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Marinade

E. Jean Carroll la «moche» a pris sa revanche sur Trump

N'en déplaise à Donald Trump qui affirmait qu'elle n'était «pas son style», son accusatrice E. Jean Carroll a affiché un look impeccable à chacune de ses apparitions au tribunal.
N'en déplaise à Donald Trump qui affirmait qu'elle n'était «pas son style», E. Jean Carroll a affiché un look impeccable à chacune de ses apparitions au tribunal.gett/watson
Marinade

La «moche» s'est vengée de Donald Trump

Méfiez-vous avant de dire d'une influente journaliste de mode qu'elle n'est «pas votre style»; cela pourrait vous coûter plusieurs millions de dollars. Donald Trump l'a appris à ses dépens. Le look de son accusatrice, E. Jean Carroll, était au cœur de leur procès pour viol et diffamation. Décorticage d'une stratégie maîtrisée à la perfection.
29.01.2024, 20:44
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Notre chronique mode, un petit jus épicé comme il se doit pour pimenter toute bonne pièce qui se respecte. En particulier quand c’est du veau ou du croco. Pour plus de marinade, c'est ici que ça se passe.

La vengeance est un plat qui se mange froid comme une salade César (sans sauce) et nulle n’est mieux placée pour le savoir qu’une journaliste de mode. Après avoir été traitée de tous les noms sur la place publique par Donald Trump, la journaliste new-yorkaise E. Jean Carroll vient de remporter une victoire de taille sur l'ancien président. Vendredi, il a été condamné à lui verser 83 millions de dollars de dommages et intérêts. Rien que ça.

L'inconnue qui était déjà «quelqu'un»

C'est qu'il aurait pu y réfléchir à deux fois, avant de traiter E. Jean Carroll de «menteuse». Une «affabulatrice», une inconnue qu'il n'aurait jamais rencontrée, avide de gloire et d'un peu d'attention - quitte à l'accuser de viol si cela pouvait lui permettre de vendre quelques bouquins de plus. Ne nous méprenons pas. Bien avant de devenir «l'accusatrice de Trump», E. Jean Carroll était déjà quelqu'un. Une inconnue? Un laideron? Oh que non.

Ancienne «Miss Indiana University» et «Miss Cheerleader USA», cette brillante journaliste originaire du Midwest a débarqué à New York dans les années 80 et s'est taillé une place à la télévision, en écrivant notamment pour l'émission «Saturday Night Live» - ce qui lui vaut une nomination aux Emmy. Ce sont toutefois ses reportages dans des publications comme Rolling Stone et Playboy – dont elle est la première femme nommée rédactrice en chef – qui ont fait d'elle une pionnière du métier reconnue et saluée. Contributrice régulière du magazine Elle où sa chronique «Ask E. Jean» est lue par des millions de lecteurs entre 1993 et 2019, E. Jean Carroll est une habituée des soirées mondaines, où elle est fréquemment photographiée.

E. Jean Carroll et son mari de l'époque, l'ancien présentateur new-yorkais John Johnson, en pleine conversation avec Donald Trump et sa première femme, Ivana, vers 1987.
E. Jean Carroll et son mari de l'époque, l'ancien présentateur new-yorkais John Johnson, en pleine conversation avec Donald Trump et sa première femme, Ivana, vers 1987.

Contrairement à ce que Donald Trump affirme depuis cinq ans, E. Jean Carroll ne serait donc pas une illustre inconnue aux yeux de l'influent promoteur immobilier, ce fameux jeudi soir du milieu des années 90, lorsque tout bascule. Ces deux figures incontournables de la scène médiatique et nocturne new-yorkaise se sont déjà croisées au cours des années précédentes, notamment en 1987 (photo à l'appui). Ce qui expliquerait pourquoi, lorsqu'ils se rencontrent devant le grand magasin de luxe Bergdorf Goodman, l'ambiance est bonne enfant et amicale. La suite, bien plus sinistre, E. Jean Caroll le racontera des années plus tard dans un livre, et tout au long de son procès.

«Pas mon style»

Entre Donald Trump et E. Jean Carroll, tout a été toujours été question d'apparence. Lorsqu'elle l'accuse de viol pour la première fois publiquement, en 2019, la chroniqueuse fait la couverture du magazine New York vêtue d'une robe-manteau courte Donna Karan, de collants noirs et de talons Barneys New York. Le titre est sans équivoque: «Voici que je portais il y a 23 ans, lorsque Donald Trump m'a attaquée dans une cabine d'essayage de Bergdorf Goodman».

Un look chic et simple, conforme à celui qui avait fait son succès dans le Manhattan grisant des années 80 et 90. La tenue a ensuite été utilisée en guise de preuve matérielle pour une analyse ADN.

Publiées pour la première fois dans son livre, les accusations de viol d'E. Jean Carroll ont fait la Une du magazine New York en 2019.
Publiées pour la première fois dans son livre, les accusations de viol d'E. Jean Carroll ont fait la Une du magazine New York en 2019.image: ny magazine

Si E. Jean Carroll s'attendait à ce que l'intéressé riposte en affirmant que leur relation était consentie, son désintérêt est une réponse autrement plus violente. Pour Donald Trump, cette histoire ne serait que« pure invention». Un «canular». Un «mensonge». «Et, bien que je ne sois pas censé le dire, je vais le faire: cette femme n'est pas mon style!» conclut-il triomphalement sur son réseau Truth Social. E. Jean Carroll est abasourdie. Anéantie.

