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Les démocraties occidentales ne sont pas (encore) perdues

In this photo provided by the Greek Prime Minister's Office, Greece's Prime Minister Kyriakos Mitsotakis, left, shakes hands with Turkey's President Recep Tayyip Erdogan prior to their  ...
Poignée de main entre le premier ministre Kyriákos Mitsotákis et le président Recep Tayyip Erdogan: même entre les «ennemis de toujours», la Grèce et la Turquie, un rapprochement a eu lieu au somment de l'Otan, à Vilnius.Image: keystone
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Les démocraties occidentales ne sont pas (encore) perdues

Ces dernières années, la démocratie libérale a reculé tandis que les régimes autocratiques ont pris de l'ampleur. Aujourd'hui, certains signes indiquent que la situation pourrait s'inverser.
17.07.2023, 18:4317.07.2023, 18:43
Peter Blunschi
Peter Blunschi
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Le sommet de l'OTAN à Vilnius a-t-il été un succès ou non? Les avis divergent. Alors que certains vantent l'unité des 31 Etats membres et le feu vert donné par la Turquie à l'adhésion de la Suède, d'autres déplorent que l'Ukraine n'ait pas reçu la promesse claire d'être admise dès que possible.

Zelensky a exprimé sa colère de manière peu diplomatique avant même le début du sommet. Au final, il était pourtant plutôt satisfait, car à part une feuille de route ou un calendrier clair, il a obtenu ce qu'il espérait. Et une adhésion en pleine guerre avec la Russie est impensable pour la plupart des pays de l'OTAN en raison du devoir d'assistance et des conséquences que cela aurait.

President Joe Biden, left, and Ukraine's President Volodymyr Zelenskyy, talk on stage during an event with G-7 leaders on the sidelines of the NATO summit in Vilnius, Lithuania, Wednesday, July 1 ...
Joe Biden et Volodymyr Zelensky: l'Ukrainien n'a pas tout reçu, mais il a reçu beaucoup.Image: keystone

Il faut en tout cas beaucoup d'imagination pour arriver à la conclusion, comme Blick, que Vladimir Poutine est «le vainqueur de Vilnius». Car l'Ukraine n'a pas besoin «d'une profession de foi sur papier de l'OTAN», comme l'a écrit la NZZ, mais d'une aide militaire très concrète. Et sur ce point, elle a obtenu en Lituanie, comme elle le souhaitait, de nouvelles promesses.

Impressionnante cohésion

Il est indéniable que l'Occident a été trop hésitant en matière de livraison d'armes. Les tabous ont fini par tomber les uns après les autres face à la force des faits, que ce soit pour les chars de combat, les missiles à moyenne portée et les armes à sous-munitions, par ailleurs controversées. Sans le soutien massif de l'Occident, l'Ukraine aurait probablement déjà perdu la guerre.

S'il peut toujours y avoir des frictions, il n'en reste pas moins impressionnant de voir à quel point les Etats européens et nord-américains continuent d'apparaître unis, bientôt un an et demi après le début de l'agression russe. C'est un signe important à une époque où les démocraties occidentales sont sous pression et ont tendance à reculer dans le jeu d'influence planétaire.

Des autocrates en difficulté

Les régimes autocratiques ont pu donné l'impression de s'imposer. Notamment la Chine, admirée en Occident pour sa prétendue recette du succès, qui consiste à offrir aux gens la prospérité sans les corollaires gênants que sont la démocratie et les droits de l'homme. Il s'avère pourtant que l'Occident «décadent» est plus robuste que beaucoup ne le pensent.

Chez les autocraties, en revanche, le vernis s'écaille. La Russie s'est fourvoyée en Ukraine. Le «putsch d'opérette» des mercenaires de Wagner remet en question la stabilité supposée du régime mafieux de Poutine. La Chine a failli dans sa gestion, d'un bout à l'autre, du Covid-19, et le boom économique attendu n'a pas encore eu lieu.

Le revirement d'Erdogan

L'Iran a du mal à contenir la colère de sa jeune population et fait preuve de la plus grande brutalité. L'Arabie saoudite tente de faire le grand écart avec des ouvertures économiques et de timides libéralisations, tout en renforçant la répression contre les opposants. Le mécontentement grandit également dans d'autres dictatures, comme à Cuba.

Ces évolutions n'ont pas échappé à un dirigeant «semi-autoritaire» comme Recep Tayyip Erdogan. Ces derniers temps, il a montré une proximité agaçante avec Vladimir Poutine. Il vient de faire un virage radical en donnant son accord à l'adhésion de la Suède à l'OTAN. Il espère manifestement plus bénéfices de l'Occident, notamment pour l'économie turque en crise.

Poutine ressent la pression

Poutine, quant à lui, a créé la surprise jeudi lors d'une interview à la télévision publique russe en déclarant que l'Ukraine avait en principe le droit de préserver sa sécurité. C'est en contradiction avec ses discours haineux d'avant le début de la guerre, lorsqu'il avait dénoncé le pays voisin comme une construction illégitime due à Lénine.

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Les choses bougent en Russie au sein des forces armées.Image: keystone

Poutine s'oppose avec véhémence à une adhésion de l'Ukraine à l'OTAN, mais le conquérant en herbe semble sentir la pression, car cela gronde au sein de l'armée russe. En témoignent l'éviction d'un commandant qui avait vivement critiqué la direction de Moscou et la mise au placard présumée du général Sergueï Sourovikine, très apprécié des francs-tireurs.

La Chine cherche à se rapprocher des États-Unis

De son côté, la Chine semble s'efforcer de se rapprocher des Etats-Unis après des mois de tensions et d'attaques réciproques. La secrétaire au Trésor Janet Yellen a passé plusieurs jours à Pékin et le ministre des Affaires étrangères Antony Blinken a rencontré jeudi à Jakarta, pour la deuxième fois en un mois, le chef de la politique étrangère chinoise Wang Yi.

Pékin semble se rendre compte que sa politique étrangère agressive (ou diplomatie du loup-garou) fait plus de mal que de bien au pays. La Chine a ainsi littéralement poussé ses voisins dans les bras des Etats-Unis, sans que Washington n'ait eu à faire grand-chose pour cela. Les Chinois mènent également une offensive de charme vis-à-vis de l'Europe.

La plus grande menace vient de l'intérieur

Les démocraties occidentales ne sont pas définitivement sorties d'affaire. La plus grande menace pour elles ne vient actuellement pas de l'extérieur, mais de l'intérieur. En Allemagne, les désaccords permanents qui minent la gouvernement de coalition SPD-Verts-libéraux donnent des ailes à l'AfD. La France, l'autre moteur de l'Union européenne, est dans un état d'agitation permanent.

Des pays comme la Pologne, la Hongrie et maintenant Israël tentent de démanteler l'indépendance de la justice, un pilier de la démocratie libérale basée sur la séparation des pouvoirs. Aux États-Unis, le trumpisme reste une menace persistante. De plus en plus de républicains font preuve d'une hostilité ouverte envers les acquis du siècle des Lumières.

La Suisse désorientée

Des défis tels que le changement climatique et l'intelligence artificielle font que le combat entres les idéologies n'est pas tranché. Cela devrait aussi préoccuper la Suisse, qui donne l'impression d'être plutôt désorientée dans sa quête consistant à trouver sa place dans le monde.

Traduit et adapté par Noëline Flippe

La catastrophe du barrage Kakhovka en images
Video: watson
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