«Maman, je t’aime!»
«Je t’aime, fais attention à toi.»
Nahel embrasse sa mère. Nous sommes mardi matin. Mère et fils sortent ensemble de leur appartement du quartier populaire Pablo-Picasso, à Nanterre, où ils ont emménagé après avoir longtemps vécu dans celui du Vieux-Pont. Un coin où il est «très aimé», affirme sa grand-mère et plusieurs habitants, qui connaissent bien l'adolescent de 17 ans.
Depuis toujours, Nahel et Mounia ne sont que tous les deux. Il n'a jamais connu son père. L'adolescent n'a ni frère ni sœur. Alors, il entretient une relation très fusionnelle avec sa maman.
Pour donner un coup de main à Mounia, chauffeuse-livreuse dans les Yvelines, Nahel s'est dégoté un petit boulot. Il file des coups de main pour livrer des pizzas ou des kebabs. Les journées ne sont pas toujours rentables, juste de quoi se faire un peu d'argent de poche et contribuer au loyer.
Il est bien inscrit depuis deux ans au lycée Louis-Blériot, à Suresnes, où il suit un CAP en électricité. Enfin, «suivait». Nahel est resté six mois. Avant de sécher quasi tous les cours.
C'est toutefois un jeune homme «positif», affirme un autre gamin du quartier au quotidien Le Parisien. Il ne désespère pas «de se reprendre en main», grâce au rugby qu'il pratique assidûment depuis trois ans, au sein des Pirates de Nanterre, un club associatif engagé pour les jeunes des quartiers.
Nahel a toujours eu «une attitude exemplaire», affirme Jeff Puech au Parisien. «Loin des commentaires à vomir qu’on peut voir sur les réseaux sociaux.» En tout cas, ce n'est «pas un gamin qui vivait du deal ou se complaisait dans la petite délinquance.»
Ce qui n'a pas empêché le jeune homme d'avoir déjà été confronté à ses responsabilités. Selon les informations de BFMTV, des faits le concernant sont inscrits au fichier TAJ, le «traitement d'antécédents judiciaires». Il est connu des services de police pour «refus d’obtempérer» et« conduite sans permis». Mais son casier judiciaire est vierge, assure l’une des avocates de la famille, Me Jennifer Cambla.
Ainsi, en 2022, Nahel a été présenté à un juge des enfants qui s'était prononcé sur une «mesure éducative». Et, pas plus tard que le week-end dernier, il a été placé en garde à vue pour un refus d'obtempérer, qui lui a valu une seconde convocation devant le tribunal pour mineurs, qu'il aurait dû honorer en septembre.
Nahel en a vu d'autres. Après tout, c'est un gamin qui avait «tout le temps de grandir», comme le confie une autre adolescente du quartier de 15 ans, au Parisien. C'est peut-être ce qu'il se dit, ce mardi matin, alors qu'il prend le volant d’une Mercedes AMG jaune canari immatriculée en Pologne, en compagnie de deux autres passagers.
Il est 7h55 quand deux policiers le prennent en chasse. Le véhicule poursuit sa route à toute allure, commettant au passage plusieurs infractions au Code de la route.
Quand Nahel finit enfin par immobiliser le véhicule, les agents se placent au niveau de la fenêtre du conducteur. Mis en joue par l'un des deux policiers, il redémarre sans autorisation. Le policier tire à bout portant. Nahel s'encastre dans un poteau un peu plus loin, place Nelson Mandela. Il est 8h19. Une heure plus tard, il est déclaré mort. Tué par un «tir unique» qui a «traversé le bras gauche et le thorax de gauche à droite».
«Une heure après, on me dit quoi? Qu’on a tiré sur mon fils», s'effondre sa maman, sur les réseaux sociaux, dans la soirée de mardi.
«J'ai perdu un enfant de 17 ans, j'étais toute seule avec lui, ils m'ont enlevé un bébé. C'était encore un enfant, il avait besoin de sa mère.» D’après la grand-maman de Nahel, qui brosse le portrait d'un «gentil et bon garçon» au journaliste Clément Lanot, Nahel rêvait de devenir mécanicien.
48 heures après sa mort, une marche blanche a été organisée, devant la préfecture des Hauts-de-Seine, à proximité du lieu du tir.
Pendant ce temps, la France s'embrase. Plusieurs vagues de violence ont déferlé dans les banlieues à travers le pays. Le gouvernement a appelé au calme et à déterminer «la vérité» au plus vite. Il s'agit désormais pour les enquêteurs de faire toute la lumière sur les circonstances ayant conduit au décès d'un garçon, qui n'avait que 17 ans. (mbr)