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Trump a «un jour préféré pour lancer une bombe»

Trump a «un jour préféré pour lancer une bombe»

Qu’est-ce qui peut arrêter Trump? «Un AVC»
Depuis son investiture, le président Trump a le pied sur le champignon. Juste une impression?image: Keystone, montage: watson
Taxes douanières, immigration, démantèlement de l’administration, annonces chocs, coup de fil à Poutine... Depuis son investiture, le président américain semble lancé dans un sprint perpétuel. Qu’est-ce qui pourrait le fragiliser ou le stopper? «Un AVC», nous dit Lauric Henneton, maître de conférence et spécialiste de la civilisation américaine. Interview.
29.05.2025, 07:0229.05.2025, 07:02
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Donald Trump donne l’air d’avoir constamment le pied sur le champignon. Une impression amplifiée par son art de faire l’actualité ou est-il réellement un président à plein régime?
Lauric Henneton: Il y a effectivement l’idée, mise en pratique et chuchotée par son ancien conseiller Steve Bannon, de flood the zone, autrement dit, d’inonder la zone. Quatre mois après l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, l’espace médiatique est toujours très saturé par les déclarations et les actions du président. Volontairement. Notamment pour que les médias et le public perdent le nord et passent, parfois, à côté d’une information qui pourrait lui être préjudiciable.

C’est aussi une manière pour Trump de rester personnellement au centre de l’attention.
Exactement. On le sait, c’est quelqu’un d’extrêmement narcissique et s’il y a une chose que Trump aime bien, c’est que l’on parle de Trump. Il sait y faire.

«Et son jour préféré pour secouer la planète, c’est le vendredi»

Le vendredi? Pourquoi le vendredi?
Si vous rembobinez les derniers coups d’éclat de Donald Trump, elles ont toutes été faites un vendredi. Juste avant de partir faire du golf, le président balance une énormité et laisse le reste du monde s’agiter pendant deux jours.

C’est vrai, vous avez raison! Dernier exemple, les menaces concernant les droits de douane pour l’Union européenne vendredi dernier...
Voilà. Vendredi, il a menacé l’UE de lui imposer des droits de douane stratosphériques à hauteur de 50% à partir du 1er juin. Les marchés se sont agités, les médias sont partis en vrille et, 48 heures après, on recule, on repousse, on passe à autre chose.

«La bombe du vendredi, c’est quasiment devenu un rituel chez Trump»

Ce qui me fait revenir à ma première question: tout cela n’est-il qu’une illusion ou Trump chamboule-t-il réellement tout à une vitesse grand V?
Ce n’est pas une illusion, puisque nous avons droit à des annonces purement discursives et à des actions en pagaille. J’en veux pour preuve le nombre de décrets présidentiels signés. On n’a jamais vu cela. Même si, dans le lot, il y a un certain nombre de décrets qui ne donnent rien de concret derrière, ce sont des décrets et ils alimentent la machine.

Des décrets qu’il signe à chaque fois devant les caméras. C’est d’abord pour montrer qu’il bosse?

«Vous savez, au Scrabble, il y a les mots qui comptent double ou triple. Avec Trump, c’est pareil»

Quand vous signez un décret en public, il compte double. Quand il invite une personnalité à ses côtés au moment de le brandir aux caméras, le décret compte triple.

Pourtant, parmi toutes les menaces proférées par Trump, par exemple, les droits de douane, toutes ne sont pas effectives et flottent encore au-dessus de nos têtes...
Oui et non. Il y a des choses qui sont effectives, mais qui ne le sont plus parce qu’un juge les a invalidées. D’autres qui le sont, mais de manière édulcorée ou qui se dégonflent très vite, parce qu’il y a rétropédalage, à l’instar des droits de douane. Et puis, certaines décisions deviennent concrètes, mais pas autant que Trump le voudrait.

Qu’est-ce que ça produit, au fond, cette politique nuageuse et perpétuellement en mouvement?
C’est une espèce de feuilleton Trump sans fin, où nous avons l’impression de regarder un show TV, avec un nouvel épisode chaque jour, du rebondissement, du suspense, de l’émotion. En même temps, c’est un homme de télévision, il sait très bien ce qu’il suscite et a l’intime conviction que le monde attend la suite avec impatience.

«On pourrait s’octroyer une petite pause. Un jour sans Trump. Mais il ne nous en laisse pas l’occasion. Et cette habitude de la bombe du vendredi lui permet d’alimenter sa machine avec une certaine puissance»

Si tout le monde a compris que Trump dégaine des effets d’annonce, pour quelle raison tout le monde part au quart de tour?
Je ne comprends pas pourquoi les marchés dévissent et prennent encore les déclarations de Donald Trump à la lettre, à chaque fois, alors que l’on sait qu’il y aura rétropédalage. C’est d’ailleurs quand le marché obligataire a commencé à s’emballer après la grosse annonce de Trump sur les droits de douane, début avril, qu’il est revenu sur ses décisions. On devrait pouvoir s’attendre aujourd’hui à ce que les marchés et les politiques soient un peu mois réceptifs aux coups d’éclat de Trump.

«Si un Etat cède tout de suite, il n’a aucune crédibilité aux yeux de Trump. On l’a vu avec la réponse de la Chine et durant le bras de fer avec Zelensky: la question, c’est d’avoir les cartes, ou non, pour jouer avec lui»

Pour Donald Trump, l’important c’est d’avoir et de garder les bonnes cartes en main. De maîtriser le rapport de force.

