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Le nouveau missile russe Bourevestnik change les règles du jeu

Le président russe préside ici une réunion avec le chef d'Etat-major des forces armées russes Valery Gerasimov et les commandants des groupes de forces participant à l'opération militaire sp ...
Le président russe préside ici une réunion avec le chef d'Etat-major des forces armées russes Valery Gerasimov et les commandants des groupes de forces participant à l'opération militaire spéciale au quartier général des forces combinées, en Russie.Image: Imago

Pourquoi le nouveau missile russe fait exploser les règles du jeu

Vladimir Poutine, vêtu d’un uniforme militaire, a annoncé le 26 octobre 2025 que la Russie avait testé avec succès un missile à propulsion nucléaire. Si cette information est avérée, une telle arme pourrait conférer à la Russie une capacité militaire unique, aux répercussions politiques plus larges.
08.11.2025, 15:4408.11.2025, 15:44
Iain Boyd / the conversation
Un article de The Conversation
The Conversation

Le missile, appelé Bourevestnik, aurait été testé avec succès au-dessus de l'océan Arctique après des années de développement et plusieurs vols d'essai initiaux, dont l'un a entraîné la mort de cinq scientifiques nucléaires.

Je suis ingénieur et j'étudie les systèmes de défense. Voici comment ces armes fonctionnent, les avantages qu'elles présentent par rapport aux systèmes de missiles conventionnels, et leur potentiel à perturber la stabilité stratégique mondiale.

A propos de l'auteur
Iain D. Boyd est professeur d'ingénierie aérospatiale à l'Université du Colorado Boulder et directeur du Center for National Security Initiatives. Ancien membre de la NASA et de l'Université du Michigan, il est expert en dynamique des gaz et des plasmas. Auteur de plus de 200 articles scientifiques, il est membre distingué de plusieurs sociétés aérospatiales.
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Image: The Conversation

Quelques bases pour commencer

Les missiles sont utilisés par les forces armées du monde entier depuis des siècles et se déclinent en une grande variété de modèles, caractérisés par leur mission, leur portée et leur vitesse.

Ils servent à endommager et détruire une large gamme de cibles, notamment des installations terrestres comme des bases, des centres de commandement et des infrastructures enterrées en profondeur, comme des navires, des aéronefs et potentiellement des engins spatiaux. Ces armes sont lancées depuis le sol par l'armée de terre, depuis la mer par des bâtiments de la marine, et depuis les airs par des chasseurs et des bombardiers.

Les trois grands types de missiles

Les missiles peuvent être tactiques, avec des portées relativement courtes de moins de 800km, ou stratégiques, avec des portées de plusieurs milliers de kilomètres. On distingue trois grandes catégories de missiles: balistiques, de croisière et hypersoniques.

  1. Les missiles balistiques sont propulsés par des moteurs-fusées. Après l'extinction de la poussée, le missile décrit un arc prévisible qui l'emmène hors de l'atmosphère, dans l'espace, puis de nouveau dans l'atmosphère en direction de sa cible.
  2. Les missiles de croisière disposent d'un moteur additionnel qui s'allume après l'extinction de la fusée, permettant au missile de parcourir des trajectoires programmées, typiquement à basse altitude. Ces moteurs fonctionnent grâce à un mélange chimique ou à un carburant solide.
  3. Les missiles hypersoniques volent à des vitesses supérieures à celle du son, mais pas aussi rapides que les missiles balistiques intercontinentaux (ICBM). Ils sont lancés par de plus petites fusées qui les maintiennent dans les couches supérieures de l'atmosphère. Le planeur hypersonique est propulsé jusqu'à une altitude élevée, puis glisse vers sa cible en manœuvrant en cours de route. Le missile de croisière hypersonique, lui, est propulsé jusqu'à une vitesse hypersonique, puis utilise un moteur à air appelé scramjet pour maintenir cette vitesse.

Zoom sur les missiles à propulsion nucléaire

Les missiles à propulsion nucléaire sont une variante de missile de croisière. Les conceptions reposent généralement sur une forme de scramjet. Un système nucléaire thermique utilise la fission du combustible nucléaire pour ajouter de l'énergie à un flux d'air qui est ensuite accéléré dans une tuyère pour générer de la poussée. De cette manière, la fission du matériau nucléaire remplace la combustion chimique des moteurs de croisière traditionnels.

