Même si la prochaine inculpation de Donald Trump n'est pas encore officielle, elle est depuis longtemps le grand sujet de l'actualité américaine. Comme pour toute accusation précédente contre lui, Trump a dénoncé cet éventuel futur procès pénal, bien avant que les autorités judiciaires compétentes ne le confirment officiellement.
Cette fois, c'est différent. Ce que Trump risque pourrait conduire à ce qu'il ne puisse pas se présenter à la prochaine élection présidentielle, en 2024. On ne sait pas encore quels seraient les chefs d'accusation. Mais c'est en tout cas son rôle dans l'assaut du Capitole, le 6 janvier 2021, qui est en cause.
Tout ce que l'on sait pour l'instant, c'est que Trump a reçu un courrier du procureur spécial Jack Smith. L'ex-président s'en est plaint dans un post sur Truth Social, son réseau social. Le procureur, qu'il déteste, veut le convoquer devant un jury. Une lettre a été envoyée à l'homme d'affaires pour l'informer qu'il pouvait exercer son droit de comparaître en personne.
Pourquoi cette accusation éventuelle serait-elle problématique pour Trump? D'un point de vue juridique, rien ou presque ne peut empêcher un Américain de naissance, âgé d'au moins 35 ans, de se présenter à la Maison-Blanche et de devenir chef d'Etat. Selon la loi, Trump pourrait même être en prison sans avoir à renoncer à la fonction suprême.
Les choses pourraient pourtant être différentes pour l'accusation dont il est cette fois menacé, puisqu'elle porte sur la violation de l'article 2383 du «United States Code», c'est-à-dire du droit fédéral des Etats-Unis.
Cette restriction à la présidence se trouve également dans le 14e amendement de la Constitution américaine.
Le passage en question du 14e amendement a été introduit à l'origine après la guerre civile américaine au 19e siècle. Il visait entre autres à empêcher l'élection au Congrès de généraux sudistes qui venaient de combattre l'Union. Mais en 2023, elle pourrait s'appliquer parce que Trump n'a pas voulu accepter le résultat des élections et sa défaite face à Joe Biden. Parce qu'il a pris toutes les mesures stratégiques possibles pour ignorer la décision du peuple américain. Et parce qu'il a peut-être contribué à déclencher une révolte, ou l'a encouragée.
On ne sait pas encore si le procureur spécial Jack Smith estime que cette accusation contre Trump, dans le cadre de la prise du Capitole, est vraiment justifiée. Mais un groupe de sept anciens procureurs et avocats de la défense, spécialisés dans le droit constitutionnel, a publié il y a quelques jours un avis juridique détaillé sur les faits. Ils y expliquent ce qui pourrait conduire à une telle accusation contre Donald Trump.
Selon les experts, le président de l'époque a agi intentionnellement après que sa défaite électorale de novembre 2020 a été confirmée, afin de transformer le résultat en victoire pour lui. Pour ce faire, il a pris différentes mesures, toutes constituant en soi un délit.
Ainsi, Trump et ses acolytes auraient dans un premier temps établi de faux documents électoraux qui ont été présentés au Congrès. Cela suffirait à constituer le délit de conspiration en vue de tromper les Etats-Unis par le biais de fausses élections.
Lorsque ces plans ont échoué, Trump et ses avocats se seraient concentrés sur l'utilisation de fausses listes électorales afin d'empêcher la confirmation de l'élection du nouveau président par le Congrès le 6 janvier, comme le prévoit la Constitution. A nouveau, cela constituerait une entrave à une procédure officielle.
Conformément à la Constitution, le vice-président a pour mission de confirmer le nouveau président. Lorsque, contrairement à ce que souhaitait Trump, le vice-président de l'époque, Mike Pence, n'a pas refusé cette confirmation à Joe Biden, ou du moins n'a pas retardé le dépouillement des élections, Trump aurait eu recours à ce qui semblait être sa dernière option: un soulèvement populaire, dans l'espoir que celui-ci perturbe le Congrès et retarde le transfert de pouvoir pour la première fois dans l'histoire américaine.
Si le procureur spécial Jack Smith et, après lui, le grand jury parviennent à cette même conclusion, Trump ne pourrait plus se présenter. Et s'il était déjà élu, il devrait démissionner.
Les accusations portées jusqu'à présent contre un ancien président américain constituent déjà une première historique: Trump est actuellement poursuivi pour fraude financière, ingérence dans les élections, falsification de documents commerciaux et conservation intentionnelle de secrets de la défense nationale. Il a en outre été condamné dans un procès civil pour agression sexuelle en mai dernier.
Mais tout cela ne pèserait pas aussi lourd qu'une accusation d'incitation à la révolte. La probabilité que cela se produise dépend surtout des preuves que Jack Smith a pu rassembler au cours des dernières des derniers mois.
Le gendre de Trump, Jared Kushner, et son avocat, Rudy Giuliani, ont notamment été interrogés. Il se pourrait que Rudy Giuliani ait passé un accord en tant que témoin principal afin d'échapper à des poursuites pour complicité.
Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder