Un «geek de l'informatique» de 32 ans a été arrêté en Australie, grâce à une coopération policière dans neuf pays. Il est soupçonné d'avoir créé une messagerie cryptée, utilisée par des criminels partout dans le monde pour gérer trafics de drogue, blanchiment d'argent et assassinats.
L'application, un moteur de blog connu sous le nom de «Ghost» et que son concepteur affirmait impossible à pirater, a servi à des centaines de criminels en Europe, au Moyen-Orient et en Asie, a indiqué la police fédérale australienne.
La plateforme a été démantelée, a salué l'agence de police européenne Europol dans un communiqué. Depuis deux ans, plusieurs polices du monde avaient piraté le réseau et regardaient les utilisateurs discuter trafic de drogue, blanchiment d'argent, assassinats et autres violences graves.
Les autorités ont pris des mesures mardi et mercredi, arrêtant des criminels d'Italie, d'Irlande, de Suède, du Canada et d'Australie, dont Jay Je Yoon Jung, le «cerveau» présumé de l'application.
Cet Australien vivait chez ses parents à Narwee, dans l'Etat de Nouvelle-Galles du Sud, et n'avait pas de casier judiciaire. Il s'est montré «légèrement surpris» quand les policiers sont venus l'arrêter, a déclaré le commissaire adjoint de la police fédérale, Ian McCartney.
Il a été inculpé de cinq délits, dont le plus grave est passible de dix ans de prison.
51 suspects ont été arrêtés: 38 en Australie, 11 en Irlande, un au Canada et un en Italie appartenant au groupe mafieux italien Sacra Corona Unita. D'autres arrestations sont prévues à mesure que l'enquête progresse, a affirmé Europol.
Cinquante menaces d'assassinat ont pu être déjouées en Australie. Dans l'un des cas, les enquêteurs ont intercepté une image d'une personne avec un pistolet sur la tempe qui a pu être sauvée dans l'heure, selon Kristy Schofield, commissaire adjointe de la police fédérale australienne.
Un laboratoire de drogue a été démantelé en Australie, tandis que des armes, de la drogue et plus d'un million d'euros en espèces ont été saisis dans le monde jusqu'à présent, selon Europol. La police a, en outre, mis la main sur quelque 376 téléphones disposant d'un accès à Ghost. Lors d'une conférence de presse à La Haye, la directrice d'Europol, Catherine De Bolle, s'est félicitée:
Au total, les polices de neuf pays ont participé à ce coup de filet mondial.
Créé il y a neuf ans, Ghost ne fonctionnait que sur des smartphones spécialement modifiés vendus environ 1350 francs, un prix comprenant six mois d'abonnement au service et une assistance technique.
Dans le monde, plusieurs milliers de personnes utilisaient l'application, qui dispose de sa propre infrastructure et de ses propres applications avec un réseau de revendeurs basés dans plusieurs pays, selon Europol.
Ghost serait utilisé par des centaines de criminels présumés pour ses avantages en termes de configuration (code disponible publiquement) et d'anonymat. Mais les enquêteurs ont réussi en 2022 à accéder au contenu crypté en s'infiltrant dans l'une des mises à jour proposées par le créateur de l'application.
Pendant deux ans, les enquêteurs ont pu suivre la popularité croissante de la plateforme auprès des criminels. Les serveurs ont été repérés en France et en Islande tandis que les actifs financiers étaient situés aux Etats-Unis, a précisé Europol.
Ce sont des gendarmes français qui ont finalement repéré le créateur de l'application en Australie.
Kristy Schofield a raconté que les policiers avaient dû agir extrêmement vite pour que le suspect, qui avait la possibilité de «tout effacer» dans le système, ne parvienne pas à ses fins en se voyant cerné. Elle a expliqué:
En 2021, le démantèlement d'un réseau similaire, ANOM, avait conduit à l'arrestation de centaines de suspects dans le monde. Ces personnes étaient loin de se douter qu'ANOM était en fait produit et distribué par le FBI, la police fédérale américaine, et son homologue australienne.
Les polices des Etats-Unis et d'autres pays avaient ainsi pu décrypter 27 millions de messages, dont beaucoup étaient liés à des activités criminelles.
Ce coup de filet survient quelques semaines l'arrestation près de Paris du fondateur et patron de la messagerie Telegram Pavel Durov en raison de la publication de contenus illégaux sur l'application.
Le démantèlement en 2020 du réseau mondial de communications cryptées EncroChat a constitué «un tournant» dans la lutte contre le crime organisé, selon les enquêteurs. (jah/ats)