Un flot incessant: ils sont désormais 53 629 à s'être réfugiés en Arménie, selon de nouveaux chiffres communiqués mercredi par Erevan, à la suite de l'opération militaire dont le bilan s'élève à plus de 400 morts dans les deux camps. Une semaine plus tôt, cette région du Caucase comptait encore environ 120 000 habitants, essentiellement des Arméniens.
Pour ajouter aux tourments de l'enclave, plus d'une centaine de personnes sont toujours portées disparues après l'explosion d'un dépôt de carburant pris d'assaut par les habitants, lundi soir en plein exode. Le drame a fait 68 morts et 290 blessés.
La veille, l'Azerbaïdjan avait ouvert la seule route reliant le Nagorny Karabakh à l'Arménie. Les autorités se sont engagées à permettre aux rebelles qui rendraient leurs armes de partir. Elles ont cependant arrêté mercredi Ruben Vardanyan, qui a dirigé le gouvernement séparatiste de l'enclave de novembre 2022 à février 2023. L'homme d'affaires tentait de rejoindre l'Arménie.
A ceux qui ont décidé de rester sur place, le président azerbaïdjanais Ilham Aliev a promis que les droits des Arméniens de l'enclave, rattachée en 1921 à l'Azerbaïdjan, seraient «garantis».
De l'autre côté de la frontière, c'est le chaos qui règne. Première étape pour la plupart, la ville de Goris est méconnaissable. Des centaines de voitures encombrent ses rues dans le plus grand chaos, sous les yeux de policiers impuissants à les orienter. Des hélicoptères survolent la zone.
Nombre de réfugiés, affamés, ont passé la nuit dans leurs véhicules dont ils émergent les yeux rougis de fatigue, beaucoup disant n'avoir aucun endroit où dormir ni lieu où aller en Arménie.
Alekhan Hambardzyumyan, 72 ans, a dormi dans son fourgon utilitaire. Son fils a péri dans les derniers combats qui ont fait 213 morts du côté des séparatistes arméniens. Bakou a indiqué pour sa part avoir perdu 192 de ses soldats et un civil dans l'opération militaire. «Je veux aller à Erevan mais je ne sais pas ce que l'Etat est en mesure de me proposer», explique-t-il à l'AFP.
Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian s'était dit prêt à accueillir 40 000 réfugiés dans le pays de 2,9 millions d'habitants. Mais son gouvernement n'a pu loger pour l'heure que 2850 personnes, ce qui laisse présager d'une crise humanitaire.
La capitale Erevan a été secouée ces derniers jours par une série de manifestations contre un Premier ministre accusé de passivité face à l'Azerbaïdjan. Nikol Pachinian doit aussi composer avec la Russie, qui dispose d'une importante base militaire en Arménie et voit le Caucase comme son pré carré même si son influence s'est réduite depuis le lancement de l'offensive en Ukraine.
Sur le terrain, la société civile s'organise sans attendre l'Etat. La petite ville de Goris n'en est pas à son premier exode: elle a déjà accueilli des réfugiés pendant les précédentes guerres du Nagorny Karabakh opposant les deux ex-républiques soviétiques, l'Arménie à majorité chrétienne, et l'Azerbaïdjan à majorité musulmane.
Devant sa maison, Liana Sakhakyan a installé une table et des gâteaux. «L'important n'est pas seulement la nourriture: c'est l'accueil, une atmosphère chaleureuse», confie-t-elle. «Quand j'ai vu tant de gens arriver hier, j'ai décidé d'agir». (mbr/ats)