Dans mon monde ancien, on disait «se déhancher sur la piste». Va pour «twerker». Deux jeunes gays, des «influenceurs», tout un programme, sont dans la tourmente. Le 16 février, sur TikTok et Instagram, ils ont posté une vidéo qui les montrait se dandiner lascivement dans une église parisienne. Le tout, ventre à l’air et sur un morceau de rap intitulé «Mecs de cité».
Double outrage: à la cité, censément peu portée sur le genre «folle» ici assumé, et à l’Eglise, où l’homosexualité a longtemps eu le traitement qu’elle avait dans l’armée américaine: don’t ask, don’t tell, tu ne demandes pas, tu n’en parles pas (d'ailleurs, dans le cas présent, l'Eglise n'envisage de poursuites que pour des images tournées sans autorisation).
L’un des deux jeunes hommes (l’autre a présenté ses excuses et retiré la séquence où il mimait une fellation dans la même église) fait aujourd’hui l’objet de nombreuses menaces et désirs de vengeance. En cause, comme avec Mila, la jeune femme qui avait insulté Allah après qu'on l'eut cherchée sur ce terrain-là: le blasphème, le manque de respect pour la chose divine, en l'espèce, un lieu dédié au recueillement, à la prière et à la messe
C’est fou, comme des individus qui veulent voir saigner les deux «folles», se montrent incapables de faire la part des choses. C’est en effet une chose de se comporter de façon obscène dans une église vide (le cas dans cette vidéo, assure le jeune homme spécialement pris à partie), c’en est une autre de le faire en présence de fidèles. C’est une chose de «twerker» et de mimer une fellation, c’en est une autre de souiller l’autel d’une église, de taguer ou de casser des pierres tombales.
Qu’on ne s’y trompe pas: ce qui vaut des menaces de mort et des intimidations jusqu’au domicile des parents du plus téméraire des deux jeunes tiktokeurs, c’est le blasphème. Le fait d’avoir bravé un interdit fondé sur une croyance.
Comment en est-on arrivé (on le devine) à ce que des jeunes gens et jeunes filles, ce jury populaire jouissant de la peine capitale qu'il inflige par réseaux interposés, ne parviennent pas à mettre à distance de leurs affects une mise en scène, certes provocatrice, mais nullement destructrice?
On n'a pas l'honneur de connaître ces tiktokeurs, mais leur provoc, qui n'a rien de très glorieux, tient paradoxalement du courage au regard de la flambée de haine qu'ils récoltent, qui plus est – c’est là une partie du drame – au nom du sacré. On peut donc toujours vouloir tuer pour venger Dieu. Que cela, et ce n'est pas tout à fait une autre histoire, serve de leçon aux néo-bigots de groupes LGBT: au regard de plus bigots qu'eux, ils incarneront toujours le péché mortel.