Les 156 millions d'électeurs brésiliens ont commencé à voter dimanche à 08h00 (13h00 suisses) pour une présidentielle décisive. L'ex-président de gauche Lula pourrait être élu dès le 1er tour, mais le sortant Jair Bolsonaro pourrait refuser le verdict des urnes.
Le président d'extrême droite Jair Bolsonaro a menacé depuis des mois de ne pas reconnaître le résultat si l'élection n'est pas «transparente».
Cette élection lourde d'incertitudes est décisive pour l'avenir de la jeune démocratie au Brésil, première puissance d'Amérique latine très fracturée. Le choc au sommet entre les ennemis jurés Jair Bolsonaro, 67 ans, et Luiz Inacio Lula da Silva, 76 ans, a relégué les neuf autres candidats au rang de figurants.
L'ex-président Lula (2003-2010) était toujours le grand favori dans le dernier sondage Datafolha samedi soir, avec 50% des votes valides contre 36% à Bolsonaro. Adriano Laureno, analyste chez les consultants Prospectiva, a déclaré à l'AFP que:
Une victoire de Lula, qui a marqué la vie politique brésilienne depuis un demi-siècle et concourt à sa sixième présidentielle, signerait un comeback inespéré quatre ans après son incarcération controversée pour des soupçons de corruption.
Le dernier débat présidentiel jeudi a illustré le degré de haine entre les deux favoris qui se sont écharpés, s'accusant d'être «menteur» ou «corrompu». La campagne, menée en gilet pare-balle par les candidats, a elle aussi été tendue. Elle a charrié des tombereaux d'attaques personnelles, livré peu de projets pour le Brésil, et s'est déroulée dans un climat délétère.
Ainsi pour de nombreux Brésiliens, une élection de Lula dès le premier tour permettrait d«'en finir» et d'échapper à quatre semaines supplémentaires de campagne à couteaux tirés jusqu'à un second tour le 30 octobre.
Un second tour pourrait permettre au populiste Bolsonaro de galvaniser ses troupes et de trouver un nouvel élan.
- Obrigado, meu amigo Trump! Graças ao apoio do povo brasileiro e de nossa determinação em lutar pelos interesses do Brasil, hoje somos respeitados no mundo todo e contamos com o apoio de nações livres e prósperas e não mais de ditaduras socialistas, como no passado. pic.twitter.com/p4gcAcSiIU
— Jair M. Bolsonaro 2️⃣2️⃣ (@jairbolsonaro) October 2, 2022
Sur son compte Twitter, il a publié les messages de soutien de ses rares alliés: l'ancien président américain Donald Trump qui appelle les Brésiliens à «réélire l'un des plus grands présidents au monde», de même que le Premier ministre hongrois Viktor Orban ou l'ex-Premier ministre israélien Benyamin Netanayou.
L'abstention dimanche pourrait pénaliser davantage Lula. Selon les analystes, un second tour pourrait permettre à Bolsonaro de galvaniser ses troupes et de trouver un nouvel élan.
Mais espérant une victoire dès le premier tour, l'équipe de Lula a fait campagne pour le «vote utile», lorgnant du côté des électeurs de Ciro Gomes (centre gauche), quatrième dans les sondages avec 5% des intentions de vote.
Jair Bolsonaro a affirmé qu'il serait «anormal» qu'il n'obtienne pas au moins 60% des voix dimanche et rejette les sondages «mensongers». Adriano Laureno explique:
Le président d'extrême droite, ancien capitaine de l'armée, a lancé des attaques innombrables contre la fiabilité des urnes électroniques, laissant planer la menace d'un coup de force.
La crainte d'un remake brésilien de l'assaut du Capitole à Washington en 2021 après la défaite de Donald Trump est dans tous les esprits. L'armée n'a donné aucun signe d'agitation et les Etats-Unis ont indiqué qu'ils allaient «suivre de près» l'élection.
Plus de 500 000 membres des forces de l'ordre doivent assurer la sécurité et des dizaines d'observateurs étrangers surveiller le déroulement du vote, jusqu'à 17h00 (22h00 suisses).
Lula, le chef du Parti des Travailleurs (PT), a réuni une vaste coalition de dix partis allant jusqu'au centre droit de son colistier, l'ex-gouverneur de Sao Paulo Geraldo Alckmin, choisi pour rassurer les milieux économiques. Il a le vote majoritaire des femmes, des jeunes et des classes défavorisées.
Jair Bolsonaro se présente sous l'étiquette du petit Parti libéral (PL) et bénéficie du soutien enthousiaste des évangéliques, du lobby de l'agronégoce et des pro-armes, et de l'appui, plus réservé, du patronat.
Les Brésiliens élisent aussi dimanche leurs 513 députés fédéraux, les gouverneurs des 27 Etats et les députés des assemblées des Etats. Comme le président, tous ont un mandat de quatre ans. Un tiers des 81 sièges du Sénat seront aussi renouvelés, mais pour huit ans. (sas/ats)