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Guerre en Ukraine: «Poutine croit à une victoire imminente»

La Russie prépare-t-elle une grande offensive? Ces experts répondent.
Deux experts militaires livrent leur analyse de la situation en Ukraine, qui montre des signes de faiblesse face aux assauts de la Russie.Image: Imago, montage watson

Poutine croit à une victoire imminente: «Ces semaines seront décisives»

Le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, affirme que ses troupes sont sur le point d'obtenir une percée en Ukraine. Les experts militaires restent sceptiques. Ils mettent en garde contre les tactiques de la Russie.
12.07.2025, 07:0912.07.2025, 07:16
Martin Küper / t-online
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Rarement depuis le début de l’invasion russe, la situation de l’Ukraine n’a semblé aussi précaire. Au front, les soldats ukrainiens, en sous-effectif, font face à des vagues incessantes d’attaques. A l’arrière, les villes subissent des frappes aériennes intenses, menées à l’aide de drones kamikazes et de missiles.

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Et voilà que le président russe Vladimir Poutine affiche publiquement son optimisme quant à la situation de ses troupes. Selon un rapport du New York Times, Vladimir Poutine croit en une victoire prochaine et une avancée massive de ses troupes dans les semaines à venir.

Le journal s’appuie sur les témoignages de deux sources proches du Kremlin. Le président russe ne serait pas freiné par la perspective d’éventuelles sanctions américaines supplémentaires. Un projet de loi est déjà sur la table du Sénat, contre lequel même Donald Trump aurait récemment levé ses objections.

L’expert militaire Carlo Masala reste sceptique

Selon l’expert militaire, ces déclarations ont d’abord une fonction politique:

«Poutine veut montrer qu’il croit encore à une victoire militaire imminente. C’est aussi une menace à peine voilée. Si le front ukrainien cède, la Russie poussera vers l’ouest»

Il rappelle cependant que ce genre de discours alarmiste revient régulièrement depuis plus de trois ans dans l’entourage de Poutine.

Pour autant, il ne considère pas ces propos comme de la simple propagande:

«Les lignes ukrainiennes sont effectivement sous pression, notamment dans la région de Soumy, au nord-est. Les premières attaques russes ont été repoussées, mais une nouvelle offensive pourrait percer. Même chose à Lougansk à l’est, ou à Pokrovsk au sud-est, où les Ukrainiens résistent difficilement.»
Carlo Masala.
Image: Sven Hoppe/dpa
A propos de Carlo Masala
Né en 1968, Carlo Masala est professeur de politique internationale à l’université de la Bundeswehr à Munich et dirige l’Institut Metis, spécialisé en stratégie et prospective. Expert reconnu des questions de sécurité, il intervient régulièrement dans le podcast Sicherheitshalber sur les questions de sécurité. En octobre 2023, il a publié l’essai Bedingt abwehrbereit. Deutschlands Schwäche in der Zeitenwende («Une capacité de défense limitée. La faiblesse de l’Allemagne dans une époque charnière»).

Pour autant, cela ne signifie pas que les lignes ukrainiennes sont sur le point de s’effondrer, nuance Carlo Masala:

«Les Ukrainiens ont déjà fait face à une pression considérable par le passé et sont toujours parvenus à maintenir leur dispositif de défense»
Carte des zones contrôlées par les forces russes en Ukraine et zones d'opérations ukrainiennes sur le sol russe, au 27 avril 2025.
Carte des zones contrôlées par les forces russes en Ukraine et zones d'opérations ukrainiennes sur le sol russe, au 27 avril 2025.Image: AFP

Le colonel Markus Reisner reste prudent

Un point de vue partagé par le colonel Markus Reisner, des forces armées autrichiennes, qui n’anticipe pas non plus de percée imminente du côté russe.

Selon le militaire et historien, la défense ukrainienne a été renforcée en continu jusqu’en 2025, malgré les attaques soutenues des troupes russes au nord, au centre et au sud du front.

«Il est manifeste que la Russie cherche à faire céder définitivement les positions ukrainiennes. Mais savoir si elle y parviendra reste incertain.»
«Les prochaines semaines seront décisives. Tant que Kiev parvient à tenir, une percée reste improbable»

Pour autant, Reisner appelle à la prudence face à la stratégie d’assaut russe, qui ne faiblit pas.

Le colonel Markus Reisner.
Le colonel Markus Reisner.Image: Imago
A propos de Markus Reisner
Né en 1978, il est historien militaire et dirige l’Institut de formation des officiers de l’armée autrichienne à l’Académie militaire thérésienne de Wiener Neustadt. Depuis l’invasion russe en février 2022, il analyse régulièrement l’évolution de la guerre sur la chaîne YouTube de l’armée autrichienne.

