journaliste trimballe des agents dans son quotidien pour assurer sa sécurité.

«Monsieur Mélenchon est dans l’irresponsabilité. La journaliste recevait déjà beaucoup de menaces, c'est pourquoi nous avons décidé de lui remettre une protection policière»
Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur

Ce tweet erroné a fait sursauter le paysage médiatique français, soutenant leur consœur en rangs. Il a surtout eu le pouvoir de fracturer une énième fois la Nupes. En une seule capture d'écran, on se rend compte de l'ampleur de la débâcle de cette alliance qui ne semble unie que dans une endurante inconsistance.

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Cette fâcherie familiale, déployée en triolet, est au moins aussi significative que le mensonge initial. Après avoir dégainé une attaque recadrée par la police des fake-news, le patron de La France insoumise s'est vu sommé de supprimer son méfait par une ténor des Verts, puis défendu par une apôtre du messie avec une bonne dose d'agressivité passive.

Tout cela, comme on laverait ses culottes sur les Champs-Elysées, sous les yeux de citoyens qui se relèvent tout juste d'un nouvelle terrible agression terroriste perpétrée à deux pas de la tour Eiffel.

Quand le vaisseau paraît à ce point incontrôlable en public, on n'ose imaginer l'ambiance loin des projecteurs crus des algorithmes. De plus en plus radical, en rage (et en boucle) contre l'establishment, mais aussi profondément isolé politiquement, Jean-Luc Mélenchon emprunte aux stars populistes une attitude qui, pour l'instant, ne lui réussit pas aussi bien qu'à Donald Trump aux Etats-Unis ou Javier Milei en Argentine. Mis à part quelques rares fidèles tardant à tuer le père au grand jour, il réussit la prouesse d'à la fois effrayer les modérés et humilier l'entier de la gauche française.

Vendredi dernier, Mélenchon lui-même, accusé «d’antisémitisme» depuis sa charge contre Ruth Elkrief, a enfin eu le cran d'avouer que ce mariage contre-nature est bel et bien sur son lit de mort.

«Il n’y a plus de Nupes, alors on fait semblant qu’il y en a toujours une (...) Ce qu'on a construit est déjà détruit»
Jean-Luc Mélenchon

Mais quand la gauche voudrait pointer du doigt les désaccords sur le conflit au Proche-Orient, elle oublie la raison d'être de cette coalition. Bricolée dans l'espoir de ne pas se contenter d'un rôle de figuration aux législatives de juin 2022, la Nupes avait agi comme un pansement sur crise profonde que la gauche n'a toujours pas réussi à affronter dignement. Et la débandade actuelle promet déjà quelques catastrophes à venir.

En cas de divorce officiel, le PS, dénué de figure forte, redeviendra cette formation ayant fait 1,7% au premier tour de la présidentielle avec Anne Hidalgo. La France insoumise, elle, n'a pas d'alternative fiable sous la main, pour être en mesure d'envoyer le patriarche à la retraite. Mais depuis une année, cette extrême gauche 2.0 a montré de quoi elle était capable, quand il s'agit de bordéliser les débats et d'emprunter des stratégies que l'on voit plus volontiers chez les ultra-conservateurs américains.

A trois petites années du départ d'Emmanuel Macron, les gauches françaises sont toujours irréconciliables et condamnée à s'unir (si elles veulent peser dans le game). Mais s'unir comment? Quand? Avec qui? Combien de temps? Pour quel itinéraire? Avec quel capitaine? Sur quel navire? C'est précisément en raison de ce contexte hautement instable que les débordements réguliers de Mélenchon sont à prendre très au sérieux.

Depuis de longs mois, le leader charismatique (adoubé par une petite mais féroce relève) a laissé sa place à un fauve incontrôlable, qui tend son majeur à tout ce qui nourrit le débat démocratique. Les gauches, embourbées dans une crise majeure d'identité, risquent de se retrouver uniquement incarnée par un gourou qui n'a sans doute plus grand-chose à perdre.

Quand les partis gouvernementaux, de tout bord, refusent l'introspection, les «clowns» ont tendance à sortir du bois. Aux Etats-Unis, un récent sondage montre que les citoyens soutiennent l'idée que le pays a désormais besoin d'un leader suffisamment solide pour «oser contourner les règles».

Et il n'y a aucune raison pour que la curiosité grandissante du peuple pour les antisystèmes messianiques et bariolés se coltinent à l'extrême droite. La réthorique victimaire, la désinformation, les attaques personnelles et la défiance envers l'Etat et les médias ont, avec (le futur?) Mélenchon, le terreau nécessaire pour se montrer invasives. Si le leader LFI, qui se prétend dans le «camp de la paix», a échoué en voulant s'afficher présidentiable et patron de toute la gauche en 2022, il n'est pas impossible qu'il gagne des points en s'isolant avec fracas d'une frange modérée qui ne le défend plus.

Mais avant le catastrophisme, revenons à ce week-end, qui fut doublement hors-sol: samedi soir, alors qu'un attentat terroriste se déroulait au même moment au coeur de Paris, Europe Ecologie Les Verts organisait une booty therapy pour lancer officiellement sa campagne européenne.

«Pour s'assumer tel que l'on est», justifiait la secrétaire nationale du parti, Marine Tondelier. Les gauches semblent en tout cas assumer le fait qu'elles sont, pour l'heure, passablement déconnectées de la réalité, le coeur victime d'une étrange arythmie face aux préoccupations des Français.

TPMP: Mélenchon règle ses comptes avec Hanouna
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