Les universités de Zurich ou de Lausanne peuvent souffler: elles pourront vraisemblablement continuer à accéder sans restriction aux puces à haute performance de fabrication américaine. Le gouvernement du président Donald Trump a annoncé, mercredi, qu'il levait une interdiction d'exportation de puces pour l'intelligence artificielle, une mesure décidée par son prédécesseur Joe Biden, qui concernait non seulement la Suisse, mais aussi Israël, le Mexique et le Portugal.
Le décret, qui devait entrer en vigueur définitivement à la mi-mai, a été qualifié de «trop complexe, trop bureaucratique et susceptible d'entraver l'innovation américaine», selon une porte-parole du ministère du Commerce, citée par le Wall Street Journal.
Le décret au titre encombrant «Framework for Artificial Intelligence Diffusion» avait été publié en janvier, quelques jours avant la démission du gouvernement Biden. Il a pris par surprise le pôle de recherche suisse, notamment en raison de la justification officielle pour la planification de la limitation des exportations de puces pour l'IA, qui stipulait que les Etats-Unis ne pouvaient plus compter sur certains pays partenaires. Washington soupçonnait ainsi la Suisse de ne pas respecter les restrictions américaines sur les exportations et de fournir des puces à haute performance à des rivaux des Etats-Unis, comme la Chine.
Aux yeux de la Suisse, il s'agissait d'un soupçon infondé. La décision de Washington de ne pas inclure la Suisse dans le groupe des Etats dignes de confiance était «difficile à comprendre», avait reconnu le ministre de l'Economie, Guy Parmelin, début janvier dans une interview accordée à la NZZ am Sonntag.
Depuis, la Suisse a intensifié ses efforts à Washington pour assouplir cette restriction, et ce de manière inhabituelle pour un petit Etat. Le Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) a même engagé, à la mi-mars, une prestigieuse société de lobbying à Washington. Coût: un maximum de 500 000 francs.
Les lobbyistes ne manqueront pas de travail, même après l'abrogation annoncée du décret Biden. Car l'administration Trump n'envisage pas non plus de lever l'interdiction d'exporter les puces IA les plus avancées. Dans les prochains mois, la Confédération devra donc sans doute convaincre Washington que la Suisse dispose, elle aussi, d'un dispositif de contrôle des exportations fiable. Berne est déjà «en étroite collaboration» avec les autorités américaines, nous a indiqué la directrice du Seco, Helene Budliger Artieda.
A Washington, certains spéculent déjà sur la possibilité que Trump lie la question des puces aux négociations commerciales en cours. L'idée serait d'offrir à certains Etats partenaires un accord: des droits de douane réduits en échange d'un strict contrôle des exportations.
De quoi alimenter les discussions à venir entre la présidente de la Confédération, Karin Keller-Sutter, le conseiller fédéral Parmelin et le secrétaire au Trésor américain Scott Bessent, prévues ce vendredi à Genève.
Traduit et adapté par Noëline Flippe