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Milo Yiannopoulos, le troll qui veut propulser Kanye West président

Milo Yiannopoulos se vante d'être «l'agent du chaos». Il est surtout le directeur de campagne de Kanye West.
Milo Yiannopoulos se vante d'être «l'agent du chaos». Il est surtout le directeur de campagne de Kanye West.twitter

Milo Yiannopoulos, l'«agent du chaos» qui veut propulser Kanye West président

Milo Yiannopoulos se vante d'être «l'agent du chaos» et il est considéré comme le «troll le plus dangereux de l'alt-right américaine». A 38 ans, cette méchante et subversive gueule d'ange, qui surnommait Donald Trump «papa», est projetée directeur de campagne de Kanye West. Parcours d'un parfait nuisible de son époque.
05.12.2022, 05:5305.12.2022, 07:37
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«Ce qui est peut-être le plus choquant, c'est qu’il est tout à fait charmant.» En 2015, la journaliste américaine Kristen Brown parvenait à résumer le pedigree du charismatique Milo Yiannopoulos comme un synopsis de thriller psychologique. On rajoutera, pour la forme, que sa carrière est davantage jalonnée de faux pas que de faux plis.

Quoi d'autres, sinon...

«Yiannopoulos est un troll misogyne, raciste, xénophobe et transphobe qui est extrêmement doué pour attirer l'attention sur lui»
L'organisation américaine de lutte contre l'antisémitisme Anti Defamation League (ADL), en 2019.

Profession? Journaliste, éditorialiste, «poète» (selon lui) et fauteur de troubles ultra-archi-méga-conservateur. Plutôt discret depuis des propos problématiques et périlleux (les mots-clés «sexe» et «enfants» ont jailli de sa bouche dans la même phrase), l'homme, aujourd'hui âgé de 38 ans, refait surface dans une actualité qui lui ressemble comme deux gouttes d'huile sur une flamme: Kanye West.

Les nouveaux pieds nickelés de l'Amérique: Nick Fuentes, Kanye West et Milo Yiannopoulos.
Les nouveaux pieds nickelés de l'Amérique: Nick Fuentes, Kanye West et Milo Yiannopoulos.twitter

Ce week-end, il faisait partie de la délégation qui s'est invitée chez Donald Trump. Un nouveau gang de parias nationalistes qui ne serait pas au complet sans la mascotte des suprémacistes blancs, le jeune Nick Fuentes. Mercredi soir, Milo est allé plus loin en affirmant carrément être à l'origine de ce dîner, dans l'unique but de «ruiner la vie» de l'ex-président. Depuis, il a été promu «campaign manager» du rappeur le plus conspué de l'année.

Le coming-out en vidéo:

Comme rien n'arrive par hasard, les trois mal-aimés du moment ne se seraient jamais reniflé le derrière sans l'intervention divine d'un autre hurluberlu de la droite dure. Il y a quelques semaines, Alex Jones, riche complotiste qui aime ricaner à chaque tuerie de masse, s'est chargé de jouer les entremetteurs.

Pour Milo Yiannopoulos, soutenir aujourd'hui un West à l'ouest est un come-back ton sur ton avec son curriculum vitae. Cet «agent du chaos», ce playboy plus volontiers décomplexé que déconstruit, dégueule ses provocations dans le slip des progressistes depuis bientôt quinze ans. S'il n'était pas furieusement réel, on pourrait lui trouver des airs de Borat bling-bling ou de Jackass politisé.

«Mon cerveau est totalement autiste. Ou alors sociopathe? Je suppose que je suis les deux. Who cares?»
Milo Yiannopoulos

Comme bon nombre de dangereux lurons narcissiques à tendances paranoïaques, Milo s'aime autant qu'il est détesté. C'est bien simple, l'extrême gauche, la droite sobre, les féministes, les médias, les militants de Black Lives Matter, les homosexuels et les musulmans ne peuvent pas le sentir. Fier comme un coq, c'est évidemment lui qui revendique cette haine totale contre sa propre personne, sinon la farce n'aurait pas la même saveur. «Vous savez, on peut tout à fait être impopulaire et avoir du succès», disait-il bien avant que Sandrine Rousseau n'entre en politique.

