International
Donald Trump

Donald Trump a témoigné et il a été infernal

Donald Trump et son avocate Alina Habba, au palais de justice du compté de New York, lundi.
Donald Trump et son avocate Alina Habba, au palais de justice du compté de New York, lundi.image: getty, montage: watson

Trump a témoigné et il a été infernal: «Mais répondez à la question»

Dissipé, agacé, fatigué et grandiloquent, le candidat républicain a sans cesse cherché le combat, lundi, dans le cadre de son procès pour fraude. Un show qui a fait tourner le juge en bourrique, mais prouve précisément ce que ses ennemis redoutent depuis longtemps.
06.11.2023, 22:1107.11.2023, 09:19
Plus de «International»

On l'esquisse depuis des mois, mais cette fois, c'est certain: l'accusé Trump compte bien confier chacun de ses procès, chacun de ses témoignages sous serment, au candidat Trump. Un marathon judiciaire qu'il transformera en marche-pied vers le Bureau ovale, quitte à flirter avec l'obstruction. Lundi soir (heure suisse), le milliardaire épinglé pour fraude dans le cadre de ses affaires immobilières aurait rêvé que les caméras tournent.

«J'espère que le public regarde!»
Donald Trump

Alors, non, le public ne pouvait l'admirer, dans ce tribunal new-yorkais qui l'a déjà condamné, mais doit désormais décider d'une sanction. Bientôt, sans doute. Le procès qui se tiendra en Géorgie, pour «entreprise criminelle» visant à annuler sa défaite à l'élection présidentielle de 2020, a toutes les chances d'être filmé.

Mais revenons au palais de justice du comté de New York, voulez-vous? Depuis Roosevelt, c'est la première fois qu'un président des Etats-Unis est appelé à la barre. En jeu, la survie de la Trump Organization. Alors qu'il aurait pu invoquer le fameux cinquième amendement, avec le risque que ce silence très américain le rende coupable, Donald Trump a témoigné. Il s'est même copieusement épanché, mais en ignorant la raison première de sa présence à la barre: «Monsieur Trump. Vous pouvez m'attaquer, vous pouvez faire ce que vous voulez, mais répondez à la question!»

Durant les trente premières minutes d'une audience gorgée de journalistes, il sera remis quatre fois à l’ordre par le juge. Dissipé, les traits tirés, il offrira un show amer, qui ne sera jamais du goût d'Arthur Engoron, décrit par le milliardaire comme un juge «voyou», «dérangé» et «haineux», depuis le début du procès le 2 octobre. L'ambiance est survoltée et glaciale, si l’on en croit le compte-rendu en direct des médias américains présents dans la salle.

«Maître, maîtrisez votre client! Nous ne sommes pas dans un meeting politique»
Le juge Arthur Engoron

Formellement, le juge Engoron a raison. Dans la vraie vie, ce spectacle pénible est une réalité à combattre par la justice et à laquelle le monde devra s'acclimater. Désormais, pour Trump, rien n'est plus un meeting politique qu'une salle d'audience. Et la première heure d'interrogatoire, lundi à New York, le démontrera cruellement. Bien décidé à prouver qu'il a raison, sur tout, tout le temps, il ira jusqu'à oser un cours accéléré de gestion immobilière, d'un air dédaigneux, en répétant combien il est «un as des affaires».

NEW YORK, NEW YORK - NOVEMBER 06: Former President Donald Trump arrives for his civil fraud trial at New York State Supreme Court on November 06, 2023 in New York City. Trump is scheduled to testify i ...
Getty Images North America

A la première pause, l'accusé viendra toiser la foule et les médias postés à l'extérieur du tribunal, en mimant une fermeture éclair qu'il fait alors glisser sur ses lèvres. Comprenez: je ne peux rien dire, mais je n'en pense pas moins.

Une attitude grandiloquente qu'il abandonnera ensuite (un peu), pour répondre (un peu) aux questions. De gamin turbulent, voilà qu'il devient ce témoin bavard et confus, l'un des pires cauchemars de tout avocat. Les siens? Entre deux remises à l'ordre, ils s'amuseront régulièrement à glisser des «mon client, l'ancien et futur président des Etats-Unis...», histoire de perturber les débats et rappeler que leur poulain est en campagne.

