Le ministère de la Justice sud-coréen a imposé lundi une interdiction de quitter le territoire au président Yoon Suk Yeol. Il se trouve sous le coup d'une enquête pour «rébellion» après sa proclamation éphémère de la loi martiale il y a six jours et est poussé vers la sortie par les siens.
Yoon a-t-il été frappé par une interdiction de quitter le pays ? «Oui, c'est exact», a répondu Bae Sang-up, un responsable des services d'immigration au ministère de la Justice, questionné lors d'une audience parlementaire.
L'impopulaire dirigeant de 63 ans est le premier président sud-coréen en exercice à se voir infliger cette sanction.
La Corée du Sud est plongée dans le chaos politique depuis qu'il a proclamé par surprise la loi martiale, tard mardi, avant d'être obligé de l'abroger après six heures à peine, sous la pression du Parlement et de la rue.
L'ex-ministre de la Défense Kim Yong-hyun, en poste au moment de ce coup de force et arrêté dimanche matin, avait déjà été frappé d'une interdiction de quitter le territoire. Le ministre de l'Intérieur Lee Sang-min, également dans ses fonctions lors de l'éphémère loi martiale, a lui démissionné.
MM. Kim, Lee et Yoon sont tous trois sous le coup d'une enquête pour «rébellion».
Yoon Suk Yeol a cependant survécu samedi soir à une motion de destitution soumise au vote du Parlement, dominé par l'opposition, son Parti du pouvoir au peuple (PPP) ayant boycotté le scrutin, invalidé faute de quorum.
Le PPP a ensuite expliqué avoir «obtenu» de M. Yoon, en échange de ce blocage, sa «promesse» qu'il se retirerait et qu'il laissait la gouvernance à sa formation ainsi qu'au Premier ministre. L'opposition a fustigé lundi des «manoeuvres illégales et anticonstitutionnelles» pour garder le pouvoir.
Park Chan-dae, chef du Parti démocrate et principale force de l'opposition au Parlement, a déclaré:
La Constitution sud-coréenne indique que le président reste le chef du gouvernement et des armées sauf s'il est dans l'incapacité d'assumer ses fonctions (s'il tombe dans le coma par exemple), démissionne ou est destitué. Dans ces cas-là, le Premier ministre prend le relais jusqu'à la tenue d'une nouvelle élection.
Affirmer que Yoon Suk Yeol peut demeurer à son poste, tout en abandonnant ses pouvoirs au Premier ministre et au PPP, est «une violation flagrante de la Constitution, sans aucune base légale», a cinglé Park Chan-dae.
La situation s'apparente à un «coup d'Etat silencieux», a estimé auprès de l'AFP Kim Hae-won, professeur de droit constitutionnel à la faculté nationale de droit de Busan.
Les autorités ont par ailleurs convoqué lundi pour interrogatoire le commandant de l'éphémère loi martiale, également frappé d'une interdiction de quitter le pays, tout comme le chef du contre-espionnage. Le président Yoon lui-même pourrait être convoqué, a indiqué la police.
Cette dernière mènera ses recherches «en conformité avec la loi et les règles, sans aucune exception», a assuré Woo Jong-soo, chef des enquêtes de la police nationale.
Malgré ses déboires, le ministère de la Défense a néanmoins affirmé lundi que Yoon Suk Yeol restait à la tête de l'appareil sécuritaire du pays, soulignant la complexité de la situation politique.
«Légalement, (le contrôle des forces armées) est actuellement entre les mains du commandant en chef (Yoon)», a dit Jeon Ha-kyou, porte-parole du ministère.