Gay, catho, conservateur

S'il a surtout secoué l'Amérique puritaine, Yiannopoulos est né à Chatham, England. Son (vrai) nom? Milo Hanraha. Enfant chétif et introverti, fils d'un architecte qu'il décrit comme «terrifiant», il s'empresse de se bricoler une carrure de pop star insortable, histoire de pouvoir fendre la foule sans fixer le bout de ses baskets. Sans véritable diplôme et traumatisé par le divorce de ses parents lorsqu'il avait six ans, c'est comme s'il se devait de devenir ce gendre peu idéal à plusieurs visages, dégaines et teintes de cheveu. En réalité, Milo pourrait bien briguer le titre de caméléon le moins camouflé de la jungle médiatique.

«Rendre son hétérosexualité à l'Amérique.» Voilà.
«Rendre son hétérosexualité à l'Amérique.» Voilà.

Ses lames de journaliste, il les aiguise quelque temps au sérieux Telegraph, journal dans lequel il excelle avec ses articles putaclics, pour ensuite se faire une réputation dans la tech en fondant le portail spécialisé The Kernel. Le très influent magazine Wired l'a même hissé à deux reprises parmi les 100 personnalités les plus influentes de l'économie numérique britannique.

Ses heures de gloire, Milo les atteindra au début des années 2010, en devenant l'agitateur politique le plus croustillant et le plus controversé de Breitbart News, média américain conservateur (sinon d'extrême droite), dont Steve Bannon fut un temps le directeur général.

«Vous préférez que vos enfants attrapent le féminisme ou le cancer?»
Le titre de l'une des chroniques de Milo sur Breitbart News.

Trump, Jésus ou Néron?

Ouvertement gay, puis plus, puis de nouveau, puis ouvertement anti-gay, Milo n'est ni tout à fait républicain, ni particulièrement raciste, ni vraiment homophobe et certainement pas pédophile. Personne ne saura jamais qui le fait véritablement bander, voter ou se lever le matin. Milo brouille ses propres pistes et utilise l'offense comme une étrange légitime défense, un écran de fumiste, bref: un repoussoir à pensée unique. Son besoin de perturber continuellement l'ordre établi se confirme par exemple lorsqu'il lance une fondation loufoque pour venir en aide aux «mâles blancs privilégiés» ou quand il déclare être attiré sexuellement par Trump.

Quitte à aller trop loin, chaque jour que Dieu fait.

«Cher Trump: merci de déporter les personnes obèses.»
«Cher Trump: merci de déporter les personnes obèses.»

Un jeu dangereux qui, parfois, le dépasse. Comme au moment du fameux scandale du #Gamergate, en 2016, la pierre angulaire de l'alt-right américaine moderne et connectée. Une controverse qui a non seulement accouché de plusieurs méchantes vagues de cyber-harcèlement de gameuses et de femmes journalistes spécialisées, mais aussi braqué de nombreux projecteurs sur Yiannopoulos.

Alors plus ou moins inconnu du grand public, Milo était pourtant déjà à la tête d'une armée de féroces trolls d'extrême droite. Pas forcément par volonté d'incarner consciemment le commandant d'un groupuscule, mais son influence sur les réseaux sociaux fut longtemps sous-estimé; y compris par le principal intéressé. Notre homme a d'ailleurs perdu totalement la maîtrise de son pouvoir lorsqu'il fut considéré comme l'un des responsables de la violente campagne de harcèlement raciste contre l'actrice Leslie Jones, en marge de la sortie du remake 100% féminin de Ghostbusters.

Au moins, le nouveau Ghostbusters affiche un beau mec black!
Au moins, le nouveau Ghostbusters affiche un beau mec black!

En 2016, et bien avant l'arrivée d'Elon Musk, le film et le scandale pousseront Twitter à bannir Yiannopoulos à vie et à rafistoler sa politique de modération.

