Suisse
Population

La Suisse connaît une «pénurie d'enfants» et c'est un problème

Il y a une pénurie d'enfants en Suisse.
Il y a une «pénurie d'enfants» en Suisse.Image: KEYSTONE

La Suisse connaît une «pénurie d'enfants» et c'est un sérieux problème

La natalité chute presque partout dans le monde, de manière plus généralisée et rapide que prévu. La Suisse n'échappe pas à ce phénomène et, malgré l'immigration, risque bientôt de voir sa population décliner. Ce n'est pas une bonne nouvelle.
14.05.2024, 05:4614.05.2024, 08:14
Plus de «Suisse»

«Le monde se trouve à un tournant démographique surprenant», s'alarme ce lundi le Wall Street Journal. En cause: le nombre de naissances est en chute libre. Et ce, «presque partout». Un «effondrement» beaucoup plus rapide et généralisé que prévu, qui risque d'avoir de profondes répercussions au niveau économique, social et géopolitique, prévient le quotidien américain.

La preuve en est que le taux de fécondité mondial, indice représentant le nombre moyen d'enfants par femme, sera bientôt trop faible pour permettre à la population de se renouveler de manière naturelle. Pour ce faire, le taux ne doit pas descendre au-dessous de 2,2 (2,1 dans les pays développés).

En 2017, le taux de fécondité mondial se montait à 2,5 enfants par femme. A l'époque, les Nations unies estimaient qu'il allait atteindre 2,4 à la fin des années 2020. Pourtant, en 2021 déjà, il n'était que de 2,3. Selon des estimations formulées par le Wall Street Journal, il pourrait désormais être inférieur à 2,2.

«Pénurie d'enfants» en Suisse

C'est notamment le cas en Suisse, où le taux de fécondité est passé au-dessous de ce seuil à la fin des années 1960, et se situe actuellement à 1,3 enfant par femme. «Dans notre pays, les couples ont de moins en moins d'enfants», confirme Philippe Wanner, démographe à l'Université de Genève. «C'est une situation de pénurie».

Le spécialiste rappelle pourtant que le taux de 2,1 est «une limite théorique», car elle ne tient pas compte de la migration.

«La plupart des pays affichant un taux de fécondité inférieur à 2,1, Suisse comprise, bénéficient d'un apport migratoire»
Philippe Wanner, Université de Genève

La migration permet donc de combler le déclin des naissances. Cette situation ne va toutefois pas durer éternellement, prédit le démographe. «La Suisse arrive actuellement à attirer beaucoup d'étrangers parce qu'elle privilégie une migration de proximité et offre des salaires élevés, mais ce flux migratoire risque de se tarir», explique-t-il. La cause en est que nos voisins «se trouvent dans une situation démographique plus avancée que la nôtre», poursuit Philippe Wanner. «Leur population a déjà commencé à décliner, leur solde naturel est négatif, ce qui fait que le nombre d'emplois disponibles augmente».

«L'avantage salarial de la Suisse risque donc de ne plus suffire pour attirer de nouveaux jeunes»
Philippe Wanner, Université de Genève

«La situation est sérieuse»

Le danger de déclin démographique en Suisse est donc réel, estime Philippe Wanner. «Pour l'instant, la population helvétique continue d'augmenter. Ce sera encore le cas à court terme, mais les choses devraient changer à partir de 2035-2040», développe-t-il.

«Si rien n'est fait, la population pourrait alors commencer à diminuer de manière de plus en plus marquée. La situation est sérieuse et doit être suivie avec attention»
Philippe Wanner, Université de Genève

Les conséquences d'un tel scénario ne sont pas à sous-estimer. «Le déclin démographique se traduit d'abord par une pénurie de main-d'œuvre», explique Philippe Wanner. «Comme la population diminue, moins de jeunes intègrent le marché du travail. A un moment donné, ces derniers n'arriveront plus à remplacer les travailleurs âgés qui partent à la retraite». Et le démographe de rappeler que les retraités «vont continuer de vivre et de consommer pendant de nombreuses années encore».

Résultat: «Une paupérisation de la population. La hausse du nombre de retraités fait augmenter les charges sociales, ainsi que les cotisations chez les actifs». De plus, «cette situation entraîne également une baisse de la croissance, les travailleurs n'arrivant plus à produire suffisamment».

Une question privée

Dans de nombreux pays, les autorités considèrent qu'il s'agit d'une question d'urgence nationale. Dernier exemple en date, le plan de «réarmement démographique» annoncé fin janvier par Emmanuel Macron pour lutter contre la baisse de la natalité en France.

Plusieurs gouvernements ont mis en place des programmes similaires. Jusqu'à présent, ils n'ont pas réussi à faire bouger les choses, rappelle le Wall Street Journal. «Ces expériences montrent qu'il est très difficile de faire évoluer la fécondité, et que les politiques natalistes très généreuses ne marchent pas», confirme Philippe Wanner.

«En Europe de l'Est, par exemple, les autorités ont promis des allocutions très importantes aux couples décidant d'avoir des enfants, mais cela n'a pas donné suite à une hausse démographique»
Philippe Wanner, Université de Genève

Rien de tel n'a été tenté en Suisse. Et pour cause. «Chez nous, on considère que la famille est une question privée, et que l'Etat ne doit pas s'immiscer avec les comportements reproductifs de la population», explique le démographe. «Pour cette raison, les autorités helvétiques ne mènent pas une politique de fécondité ayant comme objectif clair de faire augmenter le nombre d'enfants».

Si offrir de l'argent ne suffit pas, Philippe Wanner estime que créer un environnement favorable aux familles pourrait être plus efficace. Y compris en Suisse: «L'Etat et les entreprises pourraient intervenir à ce niveau: faciliter la conciliation entre activités professionnelles et familiales, proposer une politique fiscale avantageuse, offrir des réductions sur le prix des transports publics, étoffer l'accès aux crèches», énumère-t-il. Autant d'écueils qui contribuent à expliquer la baisse de la natalité, selon le démographe.

«Des sondages montrent que certains couples souhaiteraient avoir davantage d'enfants, mais cette volonté se heurte à de nombreuses difficultés pratiques»
Philippe Wanner, Université de Genève

Pour résumer, Philippe Wanner invite à «remettre l'enfant à la place qu'il mérite au sein de la société». Il y a urgence: «Quand la natalité est en baisse, il est difficile de rétablir une situation d'équilibre», conclut-il.

Des jets de combats suisse atterrissent sur l'autoroute
1 / 8
Des jets de combats suisse atterrissent sur l'autoroute
Du 4 - 6 juin 2024, les Forces aériennes suisses testeront leur dispositif de défense sur l’autoroute A1 dans le canton de Vaud. L’objectif de l’armée est de tester sa capacité à décentraliser ses moyens de défense aérienne. Du coup, on a ressorti les images d'archives...
source: keystone / str
partager sur Facebookpartager sur X
Ceci pourrait également vous intéresser:
13 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
13
Comment la police a piégé un postier qui avait volé 45 200 francs
Dans une poste en Suisse, de l'argent disparaît des lettres et un facteur mène comme par magie un style de vie extravagant. Deux pièges habilement placés par la police démasquent le suspect. Digne d'un polar, on vous le raconte en cinq actes.

Prenez votre bol de popcorn, cette histoire est rocambolesque. Une somme de 45 200 francs a été dérobée dans les bureaux de poste de Meilen (ZH). Les autorités ont tendu un piège pour coincer le scélérat. On vous la raconte en cinq actes.

L’article