Avant même que l'ouverture du tribunal du district sud de Manhattan, ce lundi matin, l'avocat Joe Tacopina pose sur la table une tasse de café et une demande d'annulation de 18 pages. La requête réclame l'arrêt pur et simple du procès et la levée de toutes les décisions prises jusqu'à présent. Son argument? Le juge Lewis Kaplan, qui supervise l'affaire, aurait violé les droits de Donald Trump.
Sans surprise, la requête est accueillie avec un seul mot: «Rejeté».
C'est ainsi que débute cette quatrième journée du procès au civil, qui menace l'ex-président d'être condamné pour viol et des millions de dollars de dommages et intérêts.
Durant les huit heures à sa disposition, l'avocat Joe Tacopina n'entend pas faire de cadeau à la «journaliste assoiffée d'attention», qui «s'est délectée des projecteurs» après avoir «accusé Trump d'un crime odieux».
Tous les moyens sont bons pour saper la crédibilité d'E. Jean Carroll. Cette femme de 79 ans qui accuse son client de l'avoir violée dans une cabine d'essayage, un soir de 1996, avant de souiller sa réputation dans les médias - allégations farouchement niées par l'intéressé.
Le «bourru Brooklynite» dissèque sans ménagement ses messages privés, ses prises de parole publiques, ses apparentes contradictions et ses motivations supposément mercantiles. Les questions, agressives, fusent et s'enchaînent. Au point que le juge fédéral Lewis Kaplan ne se sente parfois obligé de venir au secours de l'accusatrice, sans attendre l'intervention de son équipe d'avocats.
Carroll admet volontiers le contraste entre son personnage «public E. Jean», cette figure ensoleillée et optimiste qui clame sa bonne humeur dans ses chroniques, et sa figure privée. «Je ne veux pas que quiconque sache que je souffre», lâche-t-elle à la barre. «Jusqu'à récemment, j'avais honte de faire savoir aux gens ce qui se passe réellement.»
«Ainsi, lorsque vous passez à la télévision et sur des podcasts», s'exclame Tacopina, «ce sont tous des mensonges?».
L'émergence du mouvement #MeToo aurait fini par la convaincre de sortir du silence. «C'était le bon moment.»
Pourtant, les démentis répétés et véhéments de Donald Trump la qualifiant de menteuse ont eu «un énorme coup» sur sa réputation, selon la journaliste. Jusqu'à lui coûter son emploi de chroniqueuse de conseils pour le magazine Elle. Un poste qu'elle briguait depuis près de trente ans.
Carroll n'a jamais contacté la police après son agression présumée par Donald Trump. Pourtant, soulève Joe Tacopina, elle n'a pas hésité à leur faire appel, bien plus tard. Un soir d'Halloween, lorsqu'un groupe d'enfants prend pour cible sa boîte aux lettres. «Donc, vous appellerez les flics pour une boîte aux lettres, mais pas si vous êtes personnellement agressé ou agressé sexuellement?»
Reste à savoir si les efforts du mordant avocat de Donald Trump influenceront les jurés. Le procès, qui se poursuit ce mardi avec des témoignages supplémentaires, devrait se prolonger jusqu'à la fin de la semaine. Peut-être davantage.
Pendant ce temps, bien loin de là, le jet privé de Trump s'est posé en Ecosse, afin d'inaugurer un nouveau parcours de golf. Interrogé dimanche soir sur Fox News, l'impassible accusé a fait savoir qu'il se sent «moins bien traité» que le président Abraham Lincoln. Pour rappel, le 16e président des Etats-Unis a été tué par balle lors d'une pièce de théâtre.