Dans son livre Destined for War, l'historien de Harvard Graham Allison met en garde contre une guerre imminente entre les Etats-Unis et la Chine. Et en effet, les signes ne manquent pas.
Le dernier exemple en date des tensions entre Washington et Pékin a eu lieu ce week-end. Sous la pression des États-Unis, le G7 a fermement condamné la Chine. En contrepartie, les Chinois ont exclu de leur marché le fabricant américain de puces Micron, aggravant ainsi la Chip War (guerre des semi-conducteurs) qui faisait déjà rage. Il faut également mentionner le ballon-espion chinois que les Etats-Unis ont récemment abattu, rendant ainsi impossible une visite du secrétaire d'Etat américain Anthony Blinken à Pékin.
L'épicentre des tensions se situe en Ukraine et à Taïwan. Le président chinois Xi Jinping a, en effet, apporté son soutien inconditionnel à Vladimir Poutine et condamné les Etats-Unis en tant que véritable agresseur de cette guerre.
Si Pékin venait à soutenir Moscou avec des armes, nous serions proches d'une guerre ouverte entre les deux superpuissances. Et si la Chine devait tenter de conquérir Taïwan par les armes, le piège se refermerait sans doute définitivement sur elle. Il n'est, cependant, pas nécessaire d'en arriver là.
Les Britanniques ont jadis tenté d'empêcher l'indépendance des Américains. Mais après leur défaite, ils ne se sont pas contentés de s'en accommoder, ils ont aussi conclu un traité en 1871 qui a tissé un «lien spécial» entre les deux, et qui existe encore aujourd'hui.
Il serait, certes, prématuré et exagéré de parler de dégel entre Washington et Pékin, même s'il existe des premiers signes. Jake Sullivan, le conseiller américain en matière de sécurité, et Wang Yi, un haut diplomate chinois, se sont récemment rencontrés à Vienne. Ils ont échangé pendant des heures. Dans un communiqué, les deux parties ont par la suite qualifié cette rencontre de «franche, riche et constructive».
La rencontre entre les deux hauts fonctionnaires est un premier pas dans la bonne direction. Tous deux doivent faire des concessions. Les Chinois doivent reconnaître que les Etats-Unis – malgré toutes les querelles de politique intérieure – sont loin d'avoir fait leur temps en tant que superpuissance.
De leur côté, les Américains doivent accorder aux Chinois la place qui leur revient sur la scène mondiale. «La Chine veut être considérée comme l'égale de la première puissance mondiale», explique Rohan Mukherjee, politologue à la London School of Economics. Les Chinois sont toujours nettement sous-représentés dans les instances internationales, par exemple le Fonds monétaire international.
Les deux camps doivent avant tout trouver une solution à la guerre en Ukraine. Jusqu'à présent, l'argument était que cette guerre était bénéfique pour Pékin, car elle empêchait les Américains d'entrer en conflit avec la Chine, et qu'elle renforçait également les relations de la Chine avec la Russie.
Aujourd'hui, cette thèse est remise en question, même à Pékin. La guerre a eu pour conséquence que l'Europe s'est (presque) rangée derrière les Etats-Unis. L'économie chinoise risque ainsi de perdre ses principaux marchés d'exportation.
Même une guerre froide n'est pas dans l'intérêt des deux superpuissances. Les dépendances économiques sont trop importantes. Les Chinois dépendent toujours des débouchés occidentaux, les Américains des chaînes d'approvisionnement chinoises. C'est pourquoi un nouveau langage s'est imposé. On parle désormais de decoupling (le fait de couper le cordon), qui est remplacé par de-risking (le fait de réduire le risque).
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et Emmanuel Macron ont récemment utilisé ce terme lors de leurs visites à Pékin.
Les membres du G7 soulignent également qu'il ne s'agit pas de snober la Chine et de nuire à son économie. Ils ne sont pas intéressés par un decoupling, mais visent simplement un de-risking.