Mais l'accusé parle, décidément beaucoup trop.

Dans sa bouche, la fin de la matinée ressemblera à une lecture public de son compte Truth Social: exagération, vantardise, agressivité, informations douteuses et humour hors de propos.

Quand on lui demandera la valeur réelle de son golf en Ecosse, Trump se lancera alors dans une tirade poétique en l'honneur de son dix-huit trous, dont il décrira longuement «la beauté» des lieux. Avant de se vanter d'avoir encore «342 millions de dollars en espèces »et que «les banques adorent Donald Trump». «A vous de voir si vous voulez laisser votre témoin divaguer», balancera alors le juge Engoron, la patience au bord des nerfs, à l'avocat du procureur général de New York, Kevin Wallace.

La taille de son triplex dans la Trump Tower?

«Sans ce procès je ne l'aurais pas su, mais c'est 1 000 mètres carrés»

C'est correct, mais il exagérera, dans la foulée:

«Non, 1100. Ou plutôt 1300»

Mmmh?

«La taille de mon appartement a été exagérée à l'époque parce que les ascenseurs avait été inclus dans le calcul»

Mais encore?

«Je ne sais pas ce que signifie le fait de surévaluer»

Conclusion?

«La Trump Tower est le meilleur emplacement de New York!»

Quelle fut son implication dans les comptes de la Trump Org. en 2021?

«J'étais occupé à la présidence, avec la Chine, la Russie et la sécurité de notre pays»

Et une question piège, parmi d'autres: pourquoi a-t-il dévalué la valeur de sa propriété de Seven Springs, dans le comté de Westchester?

«Je pensais que c'était trop élevé»

Non seulement Kevin Wallace a dû lui préciser doucement... qu'il n'était pas président en 2021, mais sa réponse à la dernière question tend à prouver qu'il trempait bel et bien dans ce qu'on lui reproche: une manipulation active des comptes de la Trump Organization. Alors qu'il nie toujours «tout acte répréhensible».

Juste avant la pause lunch, le juge menacera de ficher le témoin dehors, tant son «attitude dépasse les limites de l'acceptable». Mais tout le monde ira finalement manger un morceau, avant de réintégrer la salle d'audience pour une deuxième partie de journée aussi tumultueuse et décousue que la première.

En misant sur le chaos perpétuel, le duo d'avocats du milliardaire veut à tout prix pousser la justice à la faute. Même si, d'un côté, Me Chris Kise se la joue plutôt sobre et traditionnel, Me Alina Habba se rue sur des micros à chaque pause pour accumuler les noms d'oiseaux à l'encontre du tribunal. Une technique que le principal intéressé risque de ne pas assumer jusqu'au bout.

Lundi, on dirait bien que le patriarche s'est laissé emporter par ses émotions. Derrière l'énergie apparente, il y a manifestement le désespoir. Celui d'un homme angoissé à l'idée de voir son empire financier s'écrouler comme un château de carte. Et celui d'un père qui voit défiler, un par un, ses enfants à la barre.

En fin de semaine passée, Donald Trump Jr. et Eric Trump ont témoigné, cherchant avant tout à rejeter toute faute, toute fraude, sur les comptables de la Trump Organization. Mercredi, ce sera au tour d'Ivana, la «princesse» de la dynastie. Quelques heures plus tard, les candidats républicains croiseront le fer dans le cadre du troisième débat des primaires. Sans Donald, of course.

Juste avant la fin de l'audience, comme une signature, Trump clôturera son témoignage comme il l'a toujours fait:

«Il n'y a pas de victime dans ce procès. C'est ce qu'on appelle de la politique. En voulant me garder dans ce palais de justice toute la journée, vous faites de l'ingérence électorale».
Donald Trump dédicace la poitrine d'une jeune femme
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
2 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
2
François Bayrou remet la réforme des retraites «en chantier»
Espérant échapper à la censure, François Bayrou a annoncé à l'Assemblée la «remise en chantier» de la réforme des retraites.

Le nouveau permier ministre français François Bayrou a rouvert mardi le débat sur une réforme contestée des retraites voulue par Emmanuel Macron. Une ouverture à gauche destinée à éviter une censure similaire à celle qui avait fait tomber le précédent gouvernement.

L’article