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L'ambassadeur américain en Suisse est un «emmerdeur»

Joe Biden a envoyé un "emmerdeur" comment ambassadeur en Suisse.
L'ambassadeur des Etats-Unis en Suisse, Scott Miller, a été nommé par Joe Biden.Image: watson/keystone

L'ambassadeur américain en Suisse est un «emmerdeur»

Il a fait peur à la Berne flegmatique et à la place financière suisse: Scott Miller, ambassadeur des Etats-Unis en Suisse, nous a été envoyé juste avant les élections américaines.
10.11.2024, 06:5910.11.2024, 06:59
Stefan Bühler / ch media

Le soir du 1ᵉʳ juillet 2022, un énorme feu d'artifice de quelques minutes est lancé au-dessus de Berne. Les pétards font trembler les vitres – et toute une ville se demande ce qui se passe. Le lendemain, la chaîne locale Telebärn en fait un reportage.

Pour faire court: Scott Miller est là. Le nouvel ambassadeur envoyé par le président Joe Biden célèbre la fête nationale des Etats-Unis dans le jardin de sa résidence bernoise avec plusieurs centaines d'invités – le 1ᵉʳ juillet au lieu du 4 juillet. Peut-être que ça passait mieux de célébrer une telle fête le vendredi soir plutôt que le lundi?

Le premier coup d'éclat d'une longue série

Mais il est bien possible que l'ambassadeur et son mari, le milliardaire Tim Gill, aient délibérément choisi de célébrer le 1ᵉʳ juillet, jour de l'introduction du mariage pour tous en Suisse. Tim Gill et Scott Miller étaient en effet des activistes LGBTIQ+ déjà connus aux Etats-Unis. Scott Miller a déclaré au magazine Schweizer Illustrierte, qui a couvert la fête:

«Je suis très heureux que ce soit justement aujourd'hui, le jour de notre fête, que le mariage entre personnes de même sexe soit introduit en Suisse»

Avec ce spectacle, l'ancien banquier d'UBS et économiste d'entreprise, alors âgé de 43 ans, se propulse sur le devant de la scène. Ce n'est que le premier d'une série de coups d'éclat que Scott Miller fera exploser à Berne.

Il est arrivé en Suisse en janvier 2022, envoyé par Joe Biden pour le remercier d'avoir généreusement soutenu sa campagne électorale avec son riche époux. Berne était la récompense pour les millions donnés de la campagne électorale: une tradition dans la politique américaine. C'était également le cas du prédécesseur de Scott Miller, Edward McMullen. Ce dernier était un entrepreneur, Scott Miller un activiste. Tous deux n'avaient alors rien à voir avec la diplomatie.

Neutralité inscrite à l'ordre du jour

Chez Scott Miller, cela devient vite évident. Un mois seulement après son arrivée à Berne, la guerre éclate en Russie. Et à partir de là, il ne faut pas attendre longtemps avant que Washington et Berne ne s'affrontent. Il faut un appel du Département d'Etat américain au Département des affaires étrangères à Berne pour que le Conseil fédéral adopte les sanctions contre la Russie.

Nous ne savons pas quel rôle y a joué l'ambassadeur. Ce qui est sûr, c'est qu'avec l'éclatement de la guerre, les priorités sont fixées pour l'Américain Scott Miller. Contrairement à ses prédécesseurs qui, par des interviews amicales et quelques allusions, entretenaient l'espoir d'un accord de libre-échange avec les Etats-Unis, il inscrit à son ordre du jour des sujets moins confortables: la politique de sanctions et la politique de neutralité. Des points sensibles de la politique suisse.

Ainsi, il lançait, en avril 2022, dans le NZZ am Sonntag:​

«La neutralité ne peut pas signifier n'intervenir nulle part»

En adoptant les sanctions, la Suisse n'a pas renoncé à la neutralité, mais l'a, disait-il, «interprétée activement et a trouvé un moyen de défendre les valeurs fondamentales d'une démocratie et les droits de l'homme». Ça sonne bien, mais passe mal dans le pays qui mène actuellement un vif débat sur les livraisons d'armes.

Scott Miller est un «emmerdeur»

Miller ne se laisse pas décourager pour autant. Au contraire, il s'ensuit un nouveau coup d'éclat. C’est déjà bien que la Suisse ait gelé des avoirs russes de plus de 7,75 milliards de francs, déclare-t-il, en mars 2023, à la NZZ, mais elle pourrait en bloquer «50 à 100 milliards supplémentaires». Les sanctions sont «aussi fortes que la volonté politique qui les sous-tend». En d'autres termes, la Suisse n'en fait pas assez parce qu'elle ne le veut pas. Et une fois lancé, Soctt Miller conclut avec cette métaphore qui fait aujourd'hui partie du vocabulaire politique suisse:

«L'Otan est un donut et la Suisse le trou au milieu»

A ce moment-là, tout le monde se rend compte que Scott Miller n'est pas un diplomate, mais un activiste. Dans les commentaires, la tension monte: les politiques demandent au ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis de convoquer l'Américain.

Mais l'ambassadeur en rajoute, sans se laisser impressionner: dans une lettre adressée aux ambassadeurs du Japon, du Canada, de l'Allemagne, de la France, du Royaume-Uni et de l'Italie – soit les membres du club select des pays les plus industrialisés –, il demande au Conseil fédéral d'approfondir la recherche de l'argent des oligarques russes et d'adhérer à la taskforce internationale créée à cet effet. Bien entendu, la lettre est rendue publique.

Il en va désormais de la réputation de la place financière suisse. Berne réagit: la Suisse remplit ses obligations internationales et poursuit systématiquement les moutons noirs. L'autorité compétente est renforcée, tout comme la collaboration avec le G7. Dans le même temps, la retenue diplomatique s'effrite du côté suisse. Scott Miller est un «emmerdeur». Il est «plus que douteux» que ses actions aient été convenues avec Washington, dit-on en coulisses.

Le dernier coup de pétard

Les souvenirs remontent : le lobbying américain autour des fonds en déshérence, la bataille perdue du secret bancaire suisse. Comme à l'époque, un esprit de résistance s'éveille dans les cercles conservateurs suisses. On met en avant les failles des législations dans des Etats comme le Delaware, fief du président Biden. Une métaphore circule: «Quand Miller pointe la Suisse du doigt, trois autres doigts se retournent contre lui.» L’argument est clair: nous ne sommes pas les seuls en cause – il s'agit de défendre la place suisse.

Le rapport de force est toutefois en faveur de Scott Miller. Ce dernier projette bien une croix suisse sur son ambassade le 1er août. «Rendons hommage à la riche histoire et au partenariat solide entre nos nations», écrit-il sur Instagram. Mais à la veille des élections américaines, il s'en donne à cœur joie une troisième fois.

Cette fois, il pointe du doigt deux Suisses qui auraient aidé des Russes à contourner des sanctions américaines. Il laisse entendre:

«La Suisse peut et doit faire plus et combler les lacunes de sa législation en matière de lutte contre le blanchiment d'argent»

Au Palais fédéral, des parlementaires délibèrent précisément sur ce sujet. C'est le dernier coup d'éclat en date du diplomate américain. Ce dernier va sans doute rentrer après la victoire de Donald Trump. Reste à savoir qui le nouveau locataire de la Maison-Blanche enverra en Suisse après son investiture.

Traduit de l'allemand par Anne Castella

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