Le concept d’un scramjet à propulsion nucléaire est simple, même si sa construction est extrêmement complexe.
Le concept d’un scramjet à propulsion nucléaire est simple, même si sa construction est extrêmement complexe.Image: Lawrence Berkeley National Laboratory

La densité d'énergie (soit la quantité d'énergie libérée par unité de masse de combustible) fournie par la fission nucléaire est des millions de fois supérieure à celle des propergols chimiques. Cette caractéristique signifie qu'une quantité relativement faible de combustible fissile peut propulser un missile pendant des périodes bien plus longues que ne le permettent les propergols chimiques.

Les Etats-Unis ont étudié le développement d'un missile à propulsion nucléaire dans les années 1960. Le programme, Project Pluto, a été abandonné en raison des progrès rapides réalisés à la même époque sur les ICBM, ainsi que des inquiétudes liées à la contamination environnementale associée aux systèmes nucléaires.

Les avantages du vol à propulsion nucléaire

L'avantage principal des missiles à propulsion nucléaire réside dans l'énergie supplémentaire qu'ils génèrent, leur permettant de voler plus loin, plus longtemps, plus vite et plus bas dans l'atmosphère, tout en exécutant une large gamme de manœuvres. Pour ces raisons, ils représentent un défi considérable pour les meilleurs systèmes de défense antimissile.

Les précédents essais du missile Bourevestnik par la Russie comprennent notamment ce tir de 2018. Capture d'écran d'une vidéo du ministère russe de la Défense.
Les précédents essais du missile Bourevestnik par la Russie comprennent notamment ce tir de 2018. Capture d'écran d'une vidéo du ministère russe de la Défense.Image: CC BY

L'armée russe affirme que le missile Bourevestnik a parcouru 8700 miles (14 000km) à basse altitude sur une période de 15 heures. A titre de comparaison, un vol commercial entre San Francisco et Boston couvre 2700 miles (4345km) en six heures. Bien que le Bourevestnik ne vole pas particulièrement vite pour un missile, il est probablement manœuvrable, ce qui le rend difficile à intercepter.

Quelques contraintes

L'immense quantité d'énergie libérée par la fission constitue le principal défi technique du développement de ces missiles. Ces niveaux d'énergie très élevés exigent des matériaux capables de résister à des températures atteignant plusieurs milliers de degrés Celsius, afin d'empêcher le missile de se détruire lui-même.

Sur le plan de la sécurité, la technologie nucléaire a trouvé des applications très limitées dans l'espace en raison des risques de contamination radioactive en cas d'incident, comme un lancement raté. Les mêmes inquiétudes s'appliquent à une arme à propulsion nucléaire.

De plus, de tels systèmes doivent pouvoir rester sûrs pendant de longues années avant leur utilisation. Une attaque ennemie contre une installation de stockage contenant des armes à propulsion nucléaire pourrait entraîner une fuite radioactive massive.

Les premiers développements d’un missile à propulsion nucléaire par les Etats-Unis dans les années 1950 et 1960 ont pris fin lorsqu’il est apparu que cette idée soulevait des défis stratégiques et environnementaux majeurs.Vidéo: YouTube/Sideprojects

Le Bourevestnik russe et la stabilité mondiale

Le nouveau missile russe Bourevestnik est en développement depuis plus de 20 ans. Bien que peu de détails techniques soient connus, les responsables russes affirment qu'il peut manœuvrer afin de contourner les systèmes antimissiles et de défense aérienne.

Les armes nucléaires ont constitué la base de la dissuasion mutuelle entre l'Union soviétique et les Etats-Unis pendant la guerre froide. Les deux camps comprenaient qu'une première frappe de l'un entraînerait une riposte tout aussi dévastatrice de l'autre. La peur d'une destruction totale maintenait ainsi un équilibre pacifique.

Plusieurs évolutions menacent l'équilibre actuel des forces: l'amélioration des systèmes de défense antimissile, comme le Golden Dome prévu par les Etats-Unis, et les progrès réalisés dans les missiles hautement manœuvrables. Les systèmes de défense antimissile pourraient bloquer une frappe nucléaire, tandis que les missiles évoluant à basse altitude pourraient atteindre leur cible sans avertissement.

Ainsi, si une grande partie des réactions à l'annonce par la Russie de son nouveau missile à propulsion nucléaire s'est concentrée sur la difficulté de s'en défendre, la préoccupation majeure réside sans doute dans son potentiel à bouleverser complètement la stabilité stratégique mondiale.

Cet article a été publié initialement sur The Conversation. Watson a changé le titre et les sous-titres. Cliquez ici pour lire l'article original.

Vladimir Poutine dans tous ses états
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Vladimir Poutine dans tous ses états
Poutine en mode chasseur, 2010.
source: ap ria novosti russian governmen / dmitry astakhov
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«La Russie n'utilisera pas d'armes nucléaires»
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