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Rebekah Mercer, la riche nounou des extrémistes américains

Rebekah Mercer, la riche nounou des extrémistes américains
Jusqu'en 2018, cette héritière conservatrice a été la donatrice la plus puissante du parti républicain.images: getty, montage: watson

Rebekah Mercer, la riche nounou des extrémistes américains

La campagne de Trump en 2016? C'est elle. La notoriété fulgurante de Steve Bannon? Encore elle. Le réseau social controversé Parler? Toujours elle. Après avoir arrosé d'argent le parti républicain, cette héritière climatosceptique envisagerait de financer le nouvel empire médiatique de Tucker Carlson, viré de Fox News en début d'année.
11.08.2023, 18:4312.08.2023, 10:45
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Une influenceuse, mais à l'ancienne. C'est-à-dire réellement influente et particulièrement discrète. On ne l'entend pas, on la voit peu. Pas de compte Instagram, mais des comptes en banque. Et plutôt bien garnis. A 49 ans, Rebekah Mercer est l'une des donatrices les plus puissantes du parti républicain. Pour dire, rien qu'entre 2009 et 2014, 70 millions de dollars sont venus arroser les causes conservatrices et plusieurs autres millions directement injectés dans la campagne présidentielle de Donald Trump.

Après l'avoir aidé à prendre le pouvoir en 2016, cette «autoritaire faiseuse de roi» a fait un petit noeud au bout du tuyau, n'offrant désormais «plus que» des piécettes à ses poulains politiques.

Pourtant, quand il s'agit de se présenter, c'est la gourmande et la mère au foyer qui a longtemps tenu le crachoir. Intarissable sur ses quatre enfants, conçus avec son ex-mari Sylvain Mirochnikof, un industriel d'origine française, mais aussi sur cette petite confiserie en ligne qu'elle avait fondée avec l'une de ses soeurs.

Son pêché mignon? Les biscuits à la crème brûlée.

Si Rebekah Mercer refait parler d'elle cette semaine, c'est qu'on la soupçonne de vouloir financer personnellement le nouveau projet d'un célèbre naufragé de Fox News. Tucker Carlson, désormais réduit à diffuser (avec succès) ses émissions sur Twitter, bichonne la naissance de son propre empire médiatique. Selon CNBC, l'ancienne marionnette cathodique de Trump court après «plusieurs centaines de millions» de dollars et ferait notamment ses emplettes auprès des megadonators du Grand Old Party.

Il y a quelques semaines, le présentateur fada de théories fumeuses annonçait qu'un premier accord publicitaire avait été signé, avec le fonds 1789 Capital. Surprise, Rebekah Mercer y est créditée en qualité de «dirigeante exécutive». Si le futur paquebot de Carlson n'a toujours pas de nom, les investisseurs se pressent au portillon.

La présidentielle 2024 n'est évidemment étrangère à cette fringale qui entoure l'audience dodue de Tucker Carlson.

La seconde des trois filles de Robert Mercer n'en est pas à sa première échappée en solo. Bien sûr, comme tout nepo baby qui se respecte, après une maîtrise en ingénierie à Stanford, elle a fait ses dents sur plusieurs branches de l'arbre familial. Jeune tradeuse à Wall Street pour le compte de l'un des fonds spéculatifs dirigé par son père, elle prend ensuite la tête de la Mercer Family Foundation (pour ne plus la lâcher).

Les soeurs Sue, Jennifer et Rebekah Mercer, à New York, en 2006. Trois ans plus tard, Rebekah emménagera dans six appartements de luxe d'un immeuble de Manhattan, appartenant à Donald Trump.
Les soeurs Sue, Jennifer et Rebekah Mercer, à New York, en 2006. Trois ans plus tard, Rebekah emménagera dans six appartements de luxe d'un immeuble de Manhattan, appartenant à Donald Trump. Image: Patrick McMullan

Mais il a fallu que cette dynastie de l'Etat de New York verse définitivement à droite du parti républicain pour que la jeune Rebekah commence à y trouver un véritable intérêt. Et, comme c'est souvent le cas chez les ultra-conservateurs, le monde est petit, les connexions nombreuses et les polémiques infinies.

