Plus de six mois se sont écoulés depuis que les rebelles yéménites Houthi ont lancé leur première attaque contre un cargo en mer Rouge. Depuis, ils ont ciblé des dizaines de navires et le danger n'est pas près de s'arrêter. Et ils menacent désormais de s'en prendre aux navires marchands en Méditerranée.
La compagnie maritime danoise Maersk estime que la crise en mer Rouge va durer au moins jusqu'à la fin de l'année. Il faudra donc faire avec. La Suisse est aussi impactée. Et cela ne concerne pas que les compagnies maritimes ou les entreprises de logistique, mais aussi des entreprises industrielles.
C'est par exemple le cas du fabricant de poêles et d'ustensiles de cuisine Kuhn Rikon. Près de la moitié de ses articles, des composants et des produits semi-finis comme des poignées, sont transportés d'Asie vers l'Europe. La route classique pour l'acheminement de ce genre de matériel passe par le détroit de Djibouti, la Mer rouge et le canal de Suez.
«Toute entrave au transport dans cette région nous cause des problèmes», explique le chef de Kuhn-Rikon, Tobias Gerfin. De nombreuses compagnies maritimes évitent désormais la mer Rouge. Ils préfèrent faire à leurs cargos un immense détour par le continent africain et privilégient la sécurité. Pratiquement, cela signifie pour Kuhn Rikon que ses poêles doivent voyager une à deux semaines de plus.
Et cela se répercute principalement sur les coûts de transport. Selon Tobias Gerfin, ceux-ci sont environ 50% plus élevés qu'avant le début de la crise en mer Rouge. Les poêles Kuhn-Rikon vont-elles coûter plus cher? «Pour l'instant, nous arrivons à absorber l'augmentation des coûts», explique Thomas Gerfin.
Selon le patron de Kuhn-Rikon, la situation est toutefois moins dramatique que durant la pandémie de Covid-19. A l'époque, les coûts de transport ont doublé, voire triplé. Les capacités sont également bien meilleures que durant ces années, où les possibilités de transport étaient trop limitées. Ce n'est désormais plus un problème:
Selon Tobias Gerfin, les problèmes en mer Rouge ne sont toutefois pas le seul obstacle dans la chaîne d'approvisionnement. S'y ajoutent par exemple les faibles niveaux d'eau dans le Rhin ou, comme l'année dernière, dans le canal de Panama.
Ne serait-il pas plus logique de rapatrier la production en Europe?
Mais à bien des égards, cette idée «n'est pas applicable dans la réalité», selon lui. La pénurie de main-d'œuvre qui touche l'Europe est l'une des raisons principales. De plus, les produits chinois ne sont pas seulement bon marché, mais leur qualité et le service des entreprises sont très bons.
Produire et vendre sur sol européen s'avère une recette efficace pour d'autres entrepreneurs. C'est ce que fait par exemple l'entreprise de transformation des métaux Fischer Reinach, basé en Argovie. Interrogé à ce sujet, le président du conseil d'administration Peter Fischer explique: «Au début, nous aussi, nous avons eu des remous. Mais heureusement, la crise ne nous a pas beaucoup touchés jusqu'à présent».
L'activité est certes fortement dépendante des exportations, à hauteur de 95%. Mais la majeure partie est destinée à l'Union européenne (UE) et n'est donc pas soumise aux aléas du commerce maritime. De même, Fischer Reinach achète principalement l'acier dans des usines situées en Italie, en France et en Allemagne. L'entreprise emploie environ 380 personnes en Suisse et en Allemagne. Cela permet d'éviter des problèmes d'approvisionnement en cas de turbulence géopolitiques.
Mais cela ne fonctionne pas pour toutes les entreprises. Comme l'écrit l'association faîtière industrielle Swissmem, un approvisionnement local peut être avantageux «dans certains cas». Mais ce n'est pas un phénomène généralisé dans l'industrie technologique suisse:
Concernant la crise en mer Rouge, l'association affirme que les délais de livraison se sont rééquilibrés. Toutefois, les coûts de transport plus élevés subsistent et «ne peuvent pas toujours être répercutés sur les prix». Plus la situation se prolonge, plus la charge financière augmente pour certaines entreprises.
Le report de nombreuses marchandises via le cap de Bonne-Espérance entraîne un cortège de conséquences. On le voit par exemple dans les ports européens méditerranéens espagnols ou marocains. Ceux-ci mettent en garde contre l'engorgement et les aires de stockage surchargées.
En effet, les navires qui ont contourné l'Afrique du Sud arrivent désormais sur la rive occidentale de la Méditerranée. Ils déposent leurs conteneurs à Algésiras, en Espagne, ou à Tanger, au Maroc. De là, les marchandises sont acheminées vers d'autres terminaux du sud de l'Europe.
Selon le Financial times, les temps d'attente sont toutefois plus longs au sein de ports plus importants, un signe que ceux-ci sont de plus en plus surchargés. Un représentant du terminal à conteneurs de Tanger a déclaré que l'entrepôt a été presque entièrement occupé, une situation inédite.
Globalement, la crise entraîne une baisse des capacités de fret, selon la compagnie maritime Maersk. Pour le deuxième trimestre, l'armateur s'attend à une perte de capacité de fret de 15 à 20% entre l'Asie et l'Europe, dans l'ensemble du secteur.
Traduit et adapté par Tanja Maeder