Ce registre date des années nonante. Et les citoyens de tous les États peuvent y accéder. Depuis son ordinateur, on trouve facilement la photo récente du délinquant et la description du crime, mais aussi son lieu de travail, son adresse exacte et le modèle précis de la voiture qu'il conduit. Rassurant lorsqu'on veut engager une nounou, accepter un premier rendez-vous ou fouiller le passé d'un voisin un peu louche. D'autant que l'inscription ne s'évapore pas une fois la peine purgée. En 2018, L'Obs rappelait que le registre du «Wisconsin, par exemple, reçoit près de 500 000 visites par mois». Un fichier dans lequel, enfin, le condamné se doit de s'inscrire en personne, rajoutant un boulet à la cheville.
Donald Trump ne figurera jamais dans le registre des délinquants sexuels. Du moins, en ce qui concerne l'affaire qui l'oppose depuis quatre ans à E. Jean Carroll. Malgré la joie de courte durée de ses détracteurs, il y a un peu moins d'un an, qui jubilaient sur les réseaux sociaux à l'idée qu'il se retrouve «avec tous les détraqués des Etats-Unis».
Le 9 mai 2023, pourtant, un juge new-yorkais a considéré que Trump avait bel et bien «abusé sexuellement» de la chroniqueuse du magazine Elle, aujourd'hui âgé de 80 ans. Selon le récit, il l'aurait agressée dans la cabine d’essayage d’un grand magasin new-yorkais, il y a de cela trente ans. Trop vieux pour que le dossier puisse passer la rampe au pénal, le milliardaire sera jugé au civil. Et ça change tout.
En fin de course, il y a quelques jours seulement, il sera également condamné pour diffamation, après avoir couvert la chroniqueuse d'insultes. Montant de la sentence? 83,3 millions de dollars.
En mai 2023, dans le jargon juridique, le tribunal de New York a jugé que «la conduite de Trump était un viol», comme le rappel Daily Beast, notamment. Mais alors pourquoi tout cela n'est-il pas suffisant pour ficher Donald Trump à vie, au registre des délinquants sexuels? Parce qu'il n'a pas été condamné pénalement pour viol et que c'est un sort qui, à New York, n'est réservé qu'à «ceux qui sont incarcérés, en probation ou en liberté conditionnelle», explique USA Today. Le milliardaire, lui, est vierge de toute inscription.
Circulez, il n'y a rien à voir.
Maggie Gardner étaie son explication: «Le fait d'être obligé de s'inscrire comme délinquant sexuel entraîne de nombreuses restrictions sur vos libertés individuelles et votre vie privée. Il est donc logique que cela découle uniquement d'une condamnation pénale, avec son niveau de preuve plus élevée».
Pour Donald Trump, plus que pour quiconque, l'idée d'être réduit au statut de «délinquant sexuel» aurait été insupportable. Alors qu'il se nourrit goulûment des accusations de fraudes et de tricheries électorales, peaufinant ainsi son rôle de soi-disant martyr d'un Etat profond qui s'acharnerait contre lui, ce procès au civil l'a longtemps incommodé.
Etant donné (encore une fois) que les juges ont considéré que «la conduite de Trump était un viol», nous avons récemment imaginé son arme favorite se retourner contre lui. A savoir l'art de dégainer un sobriquet à tout ennemi potentiel, de «Sleepy Joe» à «Crazy Nancy», en passant par «Birdbrain Nikki», «Meatballs Ron» et «Barack Hussein Obama». Un geste qui, s'il aurait le pouvoir de fâcher Trump tout rouge, ne risque pas d'être réalisé par des démocrates dont ce n'est pas tant la culture.
Malgré tout, pour ceux qui regrettent de ne pas le voir trôner au sommet du registre des délinquants sexuels, ce petit surnom est une maigre consolation.