«Ça voulait dire que j'étais trop moche pour être attaquée, trop moche pour être violée»
E. Jean Carroll lors de son audience à New York,
au printemps 2023.

Alors, lorsque démarre leur procès en avril 2023 dans un tribunal du district de New York, l'ex-ponte du magazine Elle entend bien montrer de quel style elle se chauffe. Son corps s'est donc retrouvé, une fois de plus, au cœur de l’affaire.
Sans oublier ce qu'il y a dessus.

L'importance de la tenue

On ne le répètera jamais assez: les fringues, au tribunal, ça compte. Souvenez du procès de l'actrice Gwyneth Paltrow, l'an dernier, pour une épique collision à ski avec un retraité. Pendant des jours, le moindre de ses looks - tous plus sobres et raffinés les uns que les autres - avait été décortiqué, étudié, analysé. Une apparence impeccable qui a certainement contribué à jeter des paillettes et une impression de fiabilité aux yeux du jury. Pour conclure sur l'acquittement de la comédienne.

Le «quite luxury» super-puissant de Gwyneth Paltrow avait significativement contribué à renforcer son sérieux auprès des jurés.
Le «quite luxury» super-puissant de Gwyneth Paltrow avait significativement contribué à renforcer son sérieux auprès des jurés.

«Les jurés vont évaluer la crédibilité de manière non verbale» confirme le consultant Geri E. Fischman, spécialiste dans les procès, au Wall Street Journal. «La tenue vestimentaire, l'apparence, tout cela va entrer en jeu.»

Prouver sa crédibilité est d'autant plus nécessaire dans le cas d'E. Jean Carroll et autres victimes d’agression sexuelle. C'est cruel, mais il s'agit de convaincre le jury qu'elles «ressemblent» bien à des victimes.

«Le visuel est d'une importance cruciale dans les cas d'agression sexuelle et de harcèlement sexuel, car il y aura toujours des gens pour rechercher ce qui suggère que la victime l'a bien cherché ou souhaite obtenir de l'attention»
Debra Katz, avocate des droits civiques, présente lors du procès, au New York Times.

Prenons un petit exemple, en plein procès Trump-Carroll, en avril dernier. Lorsque Joe Tacopina, membre de l'équipe juridique de Donald Trump, remet en doute la possibilité de l'agression... sous prétexte que la victime présumée portait des escarpins de 10 centimètres. Comment, lui demande l'avocat, Carroll aurait-elle pu utiliser son genou pour repousser son agresseur, alors qu'elle était perchée sur des talons aiguilles? La réponse de l'intéressée, implacable, est digne du Diable s'habille en Prada: «Je peux danser à l'envers avec des talons de 10 centimètres», renifle E. Jean Carroll.

NEW YORK, NEW YORK - JANUARY 22: E. Jean Carroll leaves Manhattan federal court in New York as her defamation suit against former president Donald Trump has been postponed after a juror and one of Tru ...
E. Jean Carroll avait une mission: convaincre le jury, à la fois dans son témoignage et dans son apparence.Getty Images North America

Une armure de douceur

Pour faire valoir sa cause, c'est peu dire que l'ancienne contributrice du Elle s'est surpassée. Exit le noir des années 90, trop sombre et trop sévère pour s'attirer la sympathie des jurés. Bonjour les tons blancs, gris, crème, marron et pastel autrement plus doux, les fameuses couleurs chair et chères au «quite luxury» (le luxe tranquille), cette tendance sans logo avec laquelle on nous bassine depuis le succès de la série Succession.

«Si les créateurs de 'quite luxury' Max Mara ou The Row fabriquaient une armure, elle ressemblerait à ceci»
Rory Satran, rédactrice mode pour le Wall Street Journal.

Cols roulés, tricots, blazers, manteaux et collants, autant de couches et de matières qui s'accumulent pour mieux s'en faire une enveloppe, un cocon protecteur. Même dans le climat doux du mois de mai 2023, E. Jean Carroll n'hésitera pas à superposer jusqu'à trois couches. Sans jamais oublier le col roulé.

Des couleurs douces, une ceinture et beaucoup de couches: le go-to d'E. Jean Carroll.
Des couleurs douces, une ceinture et beaucoup de couches: le go-to d'E. Jean Carroll.Getty Images North America
NEW YORK, NEW YORK - APRIL 27: Magazine Columnist E. Jean Carroll arrives for the third day of her civil trial against former President Donald Trump at Manhattan Federal Court on April 27, 2023 in New ...
Sans oublier l'éternel carré blond et les lunettes de soleil. Indispensables.Getty Images North America

Beaucoup de couches, certes, mais toujours ajustées. Le carré blond est contrôlé, la ceinture serrée, les coupes droites, les talons hauts et les cols coupés au millimètre. Sage, certes, mais jamais sans un twist, l'accessoire surprenant ou le détail qui tue. N'est pas journaliste de mode qui veut.

NEW YORK, NEW YORK - JANUARY 25: E. Jean Carroll arrives at Manhattan federal court in New York as her defamation suit against Donald Trump resumes after a juror and lawyer fell sick on January 25, 20 ...
L'octogénaire a réussi à dégager neutralité, calme et maîtrise de soi.Getty Images North America
Bref, c'est un grand oui.
Bref, c'est un grand oui.

Au terme d'un second procès en janvier 2024, à défaut de savoir si Donald Trump mettra bien 83 millions de dollars sur la table (il a déjà fait appel), E. Jean Carroll a au moins remporté une première victoire: mettre le jury dans sa poche grâce à un look élégant, digne et maîtrisé. La revanche d'une «moche».

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