En janvier 2021, le monde entier a regardé Alexeï Navalny faire le voyage de l'Allemagne jusqu'en Russie. Après un long traitement médical et une convalescence suite à un empoisonnement au Novitchok, le principal opposant de Poutine a décidé de rentrer au pays. Une erreur, pour beaucoup. Et même si l'opinion occidentale louait un acte de bravoure, il était quasiment certain que l'opposant russe risquait de passer le reste de sa vie derrière les barreaux.
Si Alexeï Navalny était resté en Europe, il ne se serait pas distingué des nombreux dissidents russes en exil qui potassent sur leurs chaînes YouTube des moyens de renverser le régime de Poutine. L'avocat de métier a toujours été convaincu de ses principes politiques, qui étaient plus importants pour lui que sa propre santé et que sa propre vie.
Alexeï Navalny n'avait pas que des ambitions politiques. Il a identifié la racine du problème et a montré aux Russes que le régime de Poutine était construit sur la corruption, les mensonges et le sang. Ses recherches sur ce que l'ancien président russe Dmitri Medvedev avait à cacher et sur les biens immobiliers que possédaient les oligarques amis de Vladimir Poutine ont atteint des millions de personnes.
Alexeï Navalny est devenu une figure incontournable dans son pays. Sa renommée lui a permis d'ouvrir par la suite des bureaux dans plusieurs grandes villes. De nombreux jeunes ont développé un grand intérêt pour la politique et l'activisme contestataire. C'est avec la jeune génération, loin du vol et de la corruption, que Navalny a voulu construire la Russie de demain.
Il semble parfois que la société russe ne mérite pas le sacrifice de Navalny, tombé gravement malade suite à son empoisonnement. Après son retour en Russie, les tribunaux lui ont infligé de nouvelles peines de prison.
De sa cellule, l'homme politique a appelé les citoyens à ne pas avoir peur. A ne pas abandonner. Mais après le déclenchement de la guerre en Ukraine, des millions de personnes ont fui la Russie. Il n'y avait presque plus personne pour descendre dans la rue en soutien à Alexeï Navalny. L'occasion rêvée pour Vladimir Poutine d'en finir avec son ennemi juré.
Navalny n'est pas mort, il a été assassiné. Tout comme l'a été le politicien d'opposition, Boris Nemtsov, qui critiquait ouvertement Poutine, prédisait la guerre en Ukraine et l'isolement total de la Russie par rapport aux pays occidentaux, assassiné dans le centre de Moscou. Mais alors qu'en février 2015, l'assassinat d'un politicien de l'opposition était un événement monstrueux, le meurtre est aujourd'hui une affaire de routine pour le Kremlin.
Alexeï Navalny a été assassiné un mois précisément avant le début des élections présidentielles russes. Ce qui laisse à penser que le nouveau mandat présidentiel de Poutine sera accompagné d'une répression massive.
Depuis la semaine passée, toute personne qui discrédite l'armée doit s'attendre à la confiscation de ses biens, en vertu d'une nouvelle loi que Vladimir Poutine vient de promulguer. Le chef du gouvernement serait même en passe de légaliser les condamnations à mort. Dans la Russie de Poutine, il n'existe plus d'instruments capables de protéger non seulement les droits de l'homme, mais aussi la vie. A tout moment, on peut être envoyé au front ou en prison, empoisonné ou abattu.
C'est pourquoi Ilia Iachine, Vladimir Kara-Mourza et d'autres politiciens d'opposition condamnés à de longues peines de prison par les tribunaux russes sont désormais en grand danger.
Alexeï Navalny était un symbole d'espoir et un héros national. Avec lui s'est éteint le rêve d'une Russie meilleure.