Ce qu’il n’a pas face à Poutine ou Netanyahou, pour ne citer qu’eux.
Exactement. Face à Poutine et Netanyahou, il vitupère, balance des messages sur les réseaux sociaux et puis c’est tout. On a d’ailleurs eu un dernier exemple lundi matin, avec Trump qui affirme que le président russe est «complètement fou». Une punchline qui remplit l’espace médiatique et qui voudrait faire oublier que les Etats-Unis n’appliquent aucune nouvelle sanction à son encontre et ne lancent aucune véritable action concrète, politique ou militaire.

Mais y a-t-il encore quelque chose de concret sous ces coups d’éclat de Donald Trump? Un réel objectif politique?
Alors, il y a énormément de mousse par-dessus, mais, dans le fond, une réelle volonté de changer les choses, principalement au niveau du commerce et de l'image de l'Amérique dans le monde. Or, il se montre particulièrement maladroit dans la mise en pratique. Soit les décrets sont invalidés, soit les décisions sont excessives, comme les droits de douane, et Donald Trump pense que ses coups de sang vous lui offrir à chaque fois ce qu’il désire réellement.

«Sa volonté de soigner ce qu’il considère comme le déclin de l’Amérique est tout à fait sincère»

Après quatre mois de présidence, a-t-il à votre avis le pouvoir d’arriver à ses fins?
Je dirais qu’un certain nombre de choses sont beaucoup trop ambitieuses. Un président américain a énormément de pouvoir, mais il se trouve dans un triangle institutionnel, en compagnie de la justice et du Congrès, qui peut être un frein aux grandes ambitions personnelles.

Ce triangle décisionnel contrarie beaucoup Donald Trump, d’ailleurs...
Oui, mais il faut malgré tout se souvenir que Barack Obama n’avait pas pu faire grand-chose non plus à cause d’un Congrès particulièrement hostile, qui avait fini par le neutraliser. Donc, il faut malgré tout voir Donald Trump comme s’inscrivant dans une certaine continuité.

Pour l’instant, le Congrès penche discrètement de son côté. Est-il en mode sprint pour anticiper les conséquences des Midterms en 2026?
Il faudra en effet observer les résultats que Donald Trump a pu obtenir durant la première moitié de son second mandat. Car, ensuite, il est tout à fait possible qu’il n’ait même pas la Chambre des représentants avec lui et se retrouve bloqué du point de vue budgétaire. Encore une fois, c’est non seulement la même situation qu’en 2009-2010 pour Obama, mais qu’en 2017-2018 pour Trump lui-même, avec le bras de fer perpétuel avec Nancy Pelosi.

Le Congrès n’a pas la main sur les droits de douane. Est-ce pour cette raison qu’il en fait son arme favorite?
L’action par décret est ce qu’il reste au président une fois que le Congrès a décidé de lui mettre des bâtons dans les roues. Trump garderait donc effectivement un pouvoir et une marge de manœuvre certaine sur les droits de douane, même en cas de lourde défaite au Midterms.

«Il faut se souvenir qu’une fois au pouvoir, Joe Biden a détricoté certaines politiques de Trump, mais avait maintenu les droits de douane et la politique hostile envers la Chine»

Mais, concrètement, Donald Trump a-t-il encore les moyens de ses menaces?
Trump est confronté au réel, qui le freine continuellement. En termes d’immigration, vouloir expulser des millions de personnes, c’est compliqué et ça coûte très cher. Contrairement à son premier mandat, il est aujourd’hui entouré et conseillé par des gens qui sont d’une loyauté idéologique sans faille. Un entourage qui va l’encourager dans ses pulsions, plutôt que le prévenir ou le retenir. Ce qui veut dire que, lorsqu’il rétropédale sur les droits de douane, il est encore capable de freiner de lui-même avant que ce soit trop tard.

Et il reste plus ou moins dans les clous pour l’instant, non?
On ignore combien de temps cela va durer, mais, oui, Donald Trump n’a pas encore lancé de véritable provocation contre les tribunaux. Autrement dit, il n’a pas encore outrepassé une interdiction ou l’annulation d’un décret par la Cour Suprême, en mode «je m’en fous, je fais quand même».

«Trump n’a pas encore véritablement franchi la ligne rouge qui aboutirait à une crise constitutionnelle. Il grogne bruyamment contre les décisions de justice, mais finit par obéir»

Peut-on imaginer un président Trump en vitesse de croisière à un moment donné de son mandat?
Non, je ne pense pas. C’est un narcissique. Il ne peut pas être sur la touche pendant que le monde tourne sans lui. Se mettre en retrait est considéré comme un échec et c’est inimaginable pour Donald Trump. On se demande d’ailleurs comment il tient. Il est manifestement en pleine santé et possède cette énergie vitale qui le pousse à jouer. C’est un joueur qui ne voudra jamais poser ses valises pour souffler.

Qu’est-ce qui pourrait fortement fragiliser Trump?
Un AVC. Je pense qu’il n’y a que ça. Il est tellement persuadé d’avoir raison sur un certain nombre de choses et d’avoir été appelé pour redonner sa grandeur à l’Amérique que personne n’est véritablement en mesure de le stopper dans son élan.

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