Bousculer «l'hypocrisie paresseuse» des démocrates restera son plus grand dada. Yiannopoulos, comme Trump, West ou Musk, est lancé à pleine vitesse dans la course idéologique (et hystérique) au sacro-saint free speech. Cette liberté qui, notamment sur Twitter ou 4chan, se résume souvent à bâillonner la gauche et effrayer l'establishment.

Dans l'un de ses rares moments de bonne foi, l'ex-oiseau blessé confessait en 2016 qu'il «est compliqué d'être homosexuel, catholique pratiquant et conservateur.»

«J'ai dépensé beaucoup d'énergie pour défendre ma religion et ma couleur politique. Contre toute attente, mes pires ennemis ont toujours été les homosexuels progressistes qui n'ont jamais compris qu'on pouvait être un pédé de droite»

Toujours en 2016, Milo listait pour le New York Times ses trois provocateurs préférés de tous les temps. Dans l'ordre, Trump, Jésus et Néron. Le premier, il l'a longtemps appelé «papa» avant de polluer son existence. Pour ce qui est du messie et de l'empereur pyromane, Yiannopoulos hésite sans doute chaque matin en s'admirant dans la glace de sa salle de bain. Se forcer à s'aimer très fort permet souvent d'oublier qu'on se foutrait des baffes: «Maintenant je suis la meilleure personne que je connaisse.»

Milo, stagiaire bénévole de la «dingo de Trump»

Les véritables premiers pas de Milo Yiannopoulos en politique sont plutôt récents et n'ont rien à envier au reste de sa carrière puisqu'il s'est affiché aux côtés de Marjorie Taylor Greene. La dame ne vous dit rien? Taylor Greene est une QAnon de premier ordre, une antivax et complotiste de compétition. Au point que l'élue d'extrême droite, passionnée d'armes à feu, est sobrement surnommée la «dingo de Trump» par certains médias.

(Sympa la bio Tinder.)

Marjorie Taylor Greene montre ses «muscles».
Marjorie Taylor Greene montre ses «muscles».

En début d'année, cette républicaine très à droite avait d'ailleurs fait pouffer toute la planète pour cause de lapsus malheureux, lui faisant prononcer «gaspacho» au lieu de «Gestapo», en direct à la télévision.

En juin dernier, c'est un duo de malfaiteurs politique aussi what the fuck qu'explosif qui fait irruption en une des journaux américains: Taylor Greene engage Yiannopoulos en qualité de «stagiaire d'été non-rémunéré». Deux des plus grands trolls américains désormais main dans la main, pour le pire et pour le pire, fait s'étrangler les éditorialistes politiques, mais nourrit goulûment les réseaux sociaux.

«Maman a toujours dit que je finirai au gouvernement!»
Milo, au moment d'empoigner son nouveau métier.

Taylor Greene en est persuadée: s'ils sont devenus tous deux des parias, «c'est parce que le monde a peur de la vérité», déclara-t-elle en dévoilant un cliché tout sourire en compagnie de son poulain, sur Twitter. (Avant d'être bannie à son tour quelques semaines du réseaux social. Qui se ressemble, s'assemble.)

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En 2022, et au pied de la quarantaine, Milo Yiannopoulos ne semble en tout cas pas près de prendre sa retraite de «troll le plus dangereux de l'alt-right américaine». Après Trump et Taylor Greene, c'est donc Kanye West qui devient son joujou préféré, sa nouvelle marionnette de ventriloque polémiste. Un parcours qu'on peut qualifier de furieusement cohérent.

A l'heure où les principaux assaillants du Capitole sont envoyés les uns après les autres en prison, à l'heure où Ye perd chaque jour un nouvel allié fréquentable, l'entertainment politique d'extrême droite n'a pas prononcé sa dernière saillie. Et après le récent scandale «J'aime Hitler» de Kanye West, Milo aura fort à faire s'il compte véritablement installer le rappeur à la Maison Blanche.

Ou peut-être bien que, là encore, l'aventure n'est rien d'autre que le dernier hobby en date d'un garnement qui s'emmerde.

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