«Rebekah et sa famille sont des puristes. Ils ont très vite considéré que les élites républicaines était trop indulgentes avec l'immigration»
Pat Caddell, un ancien collaborateur de Jimmy Carter, cité par le Huff Post américain en 2017.

Alors que le père a cofondé le média d'extrême droite Breitbart News en 2007, sa fille s'est chargée, en 2018, de monter le réseau social ultraconservateur et ultracontroversé Parler. Bien avant l'arrivée d'Elon Musk au sommet de Twitter, Rebekah Mercer, tout aussi friande de free speech, jugeait déjà l'offre existante beaucoup trop restrictive et progressiste.

Aujourd'hui fermée, l'application a notamment été accusée de servir de relais dans l'organisation de l'assaut du Capitole. Le 8 janvier 2021, deux jours après les émeutes, la plupart des plateformes d'hébergement, Google en tête, éjecteront Parler de leur catalogue. Il faut dire qu'en quelques mois, le réseau social (modéré avec beaucoup de modération) était devenu le récipiendaire favori des principaux contenus, racistes, homophobes, complotistes et pornographiques du moment.

En janvier 2021, les données de l'application Parler ont permis à la justice d'établir une chronologie de l'assaut du Capitole
En janvier 2021, les données de l'application Parler ont permis à la justice d'établir une chronologie de l'assaut du Capitoledr

Si Rebekah n'a jamais craché sur l'audimat et la provocation, il a toujours été hors de question de déraper, sous ses ordres et sans élégance. Quelques semaines plus tard, celle qu'on surnomme la «première dame de la droite alternative» fichait à la porte John Matze, le PDG de Parler. Elle en fera de même, en 2018, avec le populiste et charismatique Steve Bannon, alors président exécutif du groupe Breitbart News. Bannon était pourtant un vieil ami de la famille. Il y a sept ans, c'est elle qui suggéra à Donald Trump de l'intégrer dans son équipe de campagne.

Mercer père et fils n'ont pas immédiatement sauté dans le train Trump en 2016, soutenant d'abord discrètement Ted Cruz. Mais l'abandon du sénateur texan, à la fin du mois de mai, a permis à Rebekah de s'intéresser au potentiel de ce milliardaire excentrique qui... ne lui était pas tout à fait inconnu. En 2009, elle pétait les murs de six appartements luxueux situés à Manhattan, pour se fabriquer une immense propriété dans cet immeuble appartenant au désormais candidat à l'élection présidentielle de 2024.

Appartement penthouse de Rebekah Mercer à New-York
Une petite partie de l'impressionnant penthouse de Rebekah Mercer, situé dans un immeuble de Trump à New York. Elle revendra l'un des étages en 2021.

Coût de l'imposant nid d'amour: 28 millions de dollars. Juste un peu plus que le don alloué par les Mercer à sa campagne présidentielle. Certes, ce n'était pas le pactole le plus impressionnant de l'époque, mais l'occasion rêvée pour cette ambitieuse famille de se rapprocher concrètement du pouvoir. Histoire de sceller cette nouvelle alliance, la jeune femme s'était invitée à un déjeuner au club de golf de Bedminster, dans le New Jersey. Autour de la table, Ivanka Trump et Jared Kushner. Un brunch plutôt lucratif.

«Rebekah qui finance la campagne de Donald Trump, c'est l'affaire du siècle pour la famille Mercer»
Le magazine Institutional Investor, en 2016, cité par Financial Times, deux ans plus tard.

L'année de l'élection du milliardaire de Mar-a-Lago, une très bonne amie de Rebekah refusera pourtant de la décrire comme une «lanceuse de bombes» qui veut tout «détruire sur son passage». Elle est «beaucoup plus subtile que le président», elle a un «sens très fort de la justice». Face à un Trump impulsif, la femme d'affaires s'immiscera dans sa garde rapprochée avec «fermeté», mais un «esprit cool». Il fallait surtout que les différents pions soient au bon endroit.

En réalité, avec l'élection de Donald Trump, Rebekah Mercer tenait surtout sa revanche, elle qui n'avait pas digéré la défaite de son poulain Mitt Romney face à Barack Obama en 2012. «Elle a voulu tout reprendre en main, confesse à l'époque un proche de la famille, au New York Times. Elle était persuadée que l'argent de sa famille avait été mal utilisé, mal distribué.»

