«Vous l’avez vu? Il est gros, non? Il est immense. On ne peut pas faire plus grand. Tout le monde l’adore.» Malgré les apparences, Donald Trump n’évoquait pas son sexe, vendredi matin, en ouverture des célébrations du 4 juillet. Du moins, pas tout à fait. Car la fête de l’indépendance ressemble méchamment à une séance de masturbation en public, lorsque le milliardaire est au pouvoir.
En réalité, le président évoquait «ses» nouveaux drapeaux dont il a financé personnellement l’érection (100 000 dollars), dans les jardins de la Maison-Blanche.
Trump a raison: ils sont grands. Même plus grands que celui qu’il a fait trôner au sommet de son manoir de Mar-a-Lago et qui avait fait tiquer les autorités de Palm Beach.
Ils sont même beaucoup trop grands pour être honnêtes.
Est-ce que la taille compte? Lorsque l’on parle de Trump et de patriotisme, hélas, oui. Le drapeau des Etats-Unis, «Old glory» pour les intimes, est son amant favori depuis le début de sa carrière. Ses immeubles, ses hôtels, ses mugs, ses casquettes, ses golfs, ses campagnes présidentielles ou le revers de son veston ne s’affichent jamais sans lui. (Contrairement à Melania, pour ne citer qu’elle.)
Il fait arrêter ceux qui le brûlent, en signe comme d’autres dédicacent un bouquin, l’embrasse goulûment dès qu’il en a l’occasion et en offre des dizaines de milliers à l’entrée de ses meetings pour que l’on pense qu’il est le plus puissant ambassadeur d’un pays que beaucoup l’accusent de saccager.
Here's Trump hugging the flag for some reason pic.twitter.com/Ylgyr54R0m
— VICE News (@VICENews) June 19, 2018
Certes, c’est un hold-up, mais soyons francs, il est de la trempe d’Ocean Eleven. Car si c’est un amour illégitime, hypocrite et probablement à sens unique, ce flagrant délit a peu à peu poussé les démocrates à s’éloigner du drapeau américain, le considérant aujourd’hui comme le logo du mouvement MAGA.
Il faut dire que, plus largement, et jusqu’en Suisse, l’extrême droite s’est approprié les couleurs nationales, bouleversant parfois la définition du patriotisme. Aux Etats-Unis, les démocrates n’y opposent pas de résistance particulière, mais rêvent néanmoins (et passivement) d’y remédier. La coprésidente romande de Democrats Abroad Switzerland nous l’a dit au bout du fil cette semaine:
En 2025, 89% des républicains ont déclaré que hisser le drapeau était un «acte patriotique», contre seulement 58% des démocrates, selon une étude YouGov évoquée par le Washington Post. Et la moitié des foyers du pays en affiche un sur le porche. Un drapeau que les trumpistes ne se privent pourtant pas de retourner en deux-deux, comme lors de la défaite de leur patron en 2020, lorsque la vérité ne leur plaît pas.
Oui, Trump adore «son» beau et gros drapeau. Mais comme un mâle qui affiche son bolide de luxe parce qu’il doute de ce qu’il a dans le slip. Mais il l’aime tout de même un peu moins que son propre reflet (faut pas déconner). Souvenez-vous lors de l’investiture en janvier dernier, lorsque Donald Trump a piqué une crise en apprenant que les étendards américains seraient en berne, pour cause de décès d’un président – en l’occurrence, Jimmy Carter (oui, la loi l’exige).
Comme une petite vengeance, dès vendredi et pour une année entière, le 47e président américain va dégainer des drapeaux, comme autant de taxes douanières, pour fêter prématurément les 250 ans des Etats-Unis. Donald Trump est pressé de prétendre que c’est grâce à lui que le pays s’apprête à atteindre le bicentenaire et demi.
Pour couronner le tout, Trump en a profité vendredi pour dégommer les démocrates, avec une arme qui a sans aucun doute participé à creuser sa victoire en novembre dernier: pointer la débandade patriotique de ses meilleurs ennemis: «Vraiment. Je déteste les démocrates. Je les déteste. Je ne les supporte pas, car je crois sincèrement qu'ils détestent notre pays».
Sauf qu’il ne les aide pas à se rabibocher avec le drapeau, puisque beaucoup de villes (Los Angeles en tête) ont décidé d’annuler les célébrations de l’Independance Day, craignant que les Services de l'immigration américains (ICE) n’en profitent pour organiser des raids entre les barbecues et les feux d’artifice.
En conclusion, Donald Trump a de gros drapeaux comme il aurait un petit zizi. Avec l’audace de le fourrer constamment sous le nez de tout monde. Plus c’est gros, plus ça passe. Une sorte d’étrange hélicobite patriotique, qui a fini par asseoir cette idée fausse et dangereuse qu’être fier de son pays est un trait de caractère au minimum conservateur.
Une anecdote récente? Lorsque Benson Boone a sorti son album il y a quelques jours, une certaine frange d'Internet lui reproché de poser fièrement devant le drapeau américain. Peut-on défendre son étendard lorsque l’on ne cautionne pas son gouvernement? Vous avez quatre heures.
Si le «patriotisme n'appartient pas à un seul parti», comme a tenu à le rappeler l’élu démocrate Chris Deluzio cette semaine, son parti a intérêt à se réapproprier au moins une petite tranche de symbole irremplaçable, d’ici 2028.