Depuis 1999, l'épave du Sierra Madre, un ancien navire de guerre américain qui date de la Seconde guerre mondiale, gît dans les eaux de la mer de Chine méridionale à environ 200 kilomètres de l'île de Palawan aux Philippines. Il est échoué sur un petit récif qui porte le nom d'Ayungin pour les Philippins ou de Second Thomas Shoal pour les autres.
Le bateau est extrêmement rouillé et la coque est percée à divers endroits, ce qui permet à l'eau d'entrer, décrit le New York Times (NYT) qui s'est rendu sur place. Les portes et les tôles au sol rendent les déplacements parfois compliqués, notamment pour les huit soldats philippins qui vivent et travaillent à l'année à bord du Sierra Madre. Leur mission? Protéger le récif de l'expansionnisme chinois. Pékin revendique, en effet, l'archipel des Spratleys auquel Ayungin est rattaché ainsi que le contrôle total de la mer de Chine méridionale, explique le Courrier International.
C'est d'ailleurs pour cette raison que l'épave a été échouée volontairement à cet endroit il y a plus de deux décennies. Elle fait office d'avant-poste et a pour but d'affirmer les prétentions de souveraineté des Philippines face à la Chine.
Les deux pays se disputent donc cet atoll depuis un certain temps déjà. Mais la situation s'est aggravée, début août, après une attaque qui fait craindre une escalade du conflit.
Les faits se sont déroulés le 5 août dernier. Les gardes-côtes chinois ont empêché leurs homologues philippins de rejoindre le Sierra Madre en les visant avec un canon à eau. Ces derniers n'ont donc pas pu apporter le ravitaillement nécessaire à la survie des soldats à bord qui dépendent en grande majorité de l'aide extérieur (ils pêchent uniquement pour compléter leur alimentation). Le blocage de cette mission a été qualifiée de «violation du droit international» par Manille, souligne le magazine Geo.
De son côté, la Chine a désigné cette action de «professionnelle et mesurée» et a accusé les Philippines de vouloir «acheminer illégalement du matériel de construction sur le Sierra Madre».
Deux jours après l'attaque, le ministre des Affaires étrangères philippin a convoqué l'ambassadeur chinois pour lui montrer des photos et des vidéos de l'événement. Le 8 août, Pékin a quant à elle exhorté à nouveau Manille à retirer le navire des eaux de la mer de Chine méridionale – une demande réitérée depuis plus de 20 ans.
Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a répondu qu'il «n'abandonnera jamais» et a officiellement qualifié le Sierra Madre de «station militaire permanente», selon le journal Les Echos.
Il s'agit de la deuxième attaque au canon à eau perpétrée par la Chine. La première a eu lieu en 2021 lorsque Rodrigo Duterte était encore à la tête des Philippines. Contrairement au président actuel, l'ex-chef d'Etat était plus réticent à critiquer Pékin. Mais depuis son entrée en fonction en juin 2022, Ferdinand Marcos Jr. a «adopté une position plus ferme à l'égard de la Chine sur les questions de souveraineté et s'est rapproché des Etats-Unis».
Au printemps dernier, des bases américaines ont par exemple été installées aux Philippines et des manoeuvres militaires conjointes seraient menées. Washington a d'ailleurs qualifié l'attaque chinoise de «dangereuse». Pékin a quant à elle demandé aux Etats-Unis de cesser «d'utiliser la question de la mer de Chine méridionale pour semer la confusion et la discorde».
Les fonds marins sous les îles de Spratly seraient «riches en ressources naturelles», d'après le New York Times. Selon les estimations américaines, ils contiendraient du pétrole, du gaz naturel et «l'une des pêches les plus riches au monde». De plus, près d'un tiers du pétrole brut de la flotte marchande mondiale transite par ces eaux.