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Etats-Unis-Chine: Cassis est dans une zone très convoitée

Cassis est en voyage dans une zone convoitée par la Chine et les Etats-Unis.
Le ministre suisse des Affaires étrangères est en voyage dans une zone convoitée par la Chine et les Etats-Unis.Image: keystone/shutterstock/watson

Pourquoi Cassis marche sur la corde raide entre les Etats-Unis et la Chine

Notre ministre des Affaires étrangères visite quatre pays situés sur la ligne de front du conflit entre les grandes puissances que sont la Chine et les Etats-Unis. La Suisse tente d'y défendre ses propres intérêts. La clé du succès se trouve-t-elle finalement enterrée dans ces petits Etats insulaires au milieu du Pacifique?
02.08.2023, 18:4103.08.2023, 06:12
Christoph Bernet / ch media
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Le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis s'engage sur un terrain instable loin de chez lui.

Lorsqu'il arrivera à Wellington, capitale de la Nouvelle-Zélande, le 8 août, à la fin de son voyage en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique, le conseiller fédéral Cassis se trouvera à l'extrême limite de la plaque continentale australienne. Celle-ci glisse sur la plaque Pacifique juste sous le centre-ville. Les plaques se déplacent l'une par rapport à l'autre d'environ 3,5 centimètres par an. Cela rend la région vulnérable à de graves tremblements de terre.

Mais les tensions dans la région ne sont pas seulement tectoniques, elles sont aussi politiques. L'Asie du Sud-Est et la région du Pacifique constituent la ligne de front de ce conflit qui marquera le 21e siècle comme aucun autre: la rivalité entre les deux grandes puissances que sont la Chine et les Etats-Unis.

Officiellement, selon le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), les deux premières étapes du voyage de Cassis, l'Indonésie et Singapour, portent essentiellement sur des thèmes économiques. Lors des arrêts en Australie et en Nouvelle-Zélande, les «défis globaux et le renforcement des relations bilatérales» seront au premier plan. Les deux pays sont des «partenaires importants dans la région du Pacifique».

Les Etats-Unis et la Chine surveillent le voyage de Cassis

Mais la tectonique des plaques des grandes puissances s'impose à l'agenda, comme le reconnaît le DFAE. La concurrence stratégique entre la Chine et les Etats-Unis sera: «un sujet de discussion lors de toutes les rencontres officielles». On veut savoir comment les quatre pays évaluent la situation et quelles sont leurs stratégies pour y faire face. Cassis exposera également les réflexions de la Suisse.

«D'un point de vue suisse, ni les Etats-Unis ni la Chine ne peuvent être exclus de ce contexte», explique Michael Settelen. Cet économiste, fin connaisseur de la Chine et ancien journaliste, est consultant auprès du China Macro Group, une entreprise de recherche et de conseil spécialisée dans les questions chinoises et basée à Zurich, Munich et Pékin.

Compte tenu des rivalités croissantes, les ambassades des Etats-Unis et de Chine sur place observeraient naturellement les entretiens diplomatiques et feraient rapport à Washington et Pékin si nécessaire:

«Le voyage de Cassis sera également scruté en conséquence»

Cette circonstance tout à fait habituelle dans la diplomatie ne doit pas et n'empêchera pas Berne d'utiliser la marge de manœuvre existante pour ses propres intérêts, notamment en ce qui concerne les questions d'échanges économiques - un point fort de ce voyage.

La Suisse officielle voit également une marge de manœuvre. Le DFAE cite la stratégie du Conseil fédéral pour l'Asie du Sud-Est: face à la prise d'influence croissante de la Chine et des Etats-Unis, l'Asie du Sud-Est souhaite préserver son indépendance et élargir sa marge de manœuvre en matière de politique étrangère:

«De ce fait, l'intérêt d'une collaboration avec des pays comme la Suisse, qui veulent se positionner de manière autonome dans le champ de tension géopolitique, augmente également.»

Selon le DFAE, le voyage de Cassis a également pour but, dans ce contexte, de «consolider et d'approfondir les relations bilatérales».

La Suisse manque de stratégie

Remo Reginold, du think tank de politique étrangère Swiss Institute for Global Affairs (SIGA), compare la réalité politique des Etats d'Asie du Sud-Est à «une danse sur un fil» entre les Etats-Unis et la Chine. Ils tentent ainsi d'équilibrer le plus habilement possible leurs propres intérêts et opportunités.

La Suisse doit elle aussi se positionner dans la région de manière «situationnelle et pragmatique» avec tous les partenaires possibles. Mais la stratégie du Conseil fédéral pour l'Asie du Sud-Est est conçue de manière «extrêmement statique», Remo Reginold regrette:

«Le funambulisme est absent de cette stratégie»

La région indopacifique devient le nouveau point de mire de la politique et de l'économie mondiales. A Berne, on ne voit «probablement pas assez» les conséquences stratégiques et les opportunités qui en découlent.

Îles du Pacifique.
Image: watson

Reginold voit une telle opportunité dans les petits Etats insulaires du Pacifique, que la Chine souhaite influencer depuis longtemps sur le plan géopolitique. Un exemple: l'année dernière, on a appris que les îles Salomon, que l'Australie considère traditionnellement comme sa zone d'influence, avaient conclu un accord de sécurité avec la Chine. Cette mesure a effrayé Washington, Canberra et Wellington. Le président américain Biden s'est empressé de convoquer un sommet avec les chefs de gouvernement des Etats insulaires du Pacifique.

Quel rôle pour la Suisse

Aux yeux de Remo Reginold, la Suisse pourrait ici se positionner stratégiquement comme intermédiaire dans une fonction de pont:

«Un atout de la Suisse qui devrait être intéressant du point de vue géostratégique pour l'Australie, la Nouvelle-Zélande et l'Occident.»

Selon Michael Settelen du China Macro Group, la Chine a habilement profité du fait que l'Australie avait négligé la situation dans les îles Salomon. Il est, toutefois, sceptique quant au fait que la Suisse, avec les ressources dont elle dispose en matière de politique étrangère, puisse et veuille raisonnablement jouer un rôle plus important dans cet Etat insulaire ou dans d'autres.

Le DFAE souligne que la Suisse est consciente de l'importance géopolitique croissante des Etats insulaires du Pacifique. En 2017, elle a donc nommé un envoyé spécial pour la région du Pacifique, basé à l'ambassade de Suisse à Canberra. La Suisse soutient des projets sur place et aide également les Etats insulaires à être représentés dans la Genève internationale et à y faire entendre leur voix.

Esa Sharon-Mona Ainuu, Minister of Natural Resources of Niue addresses delegates in Plenary room Nefertiti during the resumed High-Level Segment during the COP27 UN Climate Change Conference, held by  ...
Esa Sharon-Mona Ainuu, ministre des Ressources naturelles de Niue, pendant la COP27, en Egypte.Image: NurPhoto

Ces «micro-Etats» sont également à l'ordre du jour du voyage du ministre des Affaires étrangères Cassis: ce dernier rencontrera, à Wellington, la ministre des Affaires étrangères de Niue, un Etat insulaire d'à peine 2000 habitants. Niue était le seul territoire autonome du Pacifique avec lequel la Suisse n'avait jusqu'à présent pas établi de relations diplomatiques. Combler cette lacune «renforce le profil de la Suisse dans la région du Pacifique», selon le DFAE. (aargauerzeitung.ch)

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

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