Vladimir Poutine s'était, sans doute, fait une tout autre idée de la situation. L'entrée des troupes russes en Ukraine le 24 février avait pour objectif une prise de contrôle rapide du pays. Un fantasme qui ne s'est pas concrétisé. Plus de huit mois après le début de la guerre, Poutine essuye une grande défaite: A Kherson, les drapeaux ukrainiens flottent à nouveau.
Même le principal allié de la Russie, la République populaire de Chine, condamne les menaces nucléaires du Kremlin avant le sommet du G20 de concert avec les Etats-Unis. Le président américain Joe Biden et le président chinois Xi Jinping ont tenu une réunion préalable d'environ trois heures à Bali, au cours de laquelle les deux puissances économiques ont fait un pas l'une vers l'autre.
Un signal clair pour Poutine. La Chine montre les limites des relations russo-chinoises. C'est ainsi que l'interprète l'économiste politique et spécialiste de la Russie Sebastian Hoppe. Ce scientifique effectue des recherches à l'Université libre de Berlin, notamment sur les relations russo-chinoises.
L'expert donne un aperçu de la situation actuelle de la Russie. Il explique pourquoi la Russie ne s'est manifestement pas rendu service avec la guerre en Ukraine.
La dépendance de la Russie vis-à-vis de la Chine s'accroît depuis le début de la guerre en Ukraine. En raison des sanctions internationales, la Chine est devenue le principal partenaire commercial de la Russie. Moscou dépend de plus en plus des produits et des pièces détachées chinois, que le pays ne peut désormais plus se procurer à l'Ouest.
Cette interaction entre les deux Etats ne se déroule, toutefois, pas comme la Russie l'aurait souhaité, explique l'économiste politique Sebastian Hoppe:
Sebastian Hoppe décrit le partenariat Russie-Chine avant la guerre comme «défensif». Les deux parties en auraient tiré des avantages.
Les deux pays auraient utilisé leur partenariat pour se protéger contre l'ingérence de puissances étrangères de l'Occident et de l'Otan. Les intérêts sécuritaires sont un enjeu du partenariat. Pour cela, les deux pays ont accepté des conflits mineurs. Et le spécialiste d'expliquer:
D'un point de vue politique, le fait que Xi Jinping condamne les menaces nucléaires russes n'a pas de conséquences directes sur le partenariat. Mais la Chine envoie ainsi un signal fort. Sebastian Hoppe déclare:
Les Etats-Unis et la République populaire chinoise s'efforcent de réparer leur relation. Une gifle pour Poutine qui, à l'intérieur de son pays, se vante du soutien de la Chine dans sa lutte contre l'Occident.
Une divergence croissante apparaît dans la politique étrangère des deux pays. On le voit également lors du sommet du G20 à Bali. «Xi Jinping est là, contrairement à Vladimir Poutine», fait remarquer Sebastian Hoppe. En effet, Le président chinois continue d'utiliser les forums et les relations internationales. Il en dépend.
C'est la raison pour laquelle la Chine ne se range pas clairement du côté de la Russie. «Depuis le début de la guerre, la Chine a montré une nette orientation vers la Russie, mais le pays a formulé ses positions de manière si floue qu'elles peuvent être interprétées dans les deux sens», explique Sebastian Hoppe.
La République populaire veut protéger sa propre économie. «Ce que la Russie a fait, en entrant en Ukraine, comporte toutes sortes de risques pour la Chine. Le discours changeant en Occident n'est pas non plus dans l'intérêt de la Chine.»
La propagande reste ambivalente à bien des égards. Après tout, la guerre en Ukraine a également apporté des avantages au pays. Par exemple une plus grande marge de manœuvre pour faire baisser les prix des exportations en provenance de Russie, et ainsi s'approvisionner en gaz naturel à bas prix. Mais dans l'ensemble, les inconvénients l'emportent. Surtout en ce qui concerne le marché européen.
La situation en Ukraine pourrait devenir de plus en plus problématique pour la Russie, non seulement au niveau international, mais aussi au niveau national. Le pays doit essuyer plusieurs revers. Le Kremlin ne trouve actuellement aucune solution pour la reconquête de la région de Kherson. Les drapeaux ukrainiens y flottent, bien que la Russie ait déjà intégré ce territoire dans sa propre constitution. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'est rendu dans cette région que Poutine considère comme russe, ce qui laisse un goût particulièrement amer.
La question se pose alors de savoir comment ce message est reçu dans son propre pays. Aux yeux de Sebastian Hoppe:
Selon l'expert, cela est dû en grande partie à la communication au sein du pays:
Comme l'opposition est muselée dans le pays, il est difficile de voir s'exprimer de manière apaisée des opinions opposées à celles du pouvoir.
La guerre a atteint la Russie. La situation en Ukraine est à l'ordre du jour à la télévision d'Etat russe. «Ce qui m'a surpris, c'est que les médias d'Etat ont aussi parlé des échecs. On prend acte des défaites et on s'interroge sur leurs causes», explique Sebastian Hoppe.
L'information parvient à la population. Par exemple par le biais d'Internet ou de soldats qui racontent à leur famille et à leurs amis ce qui se passe concrètement sur le front. Mais il n'y a pas encore de changement décisif dans l'opinion publique sur Poutine.
Au vu de ce qui se passe en Ukraine, la relation de certains membres de l'élite économique et des oligarques russes avec le détenteur du pouvoir au Kremlin et le gouvernement peut se ternir. La guerre est coûteuse. Selon Sebastian Hoppe, de nombreux Russes ont perdu des sommes astronomiques.
Les membres de l'élite n'ont aucun intérêt à ce que la guerre s'éternise. Selon l'expert, ils pourraient - surtout en cas d'accumulation de revers russes en Ukraine - se demander si Poutine peut rester à la tête du pays.
Selon l'expert Sebastian Hoppe, il n'y a aucun signe d'efforts importants de la part de l'élite économique russe pour se débarrasser du leader. Dans les systèmes politiques où le pouvoir est si fortement centralisé, il y a de nombreuses personnes dont la position et le statut sont liés. Les incitations à renverser le gouvernement sont relativement faibles.
Cela peut toutefois changer rapidement. «Les pyramides de domination qui sont si fortement centrées peuvent s'effondrer très rapidement», conclut Sebastian Hoppe.