Le sommet de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan) à Vilnius était placé sous le signe de la guerre de Poutine. Et ce fut un succès: la Turquie a finalement renoncé à son opposition à l'adhésion de la Suède. Les 31 membres de l'Otan se sont rangés en bloc derrière l'Ukraine et ont promis de nouveaux programmes d'aide importants.
Les nombreuses références à la Chine dans le communiqué final sont passées presque inaperçues. Pourtant, ce n'était pas un hasard. Le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, constate à ce sujet dans le magazine Foreign affairs:
La promesse de Xi Jinping à son acolyte Vladimir Poutine de soutenir inconditionnellement la Russie influence donc durablement la future stratégie de l'Otan. «Plus les régimes autocratiques se rapprochent, plus les pays qui défendent la liberté et la démocratie doivent également se serrer les coudes», poursuit Stoltenberg.
La guerre en Ukraine et les sanctions imposées par l'Occident ont sans doute renforcé les liens entre la Russie et la Chine. De la même manière, les rangs de l'Otan se resserrent également. Mathieu Droin, du Center for atrategic and international studies (CSIS), explique ainsi au Wall Street journal:
Relever le défi chinois signifie chercher des partenaires en Asie. Car, outre la guerre de Poutine et le réchauffement climatique, la relation précaire entre les Etats-Unis et la Chine représente actuellement le plus grand danger pour la paix et la prospérité dans le monde.
Cette relation est marquée par une profonde méfiance mutuelle. Les Etats-Unis craignent que la Chine n'utilise l'intelligence artificielle à des fins militaires et considèrent comme avéré le fait que Huawei et TikTok soient utilisés pour collecter sans autorisation des données sur les citoyens américains. De son côté, Pékin part de l'idée paranoïaque que les Etats-Unis veulent endiguer la Chine comme ils l'ont fait avec l'URSS pendant la guerre froide.
Cette méfiance profonde fait que le moindre événement peut avoir de grandes conséquences, comme l'affaire, en soi ridicule, d'un ballon-espion chinois au-dessus des Etats-Unis.
Les tensions croissantes ont également des répercussions sur les autres pays. Ils sont poussés, contre leur gré, à prendre position. «La grande majorité des pays indopacifiques et européens ne veulent pas être pris au piège d'un choix impossible pour eux», a déclaré Joseph Borell, représentant de l'Union européenne (UE) pour les affaires étrangères, lors d'une réunion du Forum indopacifique à Bruxelles.
Officiellement, ils n'y sont d'ailleurs pas obligés. Ainsi, en juin dernier, le secrétaire d'Etat américain Anthony Blinken et le secrétaire à la Défense Lloyd Austin ont assuré, lors d'une conférence à Singapour, que Washington n'exigeait en aucun cas «qu'on choisisse entre nous et un autre pays».
Dans Foreign affairs, l'expert américain en sécurité Richard Fontaine remet en question cette idée:
L'escalade a commencé avec Huawei. Cette entreprise informatique est à la pointe de la technologie 5G. Mais les Etats-Unis font tout pour empêcher leurs alliés de collaborer avec l'entreprise chinoise. Donald Trump a par exemple menacé la Pologne de retirer ses troupes si Varsovie s'engageait dans un accord avec Huawei.
Sous la présidence de Biden, ce conflit s'est transformé en une guerre des puces. Les Etats-Unis ont interdit l'exportation de puces électroniques de pointe vers la Chine. Pékin a répondu en bannissant les semi-conducteurs du fabricant américain Micron et en interdisant l'exportation de terres rares vers l'Occident.
Dans d'autres domaines également, le conflit se poursuit. La Chine est en colère parce que les Américains ont installé le système de défense antimissile THAAD en Corée du Sud. Washington n'apprécie pas du tout que la Chine construise un port aux Emirats arabes unis, qui pourrait également être utilisé à des fins militaires.
Bien que Washington et Pékin aient repris le dialogue après l'incident du ballon, le conflit de fond demeure. «Le nombre de dilemmes inévitables va augmenter, car la rivalité américano-chinoise va s'intensifier», explique Fontaine. Dans ces conditions, la neutralité deviendra un mot étranger.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)