La Russie prépare-t-elle une grande offensive?

Markus Reisner explique:

«Les attaques russes suivent des phases bien définies. Leurs troupes essaient d’abord d’épuiser les soldats ukrainiens dans leurs positions par des bombes planantes, de l’artillerie et des substances chimiques.»

L’historien autrichien craint que l’armée russe ne soit pas encore allée au bout de ses capacités.

«A cela s’ajoute l’usage constant de drones de reconnaissance et d’attaque. Dans ce domaine, la Russie a désormais pris le dessus, même si les deux camps en font un usage massif.»

Il poursuit:

«L’industrie d’armement russe tourne à plein régime. On voit de plus en plus d’images de chars fraîchement sortis d’usine, qui ne sont pas encore envoyés au front.»
«Cela soulève la question d’une offensive plus vaste en préparation»
«Ces images contrastent fortement avec celles, largement diffusées auparavant, de motos ou de véhicules civils russes, surnommés Buchankas ou Jigoulis, et transformés à la hâte pour le combat.»

Mais du côté ukrainien, on ne reste pas les bras croisés, comme le souligne également l’expert militaire.

La réponse tactique de l'Ukraine

L'expert militaire Reisner livre son analyse de la situation:

«Pour alléger la pression sur leurs positions, les forces ukrainiennes cherchent à détourner les efforts offensifs russes. Selon les experts, cette stratégie s’appuie d’une part sur des contre-attaques et des incursions ponctuelles en territoire russe, et d’autre part sur une tactique d’usure opérée sur leur propre sol. En reculant par étapes, elles forcent les troupes ennemies à s’exposer en avançant vers de nouvelles lignes défensives préparées en amont.»

Les Ukrainiens ont également identifié une priorité stratégique: perturber la logistique militaire russe, un levier jugé crucial pour affaiblir l’efficacité opérationnelle de Moscou sur la durée. Reisner détaille: «Par exemple, en faisant exploser des ponts sur une ligne ferroviaire importante pour l’offensive russe dans la région de Soumy, ou encore en tentant régulièrement de détruire le pont de Kertch.»

«Ces destructions ralentissent la logistique russe et affectent la conduite de ses opérations»

La Russie cible les bureaux de recrutement ukrainiens

Les attaques russes contre les bureaux de recrutement de l'armée pourraient toutefois poser des problèmes supplémentaires aux Ukrainiens. Les Russes ont récemment détruit cinq de ces bureaux dans différentes villes par des attaques de drones. Masala est affirmatif:

«Les Russes veulent faire passer un message: "Nous vous frappons avant même que vous ne soyez enrôlés" cela vise à décourager les gens de s’engager dans l’armée»

Ces attaques russes ont pour toile de fond le manque cruel de personnel de l'armée ukrainienne, qui fait que les positions de défense sont sous-équipées sur de nombreuses sections du front, et donc vulnérables à d'éventuelles percées russes.

Un soldat ukrainien dans une tranchée de la région de Donetsk: «Les attaques russes se font par phases».
Un soldat ukrainien dans une tranchée de la région de Donetsk.Image: Thomas Peter

«Poutine veut provoquer un exode»

Masala perçoit des motivations psychologiques dans l’intensification des attaques russes par drones kamikazes sur les villes ukrainiennes. Dans la nuit de mardi à mercredi, la Russie a envoyé 728 drones en Ukraine, représentant la plus grande offensive de ce type depuis février 2022. Dans la nuit suivante, environ 400 drones supplémentaires auraient été déployés, selon les autorités ukrainiennes.

«Le calcul est clair: il s’agit de pousser la population ukrainienne à fuir. Il n’est pas exclu qu’il y ait effectivement à nouveau des mouvements de fuite importants»
Carlo Masala

Le professeur en politique internationale estime en outre:

«Les Russes visent presque exclusivement des cibles civiles et non militaires. La question est de savoir combien de temps les gens pourront encore supporter cela.»

Même s’il juge peu probable que la Russie déploie bientôt plus de 1000 drones par attaque, comme le suggèrent certains médias, Masala ne l’exclut pas totalement:

«Et nous voyons déjà ce que 500 drones peuvent faire. La défense antiaérienne ukrainienne n’arrive plus à tous les intercepter. Les Russes modifient leurs drones Shahed pour les rendre encore plus difficiles à neutraliser.»

Traduit et adapté de l'allemand par Léon Dietrich

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Un bâtiment en flammes après un bombardement russe, Kiev.
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L'Ukraine attaque une ville russe située à 1300 km de ses frontières
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