Ce n'est un secret pour personne. Vladimir Poutine, comme tout bon autocrate, privilégie le train à l'avion. Moins facile à abattre, plus sûr, plus discret, moins évident à localiser, le président russe a avalé des milliers de kilomètres à travers la Russie sur les rails, bien à l'abri dans son convoi «spécial» ultra blindé.
Hélas, aussi «spécial» soit-il, le train de Poutine ne lui permet pas encore de surfer sur la mer. Raison pour laquelle le président russe a été bien obligé de passer par les airs, cette semaine, pour aller causer pétrole avec de hauts dirigeants à Abou Dhabi et en Arabie saoudite. Son premier voyage dans la région depuis des années. Le dernier remontant bien avant la pandémie de Covid-19 et l'invasion de l'Ukraine.
Depuis février 2022, le dirigeant russe n'a pratiquement plus quitté la Russie. Il faut dire que faire l'objet d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale - dont ni les Emirats arabes unis, ni l'Arabie saoudite, ne sont signataires - ce qui raccourcit considérablement sa liste de destinations. Sans oublier l’éternelle «paranoïa» du président russe, qu'on dit de plus en plus aiguë avec les années.
C'est donc escorté par pas moins de quatre avions de combat Sukhoi que l'appareil a avalé les 5000 kilomètres qui séparent Moscou d'Abu Dhabi. Une mesure de précaution qui peut sembler superflue pour ce modèle Ilyushin Il-96-300 PU très particulier. L'appareil commercial d'une capacité de 300 passagers a en effet été largement modifié pour répondre aux besoins du chef d'Etat en termes de sécurité et d'organisation.
Modèle privilégié depuis longtemps par les dirigeants russes, parmi lesquels Boris Elstine, Vladimir Poutine disposerait d’une escouade de quatre avions Il-96. Sécurité oblige. A l'époque où il volait encore régulièrement à travers le monde, les quatre avions étaient préparés pour le décollage avant chaque déplacement officiel. L'appareil précis à bord duquel montait Vladimir Poutine n'était connu qu'au moment du décollage.
Attention d'ailleurs à ne pas confondre le II-96 avec un autre célèbre avion russe, le «Kremlin volant» ou «avion de l'apocalypse», également modèle d'Ilyushin, dans lequel le président russe prend place à de plus rares occasions, comme la Fête nationale du 9 mai. Véritable bunker volant, le II-80 est dépourvu de fenêtres et serait capable de résister à n'importe quel choc - y compris à une explosion nucléaire. En outre, il est capable de survoler la terre pendant des heures et des heures, grâce à un astucieux système d'auto-alimentation.
Revenons à nos moutons: le II-96, plus fréquemment utilisé. Dotée d'un système de communication avancé qui lui permet d'être utilisé comme centre de commande pour les troupes de soldats au sol (d'où ses initiales, «PU», pour «poste de commande»), cette petite pépite d'ingénierie russe est capable d'atteindre des vitesses allant jusqu'à 900 km/h, grâce à ses quatre moteurs (la plupart des avions n'en possèdent que deux).
C'est toutefois ce qu'on trouve à l'intérieur de l'avion présidentiel - d'un prix estimé par certains médias à environ 716 millions de dollars, même si des estimations plus prudentes articulent un montant de 45, voire 67 millions - qui reste le plus croustillant. Les photos de son intérieur somptueux et opulent foisonnent sur la Toile.
Parmi les pièces à bord du II-96, citons un bureau présidentiel, plusieurs salles de réunion, une vaste salle de conférence, une pièce de repos pour le président, un salon pour les invités, une petite salle de sport avec tapis roulants, équipement d'haltérophilie et sac de boxe, une cafétéria, un bar entièrement approvisionné en whiskies et vins haut de gamme, une salle de bains avec des toilettes plaquées or (!), des douches et une unité médicale séparée équipée pour la réanimation et les soins d’urgences.
Evidemment, le tout dans un style néoclassique très précieux, avec cuir blanc, moquette moelleuse, marqueteries, armoiries russes gravées et dorures en veux-tu, en voilà.
Les décors opulents de l'avion présidentiel ne sont plus un secret d'Etat depuis longtemps. En 2018, Arslan Kaipkulov, un jeune Russe de 15 ans atteint d'une maladie incurable, a même été exceptionnellement autorisé à visiter l'avion présidentiel et à y filmer la plupart des pièces (à l'exception des quartiers privés de Poutine), dans le cadre d'un projet caritatif avec le Kremlin. Les images sont toujours disponibles sur YouTube.
Ah et, pour l'anecdote, l'aéroport de Genève a même eu l’insigne honneur de voir les roues de ce luxueux appareil lécher son tarmac. C'était en 2021, à l'occasion du sommet avec Joe Biden. Un atterrissage en fanfare qu'on ne risque pas de voir se reproduire de sitôt - et pas seulement parce que Vladimir Poutine préfère le train.