Nick Ayers, conseiller principal lors de la transition présidentielle et Rebekah Mercer. Dans le hall d'entrée de la Trump Tower, le 8 décembre 2016.
Nick Ayers, conseiller principal lors de la transition présidentielle et Rebekah Mercer. Dans le hall d'entrée de la Trump Tower, le 8 décembre 2016.Image: AP

Malgré le flux discontinu d'argent qui atterrit dans les poches des ultraconservateurs, la famille Mercer n'a jamais annoncé ses intentions de vote, ne s'est jamais lancée dans la promotion publique d'un parti politique. On les soupçonne d'être avant tout de «riches anarchistes d'extrême droite», de «grands joueurs» qui adorent «parier sur leur influence». Pas mondains pour un sou, la dynastie considérait que «l'establishment politique était pourri jusque dans ses fondements» et que les Américains avaient besoin d'un leader hors du sérail et proche de leurs préoccupations. En misant sur Donald Trump le libertaire, cette sévère militante anti-avortement savait que le bonhomme avait les épaules pour perturber durablement les ronronnements de Washington.

L'extrême-droitisation des républicains étaient en marche. Mais il leur fallait une arme fatale.

L'immense scandale Cambridge Analytica

Et le levier à la mode, en 2016, c'est le big data. Principaux investisseurs d'une jeune société britannique baptisée Cambridge Analytica, Mercer père et fille auraient posé 15 millions de dollars sur table. Rebekah a siégé au conseil d'administration, aux côtés d'un certain Steve Bannon. Selon une source du Daily Beast, elle «s'était toujours efforcée d'observer et de se plier à tous les mandats légaux et normes établies». Pourquoi tant de précaution? Parce que cette société allait très vite se retrouver au coeur d'un incroyable scandale politique.

Durant la campagne de 2016, Cambridge Analytica a siphonné de manière illicite les données personnelles de plus de 50 millions de citoyens américains, avec le concours de Facebook.

«Rebekah Mercer, dont l'implication agressive dans les campagnes des politiciens qu'elle soutenait était rapidement devenue notoire, indiquait clairement qu'en retour de son soutien financier, elle exigeait que les campagnes engagent Cambridge Analytica pour travailler sur les données.»
Joshua Green, dans son livre Devil's Bargain, qui dresse un portrait peu ragoûtant du couple Bannon-Trump.

Qui est responsable et de quoi? Si, en décembre 2022, Facebook a payé le montant de 725 millions de dollars pour solder l'affaire, la famille d'investisseurs n'a toujours pas été particulièrement inquiétée.

Pour les Mercer, c'est surtout une énième preuve que tous les moyens sont bons pour catapulter discrètement leur bébé-politicien dans le Bureau ovale. Intraitables en coulisse, inexistants, ou presque, sous les projecteurs.

Hormis le traditionnel bal costumé que Robert Mercer organise dans l'une de ses propriétés, ce passionné d'informatique, un ancien d'IBM, ne regarde personne dans les yeux et préfère les chats aux êtres humains. Certes, Bekah, pour les intimes, s'est toujours montrée un peu plus loquace (voire coriace), mais on est loin de l'image d'une Paris Hilton de l'alt-right américaine.

Kellyanne Conway, ancienne boss de campagne de Trump à la sauterie du père de Rebeka Mercer.
Kellyanne Conway, ancienne boss de campagne de Trump à la sauterie du père Mercer.image: getty

Ces dernières années, l'héritière s'est surtout attirée les foudres des militants climatiques, elle qui n'a jamais goûté à la moindre politique en faveur de l'environnement. En revanche, personne ne connaît encore son implication dans la course à la présidentielle de 2024.

Aujourd'hui, son argent permet notamment à une grappe de jeunes provocateurs d'extrême droite de monter non seulement des podcasts, mais surtout en puissance. A l'instar de Milo Yiannopoulos, qui fut un temps le directeur de campagne excentrique d'un certain Kanye West, lorsqu'il projetait encore d'installer ses disques d'or à la Maison Blanche. Ce ne serait donc pas une grande surprise de retrouver, tout soudain, Rebekah Mercer aux fourneaux du projet médiatique du plus radical d'entre eux, Tucker Carlson.

La marionnette de Trump est de retour
Video: twitter
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