Entre deux chaos, choisir le moindre. Personne n’aimerait être à la place d’Emmanuel Macron et de son gouvernement. Après trois nuits d’émeutes allant crescendo dans la violence, le président français doit gérer l’ingérable. La situation n’est clairement pas sous contrôle. La mort de Nahel, tué par un policier mardi à Nanterre, a allumé un brasier qui s’est très vite étendu à toute la France. A Montargis, petite ville du Loiret, le bilan des pillages et saccages est «effroyable», constate La République du Centre après la nuit de jeudi à vendredi.
Comment éteindre l’incendie? Deux options possibles: laisser le feu se consumer en essayant d’en limiter la portée, c’est le «chaos 1»; l’étouffer sans plus attendre en prenant des dispositions répressives renforcées, c’est le «chaos 2». Pourquoi parler de chaos pour chacune de ces options?
Attendre que les violences s’épuisent d’elles-mêmes, c’est en quelque sorte abandonner la rue aux incendiaires, aux pillards, aux agresseurs. Pour l’Etat, ce serait un terrible aveu de faiblesse, qui pourrait pousser des citoyens à se défendre eux-mêmes avec les moyens du bord et qui pourrait dans le même temps provoquer une crise politique majeure.
Cette option a cependant, si l’on peut dire, un avantage pour les pouvoirs publics, elle réduit le risque de «surincidents», soit, après la mort de Nahel, des morts ou des blessés graves parmi les émeutiers en raison d'une répression accrue, avec pour conséquence possible des violences urbaines plus considérables encore et des accusations redoublées de racisme. Le cauchemar du gouvernement.
L’autre option, c’est donc celle de la montée en puissance de la répression. Elle suppose d’aller plus durement au contact des émeutiers, beaucoup d’entre eux étant cependant mineurs. Le risque, ici, est bien celui du surincident. C’est sans doute pourquoi le gouvernement hésite à décréter l’état d’urgence, qui lui permettrait d’interdire toute sortie à compter d’une certaine heure le soir.
Les seules personnes bravant l’interdit étant supposées émeutières. Mais si ces personnes sont des milliers, comment l’Etat se débrouillera-t-il pour les empêcher de nuire? En les réprimant durement, quitte à risquer l’incident fatal? En les laissant opérer, ce qui ôterait toute substance dissuasive à la notion même d’état d’urgence?
On le voit, il n’y a pas d’option idéale. Le gouvernement semble avoir choisi pour l'heure une voie médiane, en annonçant des dispositifs sécuritaires renforcés et en mettant à l’arrêt tous les transports publics dès 21 heures. Les forces de l’ordre seules auront du mal à rétablir la paix civile dans les circonstances présentes.
Les citoyens peuvent aider à limiter la casse en tentant de raisonner au moins une partie des émeutiers. Mais est-ce possible face à un mouvement à la fois compact et disparate, qui ne semble obéir qu’à la logique anarchique du «tout, tout de suite» amplifiée par les réseaux sociaux?