Faut-il sortir «la sulfateuse à insultes» pour terrasser Trump?
Jasmine Crockett, représentante texane au Congrès, fait sensation en ce moment pour son langage fleuri à l’égard de la politique de Donald Trump, qu’elle surnomme la «pute de Poutine». Et quand on lui demande ce qu’elle pense d’Elon Musk, elle se contente d’un «fuck off!» craché dans le micro du journaliste. Les caméras en raffolent.
Joe Gallina: If you could tell Donald Trump anything tonight, what would you tell him?
— CALL TO ACTIVISM (@CalltoActivism) March 5, 2025
Rep. Jasmine Crockett: Grow a spine and stop being Putin’s hoe. pic.twitter.com/VZu47C4ZAk
Cette avocate n’est pas la seule à révéler son vrai visage au sein d’un parti démocrate actuellement peu visible. Elle dit le faire pour démontrer aux électeurs qu’elle partage leur indignation, face à un pouvoir en place qui est en train de saccager les fondations du pays. Elle va même jusqu’à affirmer que Trump sait se vendre et qu’il faudrait s’en inspirer pour mieux le combattre.
Notre pour/contre
Dégainer des grossièretés pour combattre Trump: bonne ou mauvaise stratégie?
Chouette, des démocrates avec un peu de caractère! Durant la campagne, il a été reproché à Trump de fourguer une caricature de lui-même, à Kamala Harris de ne pas dégager une identité suffisamment définie. La caricature a fini par remporter le match et le parti démocrate est en violente remise en question, face à une base qui s’effrite. Bien sûr, mitrailler des «fuck» à tout-va n’a rien d’une stratégie politique. Mais l’élan avec lequel la pétillante Jasmine Crockett fout le feu aux échanges fait un bien fou.
Quand une démocrate envoie bouler Trump et Musk sans ménagement, elle ne cherche pas à singer les députés LFI, dans le bac à sable de l’Assemblée nationale. Après de trop longs mois d’égarement idéologique, il y a urgence pour le parti démocrate à prouver à ses électeurs qu’il a une identité et envie d’en découdre. Et jamais ça ne se fera poliment avec une pile de dossiers sous le bras. Quand le bateau coule, il faut jeter le verbiage de technocrate et les grandes envolées utopistes par-dessus bord.
Jasmine Crockett ne joue pas un rôle. Ce qu’elle emprunte à Trump, ce n’est pas une série d’insultes, mais un naturel et une franchise qui touche enfin au-delà des cercles universitaires. On rappellera au passage que l'élégance rhétorique du très chic Obama a fait un bide monumental durant la campagne. Même Bernie Sanders avait engueulé les huiles du parti pour n’avoir pas su se faire comprendre par la population américaine.
Alors, une chose après l’autre: les tripes avant les munitions législatives.
OK, ils sont nombreux à se demander où se trouvent les démocrates après avoir été écrabouillés par les républicains. Trump par-ci, Trump par là, on annonce JD Vance gros comme une maison pour asseoir son popotin dans le Bureau ovale. Il fallait bien qu’un ou une démocrate l’ouvre pour sonner la révolte. Et elle est arrivée cette lueur d’espoir, ce personnage à la langue bien pendue: Jasmin Crockett.
Et pour monter les crocs, elle emploie la même technique que son pire ennemi: sortir la sulfateuse à insultes.
Par tous les saints, évitons de tomber dans le piège de la vulgarité, dans cette facilité narrative (propre aux républicains) pour feindre une rage débordante. Ce n'est que de l'esbroufe.
Qu'on se le dise: un petit coup de boutoir des démocrates ferait un bien fou à ce pays qui périclite. Or, la méthode des gros sabots ne fonctionne qu’un court laps de temps. Le parti des bleus doit montrer l'exemple, innover, cultiver le charisme dans la posture et dans les mots.
Il faut donc élever le débat. Il ne faut pas céder à des «va te faire foutre» Elon. Prenons de la hauteur, inversons la tendance pour montrer que les démocrates valent mieux que l’invective facile des trumpistes. Il faut laisser les terreurs des bacs à sable se ridiculiser, tout seul.
Il ne sert à rien de crier dans le mic, Jasmin Crockett, pour redorer le blason de démocrates en lambeaux. Copier, c'est pour les perdants.