Un jeune homme, gueule d’ange à la Timothée Chalamet, se pointe avec son husky à une «dogs party», une fête de chiens organisée dans la maison d’un particulier. Il fait froid, c’est l’hiver, il y a de la neige. Un petit côté East-Coast des Etats-Unis. Timothée, appelons-le donc ainsi, sonne, confiant, à la porte. Une femme lui ouvre. Il se présente, puis présente son chien, une chienne, qu’importe le genre, «Sandy, un husky sibérien». Soudain, c’est le drame. A l'intérieur, les convives déjà arrivés, réunis dans une ambiance hyper-chaleureuse, sont pris d'un «shocking» muet des plus parlants.
La vidéo, relayée par l’ambassade de Russie en France sur son compte Twitter, est un clip de propagande russe mobilisant les codes du modèle inclusif occidental, avec présence de la minorité noire, avec une possible touche LGBT (plus la chose est suggérée, plus elle paraît naturelle). Or voilà justement que tout l’Occident, blanc comme noir, ferme sa porte à Sandy, en raison de son origine sibérienne, russe, donc.
Mais les chiens, que Vladimir Poutine aime énormément et dont il a dit un jour qu’il les préférait aux hommes, ne l’entendent pas de cette oreille. Ils vont rejoindre Sandy et son jeune maître Timothée, refoulés à cause des vilains préjugés antirusses. Si bien qu’à leur tour, leurs maîtres et maîtresses sortent de la maison. Tout le monde, Sandy et Timothée compris, se retrouve devant l’entrée du domicile dans l'allégresse d’un vivre-ensemble sans frontières – on a bien compris que pour Vladimir Poutine, les frontières de l’Ukraine, c’était ringard. Les sous-titres de ce clip fort bien léché font office de voix off: «Arrêtez de haïr les Russes», peut-on lire. Halte aux sanctions, traduit-on.
Fortiches, les Russes. Les Russes? Pas plutôt le Kremlin? Dans le tweet ci-après, l’ancien directeur de la rédaction de l'hebdomadaire français Le Nouvel Observateur (devenu L’Obs), Claude Weill, plaide pour le distinguo entre le peuple russe et le régime à sa tête:
Pas d’accord, Jerôme. Je trouve le film plutôt malin et bien fait. C’est pourquoi il faut dire et redire que nous n’avons rien contre le peuple russe.
— Claude Weill (@WeillClaude) March 21, 2022
Le problème, c’est pas les Russes, c’est Poutine et son régime
Vrai qu’on peut se laisser prendre par cette belle histoire de l’amitié universelle. Alors ne perdons pas de vue que c’est un travail de propagande jouant sur le sentimentalisme, cette faiblesse prêtée à l’Occident par Poutine le viriliste. Dernière chose: Sandy le splendide husky sibérien, est carrément le plus grand, le plus majestueux des chiens de cette joyeuse bande de canins. Il est leur leader. La guerre froide a du talent.