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Du 11-Septembre à Trump, John F. Lauro cherche les emmerdes

UNITED STATES - AUGUST 15: John Lauro, attorney for disgraced NBA Referee Tim Donaghy, speaks to the press outside Brooklyn Federal Court where his client plead guilty Wednesday morning to charges rel ...
Le nouvel avocat de Donald Trump, John Lauro, dans les années 2000, à New York.Image: New York Daily News

Du 11-Septembre à Trump, John F. Lauro cherche les emmerdes

Il est tenace, discret et avocat. Il aime les dossiers impopulaires, les boutons de manchette, les bad guys et le base-ball. Il compte désormais innocenter Trump.
05.08.2023, 08:0005.08.2023, 19:08
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Si vous cherchez John F. Lauro sur Google, sa page LinkedIn et son site internet seront les premières occurrences à vous sauter au visage. Wikipédia ignore son existence. Pas mieux, pas pire qu'un entrepreneur du Gros-de-Vaud, après tout.

L'avocat préféré des enfoirés de Wall Street doit pourtant composer avec une exposition médiatique dont il a toujours su se méfier. Depuis le 20 juillet, John Lauro est sur Fox News jusque tard dans la nuit et plutôt sûr de son coup. C'est lui qui voudrait nous faire gober que chercher des noises à Donald Trump revient à «criminaliser la liberté d'expression».

«C'est sans précédent. C'est une agression. Cela n'affecte pas seulement Donald Trump, mais tous les Américains»
John F. Lauro.

Soixante-et-un ans après avoir vu le jour dans une maternité new-yorkaise, le nouvel artilleur providentiel du milliardaire était blotti contre ses hanches, jeudi à Washington, pour amortir le choc de l'inculpation. Ce troisième acte d'accusation fédéral, l'airbag VIP des prétoires le qualifie de «document stupéfiant».

Certes, Lauro n'est pas le seul à être payé pour sauver les miches du républicain le plus puissant du pays. Mais c'est l'homme exclusivement réquisitionné pour plancher sur l'accusation historique de «complot contre les Etats-Unis». Une consécration qui a tout pour sentir, un jour, le souffre.

Un «pénaliste tenace», «magistral en contre-interrogatoire», dit-on. L'ex-président a «beaucoup de chance» de l'avoir dans les pattes, si l'on en croit les confrères sondés par la presse américaine cette semaine. Lui qui a troqué les tronches blafardes de la côte Est pour le teint hâlé qui pousse en Floride, devra se résoudre à renouer avec la capitale: ces prochains mois, John Lauro assumera l'impossible tâche de rendre Trump aussi blanc que le col des criminels d'open-space. Les mêmes qu'il s'efforce à défendre depuis plus de trois décennies.

Une paille pour ce grand gaillard d'un mètre quatre-vingt, qui promène une stature empruntée à Jules César et le charme flou d'un Joaquin Phoenix. Car John Lauro ne s'est jamais franchement soucié de la culpabilité réelle de ses clients. Même si, pour ce qui est du candidat républicain, il jure avoir le fameux «smoking gun of innocence», la preuve ultime, le fumet de la vérité.

«Défendre des types impopulaires, c'est toujours une danse subtile»
John Lauro, au New York Times.
NEW YORK - AUGUST 15: Defense attorney John Lauro speaks to the media after his client, former NBA referee Tim Donaghy, pleaded guilty to two felony charges August 15, 2007 in the Brooklyn borough of  ...
John Lauro, à New York, en 2007, au moment de la condamnation de son client Tim Donaghy, l'arbitre de NBA qui truquait ses propres matchs pour de l'argent.Getty Images North America

Le type déploie la même tendresse pour les bad guys à la Trump et les home-run à la batte de base-ball. L’un pour gagner des procès et de l’argent, l’autre pour décompresser. Et, disons-le sans trembler, les terroristes responsables de l'attentat du World Trade Center sont probablement plus méchants et impopulaires que l’ami Donald. Zuhair al-Qahtani n'est pas un terroriste, mais sans l'intervention un poil gonflée de John Lauro, quelques semaines après l'effondrement des tours jumelles, ce trentenaire saoudien atterrissait à Guantánamo.

Le 18 octobre 2001, à l'aube, une patrouille débarque au domicile du couple al-Qahtani. Leurs visas sont échus. Suffisamment louche pour que les autorités, forcément sur les dents à l’époque, retournent leur nid d'amour de la clim' au vieux canapé. Et le butin sera fâcheux: Zuhair est un ancien pilote de ligne en formation, une photographie d'un avion saoudien lui sert de marque-page et son meilleur ami porte le même nom que l'un des (véritables) terroristes du 11-Septembre, Ahmed Alghamdi.

Durant sa garde à vue, le malheureux ne parviendra pas à convaincre les enquêteurs que son pays grouille d'Ahmed Alghamdi et que son pote (pilote lui aussi, décidément) est innocent. Pire, il confessera avoir rémunéré l'un des (très, très, très) nombreux suspects indirects des attentats, le professeur Mazen Al-Najjar, pour qu'il traduise son diplôme d'études secondaires de l'arabe à l'anglais. Parfois, le karma c'est comme une tartine ou un verdict, ça ne tombe pas du bon côté.

Une fois n'est pas coutume, John Lauro, qui avoue pourtant n'avoir jamais lâché le moindre dollar à Vegas, jouera la vie de son client saoudien à la roulette russe. Dans le jargon de la police fédérale américaine, on appelle ça un détecteur de mensonges.

«Monsieur Qahtani était absolument terrifié. Une fois les électrodes placées sur ses mains, il pensait devoir vivre un prélude à la torture»
John Lauro, au Tampa Bay Times, qui parviendra à faire libérer son client après un test réussi au détecteur de mensonges.

Un jeu risqué qu'il n'applique de loin pas à tous ses dossiers. On est d'ailleurs prêt à parier que ce spécialiste des affaires criminelles complexes ne traînera pas Donald Trump devant un polygraphe. Sa botte secrète? Un «souci du détail qui lui permet de relever les éléments décisifs». Un oeil qu'il a entraîné au début des années 1980, dans la paperasse soporifique et la peau de procureur fédéral à Brooklyn.

Netflix et paniers à 3 points

En 1986, ce sont ses tympans qu'il a eu l'opportunité de muscler, en intégrant le pool d'avocats chargé d'éplucher, les dizaines d'heures d'enregistrement récoltées dans le cadre de «l'opération Ill Wind». Trois mois d'assiduité auditive qui permettront de braquer la lumière sur un scandale de corruption gouvernementale impliquant plusieurs huiles du Pentagone.

«Mon extrait préféré est celui où l'on entend soudain frapper à la porte, puis une voix qui s'élève, angoissée: "Les fédéraux sont là! Tu ferais mieux de jeter ça!"»
John Lauro, non sans humour.

Ce n'est qu'en 1992, que John Lauro, encouragé par son ex-femme, se décidera à fonder son propre cabinet. Parmi les affaires qui ont fait de lui l'un des rois du barreau, citons par exemple Tim Donaghy, le célèbre arbitre de NBA qui pariait de gros sous sur... ses propres matchs. Nous sommes en 2007 et, surprise, l'actuel avocat de tonton Trump lui intime de plaider coupable. «C'était finalement la décision plus responsable à prendre», sachant qu'il aurait eu toutes les peines du monde à le faire passer pour un enfant de choeur.

L'arbitre Tim Donaghy au début de sa carrière, bien avant d'appeler John Lauro en renfort pour le défendre dans l'affaire des matchs truqués de la NBA.
L'arbitre Tim Donaghy au début de sa carrière, bien avant d'appeler John Lauro en renfort pour le défendre dans l'affaire des matchs truqués de la NBA.capture d'écran netflix

Tim Donaghy prendra quinze mois avec sursis, essentiellement pour avoir accepté de collaborer avec la justice. Quinze ans plus tard, Netflix racontera son histoire dans un documentaire baptisé L'envers du sport: un arbitre pris en faute.

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capture d'écran netflix

L'avocat de la télé

Bien que l'affaire des matchs truqués eût été abondamment médiatisée, il faut avoir une sacrée détente pour passer des terrains de baskets au grand méchant républicain. John Lauro tient désormais l'Amérique par la barbichette et, s'il veut en ressortir sans la moindre égratignure, le fringant sexagénaire devra se résoudre à esquinter le système démocratique et paumer volontairement quelques miettes de bon sens.

De la part d'un homme «mesuré et imperturbable», ce n'est pas rien d'avoir à siffler cul sec les âcres théories de Donald Trump, pour être ensuite à même de les dégobiller, fier comme un coq, sur tous les plateaux de télévision. Certains confrères bavards (et jaloux?) notent que le pénaliste se serait déjà planté, ici ou là, en dévoilant trop, trop vite, trop souvent. Reste qu'il maîtrise déjà fort bien l'argumentaire bourrin du candidat.

«Pourquoi les charognards se précipitent sur cette affaire? Hein? Pour ne pas avoir à fouiller dans le linge sale de l'administration Biden»
John Lauro, sur Fox News

Pour l'anecdote, ce n'est pas sa première incursion dans la dynastie Trump, puisqu'il fut un temps l'avocat de... certains de ses avocats. Aujourd'hui, sans doute que la perspective du procès du siècle aura eu raison de la discrétion légendaire de John Lauro. En face, il toisera la juge Tanya Chutkan, qui a déjà fait vivre un enfer à plusieurs émeutiers du Capitole. Pour elle, jusqu'à, au moins, novembre 2024, «les présidents ne sont pas des rois et le plaignant n'est pas président».

L'assaut du Capitole en images
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L'assaut du Capitole en images
Des manifestants pro-Trump occupent les terrains de la partie ouest du Capitole.
source: epa / michael reynolds
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Video: watson